Traite : ces petits gestes qui préservent la santé
Dans le cadre d’une journée technique initiée par Loire conseil élevage dans l’hiver, un temps était dédié à l’ergonomie à la traite. À quoi fait référence ce terme ? Quels sont les facteurs favorisant les troubles musculosquelettiques ? Comment y remédier ?
Un éleveur laitier passe plus de mille heures par an dans sa salle de traite. C’est pour cela qu’il est essentiel que le travail, les outils et l’environnement s’adaptent à l’éleveur et non l’inverse. Dans la recherche d’optimisation de l’ergonomie lors de la traite, l’objectif est de réduire au minimum la pénibilité et les facteurs de risques car c’est leur répétition au fil du temps qui peut entrainer des troubles musculosquelettiques (TMS) ou des accidents. Ces derniers se manifestent par des lésions des tendons, des muscles ou du squelette. Il convient de les détecter, les classer par ordre de priorité, essayer de les modifier et envisager des solutions, plus ou moins coûteuses, selon les objectifs de l’exploitation.
La traite combine un triptyque d’intervenants : l’animal, le trayeur et la machine. Ils interagissent entre eux, positivement ou négativement. Par exemple, une installation adaptée permet une traite de qualité, et donc une santé de la mamelle préservée, un bien-être de l’animal respecté, des trayons faciles à traire et des animaux plus coopératifs, des émissions de lait optimum, des interfaces de traite stables et, finalement, moins d’incidents.
Facteurs de risques
Les facteurs de risques en salle de traite sont de plusieurs ordres :
- bâtiment : accès, état du sol, rangement, ventilation, température ;
- animaux : circulation, manipulation, homogénéité, entrée et sortie, propreté des mamelles ;
- manutention manuelle : charges lourdes, mauvaises postures, travail répétitif, cadence, durée, fréquence ;
- ambiance : bruit, vibrations, éclairage, poussières, odeurs ;
- circulation et déplacements : nature du sol, montées et descentes, zones encombrées, vitesse de déplacement, type de bottes, présence de souillures ;
- matériels : adaptés au travail, conformes, entretenus et vérifiés, utilisation des équipements de protection individuels ;
- risques psychosociaux : charge de travail, exigences émotionnelles, autonomie au travail, rapports sociaux et relations au travail, conflits de valeurs, insécurité vis-à-vis du revenu ;
- aléas : mammites, vaches fraiches vêlées, coups de pied.
Le premier point clé de l’ergonomie en salle de traite est l’accessibilité à la mamelle et aux commandes de traite. Puis, tout encombrement et obstacles dans la fosse et l’aire d’attente des animaux doit être proscrit. Ensuite, il convient de réduire au minimum les charges à porter (bidons de lait, faisceaux trayeurs). L’ambiance de travail est également à ne pas négliger (bruit, luminosité). Enfin, l’absence de conflits sur l’exploitation est un plus. La traite doit finalement être agréable et non une contrainte.
Des aménagements adaptés
Les aménagements ergonomiques peuvent aller de quelques euros à un investissement de plus de 20 000 euros : seau d’eau chaude à portée de main (suspendu à une chaine) pour le gobelet de pré-trempage et le trempage ; bidon de produit de traite à hauteur d’homme (sur un chariot, par exemple) avec un bec verseur ou une pompe ; chariot ou roulettes sous les bidons de lait à transporter ; servante sur rail ; surpresseur ; tapis au sol ; plateau de lavage amovible ; portes automatiques avec commande au niveau du quai ; exosquelette (lire par ailleurs), décrochage et lavage automatique ; barrière poussante ; aire d’attente avec raclage non manuel ; griffes légères (moins de 1,6 kg) avec démarrage automatique ; griffes avec trempage automatique ; plancher mobile.
Une hauteur de quai adaptée au trayeur permet de limiter au maximum les postures non ergonomiques. Celles recommandées actuellement sont présentées dans le dossier complet.
L’ergonomie dans la salle de traite est essentielle pour les éleveurs laitiers, mais elle doit aussi être réfléchie sur l’ensemble de l’exploitation. Ce sont des petits gestes de tous les jours qui permettent de préserver sa santé.
Lucie Grolleau-Frécon
A lire notre dossier complet
Avantages et inconvénients de l’exosquelette
Dominique Larue, associée du Gaec des Maréchaux, à Mornand-en-Forez (Loire), apporte son témoignage quant à l’utilisation d’un exosquelette pour traire. « Avant, je prenais des anti-inflammatoires car j’avais des douleurs dans le haut du corps. Un jour, j’ai lu un article sur les exosquelettes. Je me suis alors renseignée auprès de la personne qui témoignait. Puis, j’ai fait l’acquisition de cet outil en 2021. Désormais, je ne peux plus m’en passer. »
L’exosquelette pèse 2,5 kg. Il est constitué d’aluminium et de renforts en plastique. « Tout est mécanique. Il n’y a pas d’électronique ou d’électricité. » Les protections en mousse et les sangles peuvent être nettoyées à la machine à laver le linge. « Je passe une brosse à dents humide sur les montants », explique Dominique Larue. Elle conseille d’acheter un exosquelette parfaitement adapté à la taille de l’utilisateur et de bien le régler « pour éviter d’avoir une gêne ». L’outil « s’enfile comme un sac à dos. L’intensité de l’aide est réglable. Je sens qu’il m’assiste quand mes bras arrivent au niveau du cœur. » Elle avoue qu’« au début, c’est comme un corps étranger, ce n’est pas naturel. J’ai dû insister un peu avant de vraiment l’adopter. » Elle relève néanmoins un inconvénient : « L’exosquelette tient chaud comme un gilet. Face au service rendu, je l’accepte volontiers ». Autre inconvénient : le prix pour acquérir l’appareil et pour les pièces de rechange.
Baptiste Laffay, technicien à Loire conseil élevage, estime « qu’il faut mieux réfléchir à d’autres solutions pour soulager l’acte de traite, comme avoir une installation adaptée plutôt qu’avoir recours à un exosquelette. Mais ce n’est pas toujours possible quand plusieurs trayeurs interviennent. » Dans ce cas-là et si les deux personnes ne traient pas en même temps, il est possible d’installer un plancher mobile. L’investissement oscille entre 15 000 et 25 000 euros.
L. G.-F.