L’ail drômois a souffert du gel et du manque d’eau
L’association des producteurs d’ail de la Drôme a tenu son assemblée générale à Eurre mi-septembre. Elle a notamment dressé le bilan d’une campagne 2022 compliquée.

« Nous sommes sur une année compliquée, on revit 2017 », a affirmé Stéphane Boutarin, président de l’association des producteurs d’ail de la Drôme (Apad) lors de l’assemblée générale qui s’est tenue le 15 septembre dans les locaux du GIE L’Ail Drômois. « Nous avons d’abord subi le manque d’eau à la plantation. Cette sécheresse d’hiver a pénalisé la levée. Puis le gel d’avril a compromis l’alimentation et donc l’évolution de l’ail en terre. Enfin, la sécheresse estivale et les températures élevées ont fini d’impacter le développement de la plante. Chez certains producteurs, il manque 50 % de la récolte », confie-t-il. Mais les conséquences de ces conditions climatiques extrêmes ne s’arrêtent pas là. « Nous rencontrons à présent des problèmes de conservation du produit. Globalement, nous sommes à 30 % d’écarts de tri en moyenne, en bio comme en conventionnel », poursuit le président. Une situation qui affecte toutes les régions de production en France (lire ci-dessous). L’Apad a donc adressé un courrier à la direction départementale des territoires (DDT), ainsi qu’à la MSA Ardèche-Drôme-Loire pour tenter d’obtenir des mesures spécifiques à la production d’ail. L’enjeu à présent est de faire reconnaître ces pertes de récolte au titre des calamités agricoles. La chambre d’agriculture de la Drôme a été sollicitée pour accompagner ce dossier.
Promouvoir et se réinventer
Malgré ce contexte difficile, l’Apad s’est aussi engagée dans de nombreuses actions pour promouvoir la filière ail de la Drôme. « La crise de la Covid-19 a permis en 2020 de nouer un dialogue avec les GMS locales qui ne trouvaient plus d’ail d’importation », a rappelé Stéphane Boutarin. Pour entretenir cette dynamique avec la grande distribution, l’Apad participe au groupe de travail lancé par le Département de la Drôme pour promouvoir les produits sous signes de qualité. L’explosion de la demande en 2020 a aussi mis en lumière les difficultés d’approvisionnement en fin de saison, avec des stocks déjà quasiment épuisés en mars. Un défaut « identifié depuis plusieurs années qui nécessite pour les producteurs et OP Drômois de mieux s’équiper en stockage frigo », souligne l’association.
Stéphane Boutarin a aussi insisté : « Nous devons commencer à nous réinventer dès maintenant pour anticiper les années où nous rencontrerons de nouveau les problèmes de 2022 [gel, sécheresse, canicule, écarts de tri, ndlr] ». Cela passe, selon lui, par des réponses techniques, que ce soit sur les variétés, les rotations, les types de sol, les dates et conditions de récolte… Sans oublier, la valorisation des écarts de tri, notamment en commercialisant de l’ail dégoussé. Comment le conserver, dans quel circuit le commercialiser alors que l’industrie est déjà saturée par l’ail espagnol ? Autant de sujets qui seront suivis par l’Apad et ses partenaires (Aniail, chambre d’agriculture de la Drôme, Serail …). Reste cependant une inconnue : l’explosion des coûts de production (engrais, GNR, électricité…) qui pourrait limiter drastiquement les capacités d’adaptation de la filière ail.
Sophie Sabot
L’Apad en chiffres (2021)
- 95 adhérents et 825 ha de production, dont : 38 producteurs de plants sur 451 ha (dont 34 ha en bio) et 59 producteurs d’ail de conso sur 374 ha (dont 85 ha en bio).
- En ail de consommation, l’IGP Ail de la Drôme a représenté 16 producteurs, 73 ha et plus de 209 tonnes commercialisées (152 en 2020). C’est le plus fort tonnage depuis 2014.
La filière ail appelle à la « bienveillance »

L’interprofession de l’ail (Aniail) a dressé début septembre un état des lieux de la campagne 2022. En volume, la récolte s’annonce dans la moyenne. 22 430 tonnes ont été récoltées en France sur 3 230 hectares (+ 9 % par rapport à 2021). Le déficit hydrique et les températures très élevées en période de développement des bulbes (en mai et juin) ont entraîné une baisse des calibres et un manque de coloration des bulbes sur l’ail violet.
Toujours à cause de la chaleur, des problèmes de qualité apparaissent pendant le séchage. Malgré des procédures de tri sévère dans les stations, « nous ne sommes pas certains de livrer de l’ail commercialisable à 100 % », précise Philippe Quaranta, vice-président de l’Aniail. L’interprofession a donc décidé de jouer la transparence et prévenu l’ensemble des réseaux de commercialisation en demandant de faire preuve de « bienveillance », explique Christiane Pieters, présidente de l’Aniail. Elle s’attend à des « pertes économiques importantes » pour les producteurs en 2022. En plus de ces difficultés conjoncturelles, la filière ail doit faire face à la fin des emballages plastiques au 1er octobre pour tous les colis inférieur à 1,5 kg, c’est-à dire la quasi-totalité des unités de vente. Le surcoût est estimé à 18 centimes par kilo. La filière de l’ail français rassemble 2 000 producteurs, une dizaine de metteurs en marché (qui emploient 2 000 salariés) et réalise un chiffre d’affaires annuel de 500 millions d’euros.