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ÉLEVAGE

Nicolas Bos : « Je ne vois pas où je pourrais encore faire des économies »

En Drôme des collines, les éleveurs sont inquiets pour leur avenir. Témoignage à Crépol chez un éleveur ovin en système 100 % herbager.

Nicolas Bos : « Je ne vois pas où je pourrais encore faire des économies »
« Je le vois bien autour de moi, même les éleveurs les plus passionnés n’en peuvent plus. Si rien ne change, on va vers la fin de l’élevage en Drôme des collines », s’inquiète Nicolas Bos. ©AD26

Nicolas Bos est éleveur à Crépol, en Drôme des collines, à la tête d’un troupeau de 800 brebis. Il lui reste encore quelques vaches allaitantes dont il devrait arrêter définitivement l’élevage fin 2022. « J’ai pris la suite de mes beaux-parents, éleveurs laitiers en 2014 [après avoir été installé en société par ailleurs, ndlr]. J’ai démarré avec 30 vaches allaitantes et 400 brebis », précise-t-il.

Il y a trois ans, un évènement familial grave l’a contraint à simplifier son système d’exploitation. « Depuis deux ans, je ne vends plus que des agneaux maigres au négoce. Jusqu’à présent, un tiers des agnelages avait lieu à l’automne, le reste au printemps. Dès 2023, je vais tout regrouper sur mars-avril », explique l’éleveur. Son objectif : éviter à tout prix l’achat d’aliments pour le troupeau compte tenu de la flambée des charges. Les bêtes sont donc à l’herbe toute l’année, sans bâtiment.

Craintes sur le retour d’estive

Jusqu’alors, Nicolas Bos s’en sortait entre ses 80 hectares de SAU, tout en prairie (dont la moitié est fauchée et le foin vendu) et un alpage en Savoie où il embauche un berger. Mais cette année, il redoute le retour d’estive. « Mes bêtes montent en Savoie de mi-juin à mi-octobre. Je n’ai pas trop d’inquiétude cette année sur l’herbe en alpage. Mais dans mon système, s’il ne pleut pas en septembre, je ne pourrai pas nourrir mon troupeau tout l’hiver », annonce-t-il.

Comme de nombreux collègues du territoire, il a perdu l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) suite à la révision des zones défavorisées simples en 2019. « C’est une perte sèche pour l’exploitation alors que je n’ai que vingt hectares de terrain plat. Tout le reste est en coteau et pas simple d’entretien », poursuit-il. Où économiser pour compenser cette perte et faire face aux factures qui explosent ? « J’ai déjà passé toutes mes terres en herbe pour limiter les frais. Mais il reste des dépenses incompressibles comme le carburant. J’en ai besoin toute l’année pour faire le tour de mes parcs, déplacer les filets électriques. J’ai aussi un semi-remorque pour transporter mes bêtes en alpage. J’y fais également un aller-retour tous les quinze jours durant l’estive. Ce sont des dépenses importantes en carburant, autoroute, frais annexes (pneus...). Je ne vois pas où je pourrais encore faire des économies », constate l’éleveur.

La prédation, source de stress et de soucis

L’arrivée du loup ajoute une tension supplémentaire. « Nous avons connu des attaques sur la commune en février 2021. Il a également été pris en photo à Miribel, tout près d’ici. Je sais qu’il est passé près de mes bêtes. S’installera-t-il ou ne sera-t-il que de passage ? C’est difficile à dire. » Nicolas Bos sait parfaitement ce qu’est la prédation. En montagne, il a eu perdu jusqu’à 48 bêtes en une seule attaque. Mais la subir toute l’année est une autre histoire. « J’ai trois chiens de protection qui accompagnent le troupeau en estive. Quand les brebis sont ici, ils restent enfermés », précise-t-il. Devra-t-il désormais les lâcher dans les parcs toute l’année ? L’éleveur sait que cela va forcément être source de stress et de soucis.

Impossible pour l’heure de se projeter au-delà de cette année. « On ne sait toujours pas où on va avec la nouvelle Pac. Certes le marché de l’agneau est porteur parce qu’il y a eu des baisses de cheptel et que cela risque de continuer. Mais sur la laine par exemple, depuis le Covid, les prix se sont effondrés et ne redémarrent toujours pas. Avant on parvenait à réaliser une petite marge. Aujourd’hui cela nous paye tout juste les frais de tonte », détaille Nicolas Bos.

Autant de difficultés qui le font s’interroger sérieusement sur l’avenir de l’élevage en Drôme des collines. « Certains d’entre nous pourraient arrêter avant l’âge de la retraite et nous ne voyons pas arriver de jeunes pour s’installer. Nous sommes tous lassés de la charge administrative, des papiers, des contrôles… Depuis que je suis éleveur, je n’ai jamais vécu une période aussi noire », conclut-il.

Sophie Sabot