Tilleul des Baronnies : vers un réveil de la filière
A Buis-les-Baronnies, les acteurs de la filière tilleul et des élus du territoire ont été invités début octobre à une journée de restitution du projet de valorisation du tilleul des Baronnies provençales.

Entre la fin du 19e siècle et les années 1990, les Baronnies provençales ont été la principale région productrice de fleurs de tilleul en France. Plusieurs foires emblématiques - comme celles de Buis-les-Baronnies, Villefranche-le-Château et plus récemment La Charce - permettaient de promouvoir cette production. Au cours des années 1990, la filière s’est effondrée et la foire au tilleul de Buis-les-Baronnies, transformée en fête du tilleul, a scellé une partie de l’histoire ancienne de cette production. Mais aujourd’hui, professionnels et élus souhaitent préserver et relancer cette activité. Plusieurs initiatives ont été soutenues parmi lesquelles la diffusion d’infusettes de tilleul, ou des manifestations de la filière du « bien-être ». Des initiatives demandant à être confortées par des actions de plus grande envergure visant à promouvoir les spécificités botaniques et génétiques, les vertus médicinales de ses fleurs, l’histoire de ses usages et les techniques de production et de cueillette.
Mettre en place une stratégie de sauvetage
Depuis dix-huit mois, avec le soutien de l’Union européenne (à travers les dispositifs Leader et Feader) et de l’Etat (via la Drac1 Auvergne-Rhône-Alpes), le Parc naturel régional des Baronnies provençales s’est investi dans un projet de valorisation du tilleul. Un programme a été développé s’appuyant sur neuf expérimentations, à la croisée des approches économique, écologique, patrimoniale et territoriale. Le premier objectif a été de recenser les arbres encore adaptés à la cueillette des fleurs en facilitant les liens entre propriétaires et cueilleurs. Des actions de sensibilisation et d’initiation aux techniques de la taille et du séchage du tilleul ont été lancées visant à entretenir le patrimoine arboricole, transmettre les savoir-faire, augmenter le volume de production et promouvoir la cueillette comme une ressource économique.
L’étude des variétés cultivées permettra de mieux connaître les tilleuls domestiques et d’en assurer la promotion grâce à la réalisation de fiches descriptives à partir d’un herbier de plus de 700 arbres destinées aux cueilleurs, négociants et pépiniéristes. La récolte de graines dans quatre forêts de tilleuls sauvages dans les Hautes-Alpes, la germination prise en charge par l’ONF2 avec la perspective de livraison des plants dans cinq ans participeront au développement d’une filière de plants de l’espèce Tilia platyphyllos destinés aux agriculteurs, pépiniéristes, collectivités locales et autres institutions publiques.
De la poudre de feuilles de tilleul
Pour élargir la palette des débouchés, de la poudre de feuilles de tilleul a été expérimentée en gastronomie. Cela a abouti à l’édition d’un livret de recettes en chocolaterie, confiserie et biscuiterie. On parle aussi des propriétés de l’aubier du tilleul, excellent draineur de l’organisme.
Enfin, une dynamique promotionnelle est prévue, basée sur des évènements culturels, festifs et commerciaux tels que conférences, marchés de producteurs avec dégustations, concerts et balades ethnobotaniques.
Lors de cette journée de restitution, des acteurs des filières castanéicole d’Ardèche et oléicole du Nyonsais ont apporté un éclairage intéressant sur les expériences menées, avec leur lot de difficultés mais aussi les solutions.
« Des prix non viables »
Reste la réalité économique. Dans les Baronnies, fin juin et début juillet, l’air est totalement imprégné de la douce fragrance du tilleul. Mais on ne ramasse guère ses fleurs. Avec la concurrence de la Chine et des pays de l’Est, la production locale est passée de 400 à 10 tonnes par an. La dégringolade des cours explique cette chute des volumes. Les fleurs de première qualité se négocient entre 18 et 23 euros le kilo, « des prix non viables, même à 35 euros le kilo je ne pourrais payer des cueilleurs. Il faudrait approcher les 50 euros pour le faire sereinement, a dit un producteur récoltant. C’est souvent un travail fait en famille ou avec des amis ou bénévoles désireux de sauver cette tradition. ». C’est ainsi que le syndicat des producteurs de tilleul des Baronnies s’est engagé dans la relance de la filière en fournissant la société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions (Scop-TI) de Gémenos (13).
J-M. P.
1 Drac : direction régionale des affaires culturelles.
2 ONF : office national des forêts.