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Parcours

La ferme Chapus : un demi-siècle d’agriculture biologique

Parcours / Cinquante ans d’agriculture biologique, c’est l’anniversaire que s’apprête à fêter la ferme Chapus à Montélimar. Retour sur le parcours de cette exploitation spécialisée en maraîchage et adossée à la société commerciale Bio St-Prix.

La ferme Chapus : un demi-siècle d’agriculture biologique
Pascal Chapus a pris la relève de ses parents et cultive une quarantaine de légumes différents, dont 6 hectares en plein champ et un hectare sous serres. ©AD

En septembre prochain, Pascal Chapus et ses sœurs projettent d’organiser un évènement qui célébrera les cinquante ans de production en agriculture biologique de la ferme qui les a vus grandir. Derrière cet anniversaire, un couple discret, René et Dany Chapus qui, en 1971, ont pris la décision de travailler sans produits chimiques de synthèse. « Mon père venait de perdre sa maman d’un cancer. Un soupçon subsistait sur le lien entre la maladie et les pratiques agricoles. C’est pourquoi mes parents ont souhaité travailler autrement », résume Pascal Chapus, leur fils. Il gère l’exploitation, aux côtés de sa sœur Corinne, et de son épouse Christelle, conjointe collaborateur. Son autre sœur, Isabelle, et son conjoint Philippe dirigent Bio St-Prix, qui assure la commercialisation d’autres produits issus de l’agriculture biologique.

Une poignée d’agriculteurs

Pascal Chapus, 47 ans aujourd’hui, n’était pas né lorsque l’exploitation a changé de cap. Mais il connaît par cœur le parcours de ses parents. « Ils ont tout de suite abandonné pêchers et poiriers, trop compliqués à conduire en bio, pour se consacrer au maraichage. Ils s’appuyaient sur la méthode Lemaire-Boucher comme une poignée d’agriculteurs en Drôme et Isère. Ils se réunissaient pour échanger sur leurs expériences et travailler sur ce qui était pour eux la base : fabriquer un bon compost », raconte-t-il. Les premières années ont été compliquées. Il leur a fallu essuyer les plâtres de ces nouvelles pratiques et faire face aux critiques. « Heureusement, ils avaient le soutien de la clientèle, c’est ça qui leur a permis de continuer à avancer », souligne leur fils.

La ferme Chapus exploite désormais douze hectares dont sept en légumes, le reste en luzerne, céréales et engrais vert. Un hectare, sur les sept en maraîchage, est conduit sous serres. La totalité de la production de légumes est écoulée en local : au magasin à la ferme créé en 1974, sur les marchés et au magasin de producteurs A Travers Champs à Loriol. Pour approvisionner ces circuits, Pascal Chapus cultive une gamme de quarante légumes et plus de 75 variétés différentes. Une façon de répondre à la demande du consommateur mais aussi de limiter les risques en cas d’échec sur une culture.

Faire face au changement climatique

« Au fil des années, nous nous adaptons, nous essayons des choses, la patate douce par exemple. Nous revenons sur le panais, les variétés anciennes de tomates... Il existe aussi une forte demande locale et nationale pour les produits primeurs : tomate, courgette, haricot, carotte botte, fraise, melon… », décrit le producteur.

Des primeurs qu’il espère produire sous les deux serres photovoltaïques de 900 m² chacune qu’il vient de faire installer à Châteauneuf-du-Rhône. Mais sa réflexion va au delà. « Je compte aussi sur l’ombre de ces serres pour mieux gérer les productions d’été, comme les haricots que nous ne parvenons plus à produire en juillet-août à cause des pics de chaleur », explique le maraîcher. Il envisage également de développer l’agroforesterie pour s’adapter au changement climatique. Dès l’hiver prochain, il devrait travailler sur ces questions avec la chambre d’agriculture et l’association drômoise d’agroforesterie (Adaf). Mais il avertit, que ce soit les serres ou l’agroforesterie, les projets doivent être mûrement réfléchis car ces pratiques exigent des investissements, de la technicité et du temps de travail supplémentaire pour l’exploitant. 

Pour Pascal Chapus, la réussite en agriculture biologique passe par beaucoup d’observations de ses cultures. ©AD

Pascal Chapus estime que sur un bassin de consommation comme celui de Montélimar, il y aurait de la place pour plusieurs exploitations comme la sienne. Pas si facile cependant à concrétiser car, rappelle-t-il, les maraîchers doivent faire face à une augmentation constante des charges, que ce soit sur les amendements, les emballages, les carburants, l’électricité… « Pour s’en sortir, on sème une rangée de plus, résume-t-il. On augmente nos surfaces pour pouvoir payer du personnel. » La main-d’œuvre reste en effet essentielle. « Nous sommes équipés d’une bineuse automotrice mais avec 40 légumes différents sur de petites surfaces, c’est impossible de disposer du matériel spécifique à chaque culture. Le manuel reste donc la règle, ce qui nous rend moins compétitifs », reconnait-il. Pour autant, cette présence permanente dans les cultures est pour lui indispensable en agriculture biologique. « Il n’y a rien de compliqué en bio, c’est surtout beaucoup d’observation », avance celui qui n’a jamais connu d’autre mode de production.

Agritourisme en vue

Pascal Chapus réfléchit aussi à l’avenir de l’exploitation. Ses sœurs, plus âgées, prendront leur retraite avant lui. Embaucher pour produire et commercialiser sera certainement nécessaire. Mais il ne souhaite pas augmenter ses surfaces en production. C’est pourquoi il réfléchit à une diversification vers le tourisme. « Nous sommes à proximité de la ViaRhôna et il manque des points d’accueil pour les cyclistes campeurs, constate-t-il. Notre idée serait de créer une petite aire de camping à la ferme. » Le projet est en réflexion mais il se heurte encore à des règles d’urbanisme pas tout à fait adaptées aux projets agritouristiques de cette nature. Notamment sur la question des surfaces de parking disponibles pour l’accueil des véhicules… des vélos en l’occurence. « J’ai bon espoir que ça se débloque pour l’année prochaine », soupire l’exploitant.

Cinquante ans après avoir été pionnière dans la bio, la Ferme Chapus sera peut-être demain pionnière dans un nouveau mode d’accueil à la ferme, qui combine tourisme à vélo et vente directe de produits biologiques. 

S.Sabot

Repères

- 1971 : La ferme Chapus se convertit à une méthode de culture sans produits chimiques de synthèse.

- 1981 : Reconnaissance en France des décrets définissant les cahiers des charges (production et contrôle) de ce qui deviendra l’agriculture biologique.

- 1984 : Création de la Sica d’Etoile avec d’autres agriculteurs pour commercialiser leurs produits (détail et semi-gros).

- 1993 : arrivée de Pascal comme aide familial sur l’exploitation.

- 1999 : Pascal Chapus reprend l’exploitation de ses parents.