Agriculteurs et chasseurs, enjeux et intérêts réciproques
La chambre d’agriculture et la fédération départementale des chasseurs de la Drôme ont renouvelé leur partenariat « agriculture, faune sauvage, chasse ». Tour d’horizon des actions en cours et à venir.

Coopérer activement pour favoriser la biodiversité sauvage tout en préservant les performances techniques et économiques des exploitations agricoles, telle est la vocation de la convention de partenariat que viennent de signer, le 18 janvier à Crest, Jean-Pierre Royannez et Rémi Gandy. Respectivement présidents de la chambre d’agriculture et de la fédération départementale des chasseurs de la Drôme (FDC 26), ils ont renouvelé pour une durée de cinq ans une série d’actions sur les milieux agricoles : « Cipan biodiversité », implantation de haies, bandes enherbées et agroforesterie. « Bien au-delà du seul gibier, de nombreux oiseaux, petits mammifères, insectes profitent de ces opérations », a indiqué Rémi Gandi. « Nos enjeux et nos intérêts sont ici réciproques », a complété Jean-Pierre Royannez, avant un point sur les opérations en cours et à venir.
« Cipan chasseurs » : 1 255 ha engagés
Lancée en 2015, la culture intermédiaire piège à nitrates biodiversité, dite « Cipan chasseurs », a connu un véritable succès. « L’objectif de départ était de 600 hectares. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 1 255 ha sur 362 parcelles. Cela représente 155 contrats », a indiqué Christophe Mathez, technicien à la FDC 26. Ce dispositif est ouvert aux exploitations situées sur les 131 communes drômoises classées en zone vulnérable aux nitrates. Grâce au soutien financier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, de l’Office français de la biodiversité et de la FDC 26 (via l’éco-contribution*), les semences sont fournies gratuitement. Le mélange choisi « Chlorofiltre Mix +» est composé d’avoine rude, de vesce de printemps, de trèfle d’Alexandrie, de radis asiatique et de phacélie. « Cela offre un couvert hivernal à la faune sauvage, a expliqué Christophe Mathez. C’est un refuge, 30 à 42 espèces d’oiseaux communs ont pu être recensés. » Cette Cipan affiche aussi un excellent bilan agronomique.
« Le mélange est équilibré, il fournit une bonne biomasse, est très structurant pour le sol et il est un très bon piège à nitrates, a ajouté Aline Buffat, conseillère biodiversité et agroforesterie à la chambre d’agriculture. Il permet aussi une très bonne restitution de l’azote. » D’un point de vue cynégétique et agronomique, Rémi Gandy et Jean-Pierre Royannez ont confirmé les avantages de cette Cipan dont seule la destruction mécanique est autorisée à partir du 1er février. L’opération est donc reconduite dans le cadre de la nouvelle convention.
Bandes enherbées et sur-semis
Dans le cadre du programme Agrifaune, l’implantation de bandes enherbées a été testée sur cinq exploitations drômoises, du 1er septembre 2017 au 31 août 2020. Un suivi de la biodiversité a montré la plus-value de ce dispositif sur la présence d’insectes pollinisateurs, le contrôle des adventices ou encore l’apport de biomasse. Cette étude sur les couverts végétaux pérennes - favorables aux auxiliaires de cultures, à la faune sauvage en général et au petit gibier sédentaire de plaine en particulier - sera poursuivie.
Sur la période 2020-2023, une expérimentation « bord de champs et pied de haie » a pour principal but d’identifier les différents types de bordures et de proposer des mesures de gestion et d’entretien adaptés afin d’améliorer la biodiversité sur les bandes enherbées règlementaires. Pour le monde agricole, « l’enjeu est important avec l’actualisation de la cartographie des cours d’eau », a estimé Jean-Pierre Royannez. « Comme il manque des bandes tampon près des cours d’eau, l’idée est de proposer un mélange équilibré et plus adapté au sur-semis afin d’améliorer la qualité des bandes déjà en place », a expliqué Christophe Mathez. Itinéraires techniques et références économiques seront établis par la chambre d’agriculture, a précisé Aline Buffat.
Un autre volet du programme Agrifaune est l’émergence de projets agroforestiers (arbres en bordure ou à l’intérieur de parcelles).
Plus de 45 km linéaires de haies
Enfin, chambre d’agriculture et fédération des chasseurs de la Drôme - en lien avec le parc naturel régional du Vercors, l’association drômoise d’agroforesterie, Valence Romans Agglo et la ligue pour la protection des oiseaux - s’engagent à poursuivre la dynamique de plantation de haies impulsée par le plan France Relance. D’ores et déjà, 91 projets ont été identifiés dans le cadre du programme « Plantons en Drôme ». Cela représente plus de 45 kilomètres linéaires de haies et 870 arbres en intra-parcellaire, qui seront plantés sur trois saisons. Une enveloppe de 506 000 euros est mobilisée pour accompagner les investissements. En 2022, huit kilomètres de haies seront financées dans le cadre de l’éco-contribution (64 000 euros).
Début décembre, douze agriculteurs étaient venus sur le site de la FDC 26 récupérer leurs plants et recevoir de précieux conseils avant de les mettre en terre (lire L’Agriculture Drômoise du 9 décembre). « 48 essences sont utilisées, de préférence méditerranéennes, mais dix à quinze au minimum sont choisies pour leur résistance à la chaleur et au gel », ont précisé Christophe Mathez et Aline Buffat, insistant sur la prise en compte des enjeux agronomiques et climatiques.
Christophe Ledoux
* Eco-contribution : à la validation du permis de chasse, chaque chasseur contribue à hauteur de cinq euros avec un complément de l’État de dix euros (via l’OFB) pour financer des actions en faveur de la biodiversité (plantation de haies, restauration de milieux forestiers, de milieux humides, entretien des habitats pour la faune sauvage...).