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Adaptation

Quel vignoble pour quel climat ?

Viticulture et changement climatique : tel était le thème de la journée Tech & Bio organisée par les chambres d’agriculture de l’Ardèche et de la Drôme, le 7 juillet à Cornas.

Quel vignoble pour quel climat ?
Des ateliers dans le vignoble étaient organisés tout l’après-midi : ici, une démonstration de pulvérisation par drone dans les vignes de forte pente »

Situés sur de fortes pentes, dans des sols d’origine granitique à faible réserve en eau, les vignobles des côtes-du-rhône septentrionales sont pleinement impactés par le réchauffement climatique.
Comment s’adapter au changement climatique ? Pour tenter d’y répondre, encore faut-il en appréhender les effets. Quel climat aura-t-on demain ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre Emmanuel Forel, responsable climat à la chambre d’agriculture de l’Ardèche. « Si l’on prend en considération le scénario le plus pessimiste du Giec, qui est celui qui tend à se réaliser, nous pourrions connaître une hausse des températures moyennes de 3,8 °C d’ici la fin du siècle dans la région des côtes-du-rhône septentrionales. Il détaille : C’est en montagne que l’augmentation des températures sera le plus soutenue : on devrait connaître + 4 °C à 400 m, + 4,1 °C à 600 m. Et d’illustrer : À Alboussière, les températures seront les mêmes qu’à Montpellier entre 1970 et 2005 ! »

Quatre mois d’été et plus d’hiver

C’est en été que la hausse des températures sera la plus marquée. « À horizon 2100, nous auront + 5 °C de température moyenne l’été, et les journées à plus de 30 °C seront de plus en plus nombreuses, soit trois mois dans l’année ! A plus de 600 mètres, les jours à plus de 30 °C seront huit fois plus nombreux, souligne Emmanuel Forel. L’été débutera dès juin et s’étendra à septembre, tandis que les hivers tendront à disparaître. Le climat de janvier sera similaire à celui qu’on connaît aujourd’hui en mars. » Il poursuit : « On aura également des maturités beaucoup plus précoces, donc on vendangera un mois plus tôt. »

Arroser les vignes ?

D’autre part, le nombre de jours de gel tendra à la baisse. Toutefois, avec davantage de précocité dans les maturités des cultures, les dégâts de gel ne devraient pas disparaître, au contraire. Les besoins en eau devraient toutefois exploser du fait d’une évapotranspiration plus rapide. « Les sécheresses vont s’intensifier et les besoins en eau s’accroître. Est-ce qu’on devra arroser les vignes, et est-ce qu’on le pourra ? questionne Emmanuel Forel. Certes, il existe des outils (sondes capacitives…) pour piloter l’irrigation plus finement et efficacement. Mais les ressources du Rhône ne sont pas inépuisables et, pour l’heure, l’arrosage est interdit pour les AOC. Il semble aussi très compliqué d’amener l’irrigation dans nos coteaux de fortes pentes. » Se pose également la question de l’image : l’irrigation du vignoble sera-t-elle acceptable et acceptée par la société ?

Demain, de la roussanne à 600 mètres ?

Le changement climatique interroge également sur le choix des cépages. Les variétés présentes dans la région seront-elles encore adaptées demain ? Devra-t-on abandonner certaines zones ? À la fin du siècle, le vignoble des côtes-du-rhône septentrionales sera davantage adapté à des variétés que l’on retrouve aujourd’hui en Italie : nero d’avola, primitivo, fiano… Des essais de cépages résistants sont actuellement conduits en Sud-Ardèche. L’adaptation du matériel végétal pose question, plus encore dans le cas des AOC locales dont les cahiers des charges n’autorisent que trois cépages (roussanne, marsanne et syrah). Aujourd’hui, l’Inao autorise l’introduction de cépages résistants à hauteur de 5 % du vignoble, et 10 % dans les assemblages. Peut-on imaginer une révision des cahiers des charges dans l’avenir, pour pouvoir introduire d’autres variétés, sans pour autant dénaturer la typicité des vins ? 

Mylène Coste

En bref

Avec un sol nourri, la plante résiste mieux au stress hydrique

C’est la conclusion des études menées sur le potentiel oxydo-réduction (« redox ») par Milène Souvignier, agronome et agricultrice. Pour éviter l’oxydation des plantes, nourrir son sol est essentiel. Pour cela, plusieurs outils : « réaliser des apports réguliers de matière organique, de préférence d’origine animale pour plus d’efficacité ; mettre en place des couverts végétaux contenant le plus d’espèces possibles, en privilégiant les légumineuses pour leur apport d’azote, limiter le travail au sol en profondeur et bannir les engrais minéraux et produits phyto. » Autre astuce : « Faire des préparations lactofermentées. C’est très simple à faire et très efficace. On peut faire un apport au moment de la destruction des couverts végétaux, par exemple. »

Le vin est-il meilleur quand il y a des arbres ?

Oui, selon une expérience italienne menée sur un panel de consommateur. On leur a fait goûter deux verres de prosecco, associés à deux images différentes : l’une présentait un vignoble conduit en vitiforesterie, l’autre non. Même à qualité inférieure, les consommateurs ont majoritairement préféré le vin associé à l’image de vitiforesterie !

Sécheresse : « Dans 50 ans, on arrosera 1,7 fois plus les abricots pour la même production »

Selon les prévisions climatiques du Giec, la pluviométrie annuelle devrait se maintenir. « On va gagner un peu d’eau en mars et avril et en perdre un peu sur mai, indique Emmanuel Forel. Toutefois, du fait des fortes chaleurs, l’évapotranspiration (évaporation de l’eau des sols et transpiration des plantes) sera accentuée et le dessèchement estival de la végétation va s’intensifier. Les besoins en eau des cultures seront donc bien plus importants. La sécheresse s’installera dès le mois de mai et sera plus longue et plus intense. » Le déficit hydrique devrait augmenter de 70 % à horizon 2070-2100. « Cela signifie qu’il faudra arroser 1,7 fois plus les abricots pour la même production », illustre le conseiller de la chambre d’agriculture.