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Expérimentation

Cerise : les formes palissées se détachent en rendement

Depuis 2012, le domaine expérimental La Tapy étudie sept formes de conduite différentes, quatre en axe palissé, trois en volume. Objectif : voir si ces formes palissées sont agronomiquement rentables, sachant que, contrairement aux formes volumiques, elles sont aussi plus faciles à équiper de filets. Car dans le contexte actuel de montée en puissance de Drosophila suzukii, les filets sont aujourd’hui une solution qui confirme d’année en année son efficacité.
Cerise : les formes palissées  se détachent en rendement

Accueillis par Jean-Christophe Neyron, vice-président de La Tapy, une soixantaine de producteurs et de techniciens s'est retrouvée le 26 avril dernier dans la parcelle expérimentale sur laquelle est implanté l'essai mode de conduite qui compare depuis 2012 deux types de formes : palissées et en volume. Les arbres ont été plantés en février 2012 avec la variété Regina et sont actuellement en 7e feuille. Les formes palissées en haie fruitière sont sur porte-greffe Gisela 6 et les formes en volume, sur Maxma 60.
L'essai compte quatre formes palissées - axe libre, mur fruitier, axe classique branché-arqué et double axe - toutes plantées en 4 x 1,5 m, ce qui porte la densité à 1 666 arbres par hectare. Vincent Ricaud, de la Chambre d'agriculture de Vaucluse, et Jean-Philippe Rouvier, du GRCeta de Basse Durance, ont commenté les résultats obtenus en 2017 pour chacune des formes étudiées.

Plusieurs modalités comparées

Lors de l'installation de la modalité axe libre, l'idée était « d'intervenir le moins possible pour voir si les résultats agronomiques étaient intéressants sans trop d'intervention. En fin de 1e feuille, nous avons attaché les branches dans le sens du rang, puis nous avons laissé les arbres s'exprimer, hormis quelques tailles d'élagage. Depuis deux à trois ans, nous faisons un peu d'extinction en supprimant quelques bouquets de mai à la jonction des bois de un et deux ans », détaillait Vincent Ricaud. En 2017, cette modalité a demandé 57 heures par hectare de travail pour un rendement de 35 tonnes par hectare (voir graphique). « Cela paraît excessif, et pourtant les calibres n'ont pas décroché par rapport au gobelet, témoin de l'essai, qui fait 12 tonnes », notait le spécialiste en arboriculture. En cumulé depuis la plantation, cette modalité a demandé 691 heures de travail pour un rendement total de 83,7 tonnes, avec un calibre correct (8,1 g, voir tableaux 1 & 2). « Les résultats sont corrects par rapport au temps passé, notamment vis-à-vis de l'axe arqué où l'on n'améliore pas les performances. J'aimerai bien arriver à réguler la charge de cette modalité "axe libre" autour de 25 tonnes par hectare. »
Sur le mur fruitier, les temps de travaux cumulés sont de 686 h/ha pour une production globale de 63,3 t et un calibre moyen de 7,9 g. Les arbres ont été formés en bi-axe en 1e année, avec deux axes sélectionnés et attachés en V. Les premiers coups de lamier sont intervenus en 2015 et, depuis, repassent chaque année, juste avant les fleurs. « L'idée est de gagner du temps dans les interventions de taille », notait Vincent Ricaud, précisant que « pour l'instant, les résultats n'étaient pas meilleurs que ceux de l'axe libre ». L'installation de la forme du mur fruitier a pris finalement du temps au démarrage, en particulier par rapport à l'axe libre. « On devrait commencer à gagner du temps sur les prochaines récoltes », notait l'expert, précisant toutefois que cette modalité montrait « des problèmes de cicatrisations difficiles liées aux passages successifs de la barre de coupe. On observe des gommes qui se développent même si, pour l'instant, ce n'est pas trop grave ». En 2017, le rendement atteint était de 26 t/ha pour un calibre de 7,6 g. « On a donc moins de récolte et pas plus de calibre que l'axe libre. »
La modalité axe classique a été présentée par Jean-Philippe Rouvier : « Cette forme est issue du pommier, avec arcure de la branche fruitière. En 2017, elle a un peu trop chargé. Ce qui compte sur cerisier pour la branche fruitière, c'est de prendre la plus vigoureuse au départ, sinon, cela pénalise le calibre par la suite et on a trop de production. De plus, l'arcure ne suffit pas, même si elle a tendance à " calmer " la vigueur des arbres : il faut tailler en supprimant les branches faibles afin de favoriser les fortes. Par ailleurs, comme elle met bien à fruit, il est possible que l'on doive faire de l'extinction ou enlever quelques manchons sur les jonctions de bois de un an. Ces deux techniques sont complémentaires de la taille longue ». En 2017, cette modalité a donné 29 t/ha pour un calibre moyen de 6,5 g. En cumulé, la production est de 76,5 t pour un calibre moyen de 7,3 g, pour 1 236 heures/ha de temps de travail. « Le souci est qu'il s'agit de la seule modalité où le calibre a chuté (il était de 7,3 g en 2016, ndlr), détaillait Vincent Ricaud. Il faut vraiment faire attention aux manchons de bois de un an et aux branches faibles, surtout les années où la nouaison est bonne. Il ne faut pas hésiter à refaire une taille ou à égrapper les manchons sur les bois d'un an », reprenait le spécialiste du GRCeta. Au cours de l'hiver 2017-2018, les branches trop faibles ont été éliminées et « l'on note que la charge semble plus raisonnable ce printemps », ajoutait Vincent Ricaud.
Dernière forme palissée, le bi-axe. « Il s'agit d'un double axe, comparativement à un axe libre : les arbres ont été rabattus à la plantation, puis deux branches ont été sélectionnées, positionnées en V et conduites comme l'axe libre », expliquait Vincent Ricaud. Les branches plus érigées ont été enlevées « surtout côté Sud », et de l'extinction a été faite. « L'avantage par rapport à l'axe libre, c'est que l'on peut espérer avoir une régulation de la hauteur un peu meilleure », notait-il. En 2017, les arbres « équilibrés » ont donné une production de 32 t/ha, pour un calibre de 7,3 g. depuis le début, la production cumulée est de 73 t/ha pour un calibre moyen de 7,7 g. « Ces résultats sont tout à fait corrects. Cette année, nous avons essayé d'être un peu plus sévères, avec l'arrêt de quelques branches pour éviter qu'elles ne trainent pas terre (pour les basses), ou qu'elles ne sortent trop du rang. » Les arbres sont entrés en production en 4e feuille. « Nous avons déjà produit plus de 70 tonnes à comparer à un verger traditionnel où l'entrée en production est plus lente. Après, il faudra trouver l'équilibre entre vigueur et production. Et avoir une connaissance fine de son terroir pour choisir le porte-greffe adapté. Ici, Gisela 6 est intéressant mais cela ne sera pas forcément le cas ailleurs », alertait Vincent Ricaud.

Formes en volume

Après ces quatre formes palissées, les participants se sont déplacés vers les trois formes en volume (voir encadrés ci-dessous) : le Drilling, le KGB et le gobelet traditionnel (témoin de l'essai) sur Maxma 60. Les deux premières formes sont plantées en 5,5 x 1,5 m soit une densité de 1 212 arbres/ha, et le gobelet en 6 x 4 m, soit une densité de 416 arbres/ha.
« En 7e feuille, cet essai nous montre que l'on sait désormais faire du cerisier qui produit rapidement et beaucoup. Mais attention, ces chiffres expérimentaux sont issus de rendement de quelques arbres puis traduits en tonnes par hectare. Néanmoins, sur forme palissée, on peut viser 20-25 tonnes par hectare sans trop de problème, à condition d'avoir trouvé le bon porte-greffe correspondant au terroir de la parcelle. Ici, Gisela 6 convient, mais avant de vous lancer, faite une expérience avec 3-4 porte-greffes pour identifier celui qui est véritablement en adéquation avec votre sol », concluait Vincent Ricaud. 
Céline Zambujo

 

Formes volumiques / Bien gérer la vigueur avec le Drilling

La conduite en Drilling sur cerisier est inspirée des travaux réalisés sur poirier à La Pugère. ©C.Zambujo

Le Drilling est une forme issue du poirier, testée par La Pugère depuis plusieurs années, « avec un rendement plutôt supérieur à la palmette. Nous avons voulu l’adapter sur cerisier. Au départ, on pensait partir sur un porte-greffe plus faible (Maxma 14, ndlr), mais pour comparer au mieux les formes entre elles, nous avons finalement opté pour le Maxma 60, rappelle Jean-Philippe Rouvier, du GRCeta de Basse-Durance. C’est un porte-greffe un peu fort mais on arrive quand même à maintenir la vigueur avec cette densité de plantation relativement élevée. » À noter qu’une parcelle conduite en Drilling mais sur Maxma 14 a toutefois été plantée en essai, avec un an de décalage. Cette conduite est mise en place avec deux plans fruitiers en V, installés avec un angle de 30-35°. Les charpentes sont alternées : un arbre d’un côté, deux de l’autre, puis inversement, « ce qui permet une bonne occupation de l’espace », note le spécialiste du GRCeta. Depuis 2012, les rendements cumulés atteignent 40 t/ha (contre 26 pour le KGB et 18 en gobelet), un calibre moyen de 8,2 g (8,8 g et 9,3 g) et un total de 1 002 h/ha (352 pour le KGB et 321 en gobelet. « Avec le Drilling, la mise à fruit est relativement rapide, le tonnage élevé et le calibre correct. Mais attention à la vigueur ! Il faut une bonne adéquation entre le porte-greffe, la variété et les distances de plantation ! La gestion de la vigueur actuelle m’inquiète un peu… un cran en dessous me rassurerait », notait Vincent Ricaud, de la chambre d’agriculture de Vaucluse.
 

Les limites du KGB system

Le KGB est un gobelet constitué de nombreuses charpentières verticales à durée de vie limitée. ©C.Zambujo
Autre forme volumique, le KGB (Kim Green Bush, du nom de son inventeur) est un gobelet constitué de nombreuses charpentières verticales à durée de vie limitée. « L’idée ici est de gagner du temps de taille en hiver » en multipliant le nombre de charpentes (entre 15 et 20), explique Vincent Ricaud. Le principe est d’en rabattre de une à trois chaque année, en général les plus grosses ou les plus vieilles, pour produire sur les autres. Cela se traduit déjà dans les temps de taille, avec 350 h en moyenne sur cette forme contre 700 sur les formes palissées. « L’autre intérêt est de garder un verger bas avec des charpentières souples qui facilitent la cueillette. » Seul bémol : « L’entrée en production est un peu lente, avec 12 tonnes en 2016, 11 en 2017 et 26 au total depuis le début de l’essai ». Par contre, le calibre est correct (9 g). « Nous allons voir si cette conduite monte en régime ou pas. Mais pour l’instant, c’est un peu limite », concluait Vincent Ricaud.