PARCOURS
Gaec Benoit : du champ à l’œuf

À Chatuzange-le-Goubet, le Gaec « Benoit et fils » est le fruit d’une histoire familiale qui vise, depuis les années 1970, à atteindre le maximum d’autonomie pour l’exploitation. Entre poules pondeuses et production de céréales, rencontre avec Guillaume Benoit, troisième génération, qui prend la relève avec son frère Nicolas.

Gaec Benoit : du champ à l’œuf
Frédéric, Nicolas et Guillaume Benoit, associés du Gaec Benoit et fils, gèrent également la SARL Drom’Aliments. ©Gaec Benoit

Dans la plaine, entre l’autoroute A49 et le village de Chatuzange-le-Goubet, se dressent les silos et équipements de l’usine Drom’Aliments, « la plus petite usine d’aliments [pour volailles, ndlr] de la Drôme et certainement de Rhône-Alpes », souligne Guillaume Benoit. Cette usine a été créée par son grand-père, Michel. Mais dans la famille Benoit, on est avant tout exploitant agricole. « Mon grand-père s’est installé en 1965. Il a d’abord construit un bâtiment volailles de chair rapidement reconverti en poules pondeuses. Très vite, il a souhaité produire son propre aliment, issu des céréales qu’il cultivait. À la fin des années 1970, il s’est aussi lancé dans la création d’un centre de conditionnement pour ses œufs et ceux d’autres éleveurs, commercialisés à l’époque sous le nom « Les œufs frais de la Drôme » et géré par la SARL Drom’œufs. Son idée était d’être le plus autonome possible », raconte Guillaume Benoit. Durant une quinzaine d’années, Michel Benoit sera associé en Gaec avec l’un de ses voisins. À la fin des années 1980, le Gaec devient une EARL réunissant Michel Benoit, son épouse et leurs trois fils. En 1991, la production d’aliments devient une activité à part entière avec la création de la SARL Drom’Aliments.

Troisième génération, nouvelles priorités

Aujourd’hui, la troisième génération prend la relève. Nicolas, 34 ans, et Guillaume, 31 ans, ont rejoint leur père Frédéric comme associés au départ à la retraite de leurs oncles en 2020. En 2021, l’EARL redevient un Gaec à trois. Mais les deux frères sont déjà présents depuis longtemps : Nicolas est salarié de l’exploitation depuis 2012 et Guillaume en charge de l’usine d’aliments depuis 2017. Ils sont désormais à la tête d’une exploitation qui compte trois bâtiments pondeuses (lire ci-dessous) et 200 ha de SAU, dont plus des trois quarts sont consacrés à la production de maïs et blé pour l’alimentation des poules. Si l’autonomie alimentaire, grâce à la SARL Drom’Aliments, reste une priorité, Guillaume et Nicolas Benoit ont en revanche levé le pied sur la SARL Drom’œufs. « En 2018, en prévision de notre installation, il fallait faire des choix. Nous avions de gros investissements à réaliser pour transformer les deux anciens bâtiments cages en volières. Or, il y a quatre ans, c’était très compliqué sur le marché de l’œuf, on ne savait pas trop où on allait. Nous avons donc préféré jouer la sécurité et contractualiser l’essentiel de notre production avec d’autres conditionneurs. Nous avons limité l’activité de la SARL Drom’œufs à nos clients locaux - artisans, restaurateurs - et réduit la collecte chez d’autres producteurs », détaille Guillaume Benoit.

Se recentrer sur l’exploitation

« Nous avons clairement fait le choix de nous recentrer sur notre cœur de métier, l’exploitation », résume-t-il. Mais la bonne maîtrise et le développement de l’activité de Drom’Aliments restent aussi une priorité. « Nous ne sommes pas dans un modèle FAF [fabrication d’aliments à la ferme, ndlr], insiste l’exploitant. Le Gaec vend ses céréales à la SARL et lui rachète ses aliments. Nous achetons aussi les céréales de producteurs ou négociants locaux et revendons des aliments à des éleveurs indépendants de pondeuses ou poulettes en Drôme, Ardèche et Isère, soit une dizaine d’exploitations dont notre Gaec. » L’intérêt du système, pour Guillaume Benoit, réside dans la maitrise de la qualité, depuis la récolte jusqu’à la fabrication. « Nos céréales ne voyagent pas. Nous maitrisons le stockage, le séchage », argumente-t-il. 60 % de la ration des poules du Gaec incluent du maïs et du blé que l’exploitation est en capacité de produire, soit 2000 tonnes au total (maïs et blé) chaque année.

« Les soucis pour le Gaec aujourd’hui sont essentiellement le coût des poulettes*, qui grimpe à cause du coût de l’aliment, celui de l’énergie pour les bâtiments (électricité) et pour la mécanisation (GNR), et l’eau pour l’irrigation. Sur l’électricité, nous avons déjà pris selon les contrats entre 20 et 40 % d’augmentation début 2022 et je m’attends au pire sur la facture de fin janvier », alerte l’exploitant. En 2021, l’exploitation avait judicieusement investi dans un tracker solaire. Sa production couvre en moyenne sur l’année 15 % de la consommation en électricité du Gaec, notamment l’été quand les besoins sont élevés avec l’irrigation. Le photovoltaïque sur bâtiments est aussi en réflexion mais nécessite des investissements importants pour renforcer les structures.

« Depuis notre installation en 2020, nous évoluons dans un contexte où la prise de décisions est particulièrement compliquée. Mais nous essayons de rester optimistes car nous aimons notre métier », insiste Guillaume Benoit, qui ne compte pas s’écarter du cap fixé par son grand-père pour l’exploitation : « être autosuffisant au maximum. »

Sophie Sabot

* Le Gaec cherche à s’approvisionner le plus localement possible chez des producteurs indépendants. Il achète aussi des poulettes au groupement Fermiers du Sud-Est. À l’époque, le grand-père de Guillaume et Nicolas Benoit a eu produit ses propres poulettes. 
Revoir la stratégie sur le maïs
Aller vers des variétés de maïs plus précoces est l’une des pistes de Guillaume Benoit pour sécuriser la production en matière d’irrigation. Photo archives AD26
Irrigation

Revoir la stratégie sur le maïs

Disponibilité de la ressource en eau et coût de l’énergie nécessaire à l’irrigation pourraient conduire à de nouveaux choix sur le maïs. 

Les inquiétudes qui ont jalonné la fin de l’année 2022 et le début de l’année 2023 quant au coût de l’irrigation sur les réseaux gérés par le SID ont amené le Gaec Benoit à envisager d’autres stratégies pour le maïs. « Nous avons avancé à tâtons dans l’attente que le SID confirme les tarifs pour 2023. Dans notre système, nous ne pouvons pas nous passer du maïs pour l’alimentation des poules. Nous allons donc essayer de le produire différemment, notamment en « précocifiant » les variétés. L’objectif serait de semer fin mars-début avril pour bénéficier des pluies de printemps. Cela pourrait aussi nous permettre de réduire les coûts de séchage », indique Guillaume Benoit. Des choix qui pourraient toutefois avoir des conséquences sur les niveaux de production. « À l’avenir nous serons certainement confrontés en Drôme à des baisses de rendement, voire des baisses de surface en maïs. Mais, on ne pourra pas vraiment s’en passer. Le maïs reste la culture de printemps la plus sécurisante comparée au sorgho et ses risques sanitaires, au tournesol avec les dégâts d’oiseaux ou encore au soja qui demande davantage d’eau », argumente l’exploitant. Le Gaec cultive chaque année environ 120 ha de maïs, dont une centaine irriguée, le tout grâce à un lac collinaire, des prélèvements dans la Lierne, un forage et le réseau collectif du canal de la Bourne. « Nous surveillons beaucoup nos maïs ce qui nous a permis de ne pas trop mal nous en sortir en 2022. Nous avons arrêté d’arroser mi-août car nous savions que la maturité était suffisamment avancée et nous avons bénéficié d’une pluie à cette période. Au final, nous avons réussi à ne pas décrocher de la moyenne basse de notre rendement historique. »

S.Sabot

Carte d’identité du Gaec Benoit et fils

- 200 ha de SAU (maïs et blé tendre en majorité, prairies et parcours volailles, un peu de lavande, pois et jachère).

- Trois bâtiments poules pondeuses : deux en plein air (13 000 places avec pondoir central + 25 000 en volière ; 16 ha de parcours au total), un sans accès parcours (30 000 places en volière).

- Irrigation :  15 ha via une retenue collinaire, 15 ha via des prélèvements dans la Lierne, 40 ha via un forage, 30 ha via le réseau collectif du canal de la Bourne, soit une centaine d’hectares de maïs irrigué chaque année.

- Trois associés, trois salariés à temps plein et un à trois quart temps.

Le tracker installé en 2021 produit l’équivalent de 15 % de la consommation en électricité du Gaec et procure de l’ombre sur le parcours des poules pondeuses. ©AD26