Stockage de l’eau : la FDSEA interpelle la députée Marie Pochon
Le 15 septembre, la députée Marie Pochon, a répondu à l’invitation de la FDSEA de la Drôme pour une rencontre à Chabrillan. Irrigation, stockage de l’eau, coût de l’énergie et des intrants, prédation, la profession a dressé le tableau, hélas noir, des réalités agricoles. L’occasion d’interroger la députée écologiste sur les positions qu’elle défend sur ces sujets.

« Il vous reste quatre ans et demi à travailler à fond la caisse. Vos prédécesseurs sur cette circonscription ont fait du boulot. Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez être que très forte. » Pour Philippe Almoric, qui accueillait sur son exploitation la rencontre entre la députée de la 3e circonscription de la Drôme, Marie Pochon, et les agriculteurs de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA), le message est direct : pas de temps à perdre, la profession a besoin de signaux clairs. Il en va du maintien des exploitations et de la souveraineté alimentaire du pays.
Face à une trentaine d’agriculteurs, Marie Pochon était accompagnée de son suppléant, Christian Bussat, maire de Dieulefit, agriculteur retraité, et de Daniel Gilles, conseiller départemental, ex-maire de Saoû et éleveur. Au milieu des caisses d’ail, sous un hangar, les débats ont duré trois heures. Autour d’un thème central : l’eau.
Sans eau, le prix de l’alimentation va flamber
« Il y a très longtemps que nous avons diversifié nos cultures pour moins arroser l’été, que nous utilisons des sondes tensiométriques pour économiser l’eau… », a souligné Philippe Almoric. Ce que veulent les professionnels, c’est pouvoir la stocker pour en disposer aux moments clés des cycles de production. Une question qui n’est pas récente sur la vallée de la Drôme. « Beaucoup d’argent a déjà été mis dans des études qui n’ont pas abouti », ont déploré plusieurs agriculteurs.
« Au niveau de l’opinion publique, des médias, on nous tape dessus concernant l’irrigation. On entend trop de raccourcis sur la question du stockage », a dénoncé Ludwig Blanc, agriculteur à Chabrillan et administrateur au syndicat d’irrigation drômois (SID). D’où la mise au point de Serge Guier, secrétaire général de la FDSEA 26. « Le stockage, nous en avons besoin pour assurer la souveraineté alimentaire. Sans réserve d’eau, nous n’y arriverons pas (…) Il va falloir arrêter ce cirque de destruction de barrages, de bassines... Si on n’arrose pas, le prix de l’alimentation va encore augmenter, c’est hyper dangereux pour le consommateur », a-t-il averti.
« Arrêtons de dire le stockage ne suffira pas »
« On veut nous imposer des choses, sans prendre en compte ce que nous avons déjà fait, a regretté Ludwig Blanc. En production agricole, nous sommes sur des cycles longs, des gros investissements, l’adaptation prend du temps. » Thierry Mommée, élu au bureau de la chambre d’agriculture de la Drôme, a rappelé qu’« aujourd’hui, l’agriculture est le seul secteur d’activité capable de dire annuellement ce qu’il prélève, celui aussi qui n’a jamais une augmentation de prélèvements d’une année à l’autre, voire qui subit des baisses. » Et Ludwig Blanc d’ajouter : « Si on ne fait rien aujourd’hui, en 2050 ce sera encore pire. Arrêtons de dire [le stockage], ça ne suffira pas. Nous devons faire quelque chose même si ça ne nous permet de tenir que 30 ans. »
Pas de dogme concernant le stockage
« La raréfaction de la ressource en eau et les questions de conflits comme on commence à les sentir sur nos territoires pourraient s’accentuer dans les années à venir », a souligné Marie Pochon. Concernant les « bassines », elle a affirmé : « Je suis de ceux qui s’opposent aux projets qui captent dans les nappes phréatiques. » Avant de préciser : « Je ne suis pas dogmatique par rapport à la question du stockage de l’eau et notamment les retenues collinaires. Je pense qu’elles doivent être adaptées à chaque territoire et se mettre en place dans un objectif de justice, c’est-à-dire servir l’ensemble des usages et notamment les petites exploitations. (...) Si le projet est pensé avec l’ensemble des acteurs d’un territoire, j’y suis plutôt favorable. » Marie Pochon a aussi souhaité que soient étudiées toutes les pistes : diversification des cultures, transition vers des productions moins gourmandes en eau, amélioration de l’infiltration et du stockage de l’eau par les sols…
De son côté, la FDSEA 26 ne compte pas en rester là. Ses responsables projettent d’organiser une nouvelle réunion de travail avec la députée sur la question de l’eau.
Sophie Sabot
Marie Pochon : « La première pierre du dialogue »

« Comment faire vivre un système agricole en France qui soit résilient, autonome, garantisse la dignité de ceux qui produisent une alimentation saine ? » C’est le fil conducteur de Marie Pochon sur la question agricole qu’elle juge « centrale ». Élue sous l’étiquette Nupes et membre du groupe écologiste (23 députés), Marie Pochon a affirmé devant les représentants FDSEA et JA qu’elle souhaite « construire collectivement des solutions. » « Nous partageons un certain nombre de préoccupations mais pas forcément l’ensemble des solutions à mettre en œuvre (…) Je suis là pour vous accompagner. Je ne lâcherai rien de mes convictions mais j’espère que cette rencontre sera la première pierre du dialogue. »
S. S.
« Investir dans la relocalisation énergétique »
Envolée des prix de l’électricité, du GNR, de l’azote, des emballages… Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA 26, a dressé le tableau d’une situation qui touche toutes les filières, exploitations autant que structures de mise en marché. « La solution de développer des énergies renouvelables sur nos exploitations ne peut s’envisager que sur un temps long. Là, tout de suite, il nous faut d’autres solutions », a résumé Thierry Mommée en charge des questions énergétiques à la chambre d’agriculture. « Comment voyez-vous l’avenir énergétique de la France ? », a questionné Edmond Tardieu, éleveur à Vesc et membre du conseil d’administration de la FDSEA 26.
Marie Pochon a réaffirmé sa position en faveur d’une sortie progressive du nucléaire. « Nous devons investir dans la relocalisation énergétique et donc le développement massif des énergies renouvelables », a-t-elle déclaré. Citant en premier lieu l’éolien, Marie Pochon a fait bondir un agriculteur présent qui lui a rappelé la « levée de boucliers » suscitée localement par un projet d’éoliennes qu’il avait voulu porter. « Il faut faire avancer l’ensemble de la société là-dessus », a assuré la députée. Quant à l’urgence d’aider les exploitations à traverser la crise, elle a annoncé : « Nous demandons un blocage des prix des produits de première nécessité, dont les biens énergétiques, que ce soit pour les entreprises et les collectivités, a-t-elle affirmé. Je suis preneuse de vos chiffres, n’hésitez pas à m’envoyer dans les mois à venir des alertes. » S. S.
« Affichez clairement votre position sur le dossier loup »
Un chiffre traduit la situation inacceptable que sont en train de vivre les éleveurs du département : + 140 % de victimes du loup dans les cheptels drômois entre le 1er janvier et le 9 septembre 2022 par rapport à la même période en 2021. « Il faut prélever davantage de loups, sinon on va dans le mur », a averti Edmond Tardieu, responsable du dossier prédation à la FDSEA 26. Il a rappelé que depuis vingt ans, la profession rencontre des préfets, des ministres, des responsables politiques pour leur réexpliquer sans cesse le contexte. Las de voir passer ces interlocuteurs, qui affirment toujours « comprendre les éleveurs » mais « qui ne disent jamais un mot dans la presse », Edmond Tardieu a posé un ultimatum à la députée : « J’aimerais que dans les mois à venir vous affichiez clairement votre position sur le dossier loup. Proposez-nous des solutions ». Juste avant, Marie Pochon venait de demander aux éleveurs de lui organiser une immersion dans leur quotidien en situation de prédation. « Le pastoralisme est une manière d’élever les bêtes que je défends, qui préserve nos massifs, prévient les incendies (...). Mais il n’y a pas que le loup qui met en danger le pastoralisme, il y a aussi les traités de libre-échange, la Pac et son peu d’aides pour les petites exploitations, le changement climatique... », a-t-elle affirmé. Arguant que le loup « peut apporter des bienfaits sur la régulation du gibier en montagne », elle a aussi reconnu qu’il faut « plus de moyens pour avoir des louvetiers plus réactifs » et un statut particulier du chien de protection. « Je ne suis pas bloquée sur la question des seuils de prélèvement mais ça nécessite des discussions collectives au sein du comité loup », a conclu la députée.
S. Sabot
