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DERMATOSE NODULAIRE CONTAGIEUSE

« On sait que c’est possible de se relever »

Le Gaec du Houx Fleuri des frères Simon à Entrelacs (Savoie) a subi la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et l’abattage administratif de 132 vaches laitières, veaux et génisses en juillet dernier. Le choc passé, les éleveurs se projettent dans l’après avec la reconstitution de leur troupeau de montbéliardes pour redémarrer.

« On sait que c’est possible de se relever »
©BC_TDS
Kyllian l’apprenti, Jean-Paul Simon et Joël Simon les deux associés du Gaec et leur salarié, Léo Simon, fils de Joël, dans leur stabulation nettoyée, désinfectée et vidée de ses vaches laitières, rencontrés lundi 18 août, un mois après le dépeuplement administratif.

Situés à Saint-Germain-la-Chambotte, à 2 km du premier foyer de DNC détecté le 29 juin sur l’élevage Bontron à Cessens (Savoie), les frères Jean-Paul et Joël Simon ne se faisaient pas d’illusions. Ils savaient que les miracles sont rares et que tôt ou tard leur troupeau finirait par être contaminé par la dermatose nodulaire contagieuse. Mais avec 89 laitières en système robot qui s’autoconfine en période de fortes chaleurs et huit lots de génisses au pré dispersés sur toute la commune, ils s’attendaient davantage à un cas chez les animaux de renouvellement, plus exposés aux insectes à l’extérieur et contraints de rester à la pâture pendant la crise.

Foyer DNC confirmé le 16 juillet 

Le lundi 14 juillet au matin, une traite anormale et de légers symptômes évocateurs de la DNC sont pourtant détectés sur une vache laitière à l’intérieur du bâtiment, en pleine forme la veille. Sans attendre, le vétérinaire est appelé pour prélèvements et analyse. Le résultat officiel, peu surprenant pour les éleveurs mais très lourd de signification, est tombé le mercredi 16 juillet. Le Gaec du Houx Fleuri est à son tour foyer d’infection de DNC, ce qui implique l’abattage total de l’unité épidémiologique, en l’occurrence, la totalité des vaches laitières en production, les génisses restées au bâtiment, les vaches taries et les jeunes veaux. Au total, 126 animaux âgés d’une semaine à plusieurs années doivent être éliminés. Une délégation composée de la DDPP, de la MSA, de la cellule Réagir, accompagnée par la FDSEA, la chambre d’agriculture et des éleveurs locaux, est venue l’annoncer et proposer son soutien. Un choc incommensurable pour les deux frères mais une acceptation sans débat. En quinze jours de crise sanitaire à proximité, Joël et Jean-Paul ont eu le temps de discuter entre eux et de se préparer au pire. Ce fut un peu plus long à admettre pour Léo, le fils de Joël, salarié sur la ferme et considéré comme le troisième associé. 

Éleveurs responsables 

Ayant assisté plusieurs éleveurs du secteur déclarés foyers avant eux, Joël et Jean-Paul ont déjà mesuré de près les dégâts lourds et fulgurants de cette nouvelle maladie sur les troupeaux. 
« On n’a jamais vu un truc aussi virulent. Les animaux souffrent de nodules, de forte fièvre et leur état se dégrade à vue d’œil, la seule solution est l’euthanasie. » Entre le lundi et le jeudi, jour du chantier d’abattage, plusieurs autres cas vont d’ailleurs se déclarer dans le troupeau laitier. Dans l’intervalle, une gestante avorte à 5 mois et plus d’une vingtaine de vaches sont très affaiblies. « On a vite compris que notre troupeau était perdu, que notre responsabilité était maintenant de protéger nos voisins, les éleveurs savoyards et l’ensemble de l’élevage français, expliquent Joël et Jean-Paul Simon. On voulait un assainissement rapide, discret et sécurisé. En pleine crise des anti-abattage sur la commune d’à côté, on ne voulait surtout pas d’une telle agitation chez nous. » Rester digne et respectueux de leurs animaux, c’est ce fil rouge qui les a conduits à soigner jusqu’au bout leurs bêtes condamnées, à les nourrir et à leur donner à boire jusqu’au matin même de l’expertise précédant l’abattage. 

132 bovins abattus 

Le chantier de dépeuplement, pris en main par des voisins agriculteurs, a duré tout l’après-midi du jeudi 17 juillet. Joël, Jean-Paul et Léo ont choisi de s’absenter pour éviter de garder ces images insoutenables en tête. Le soir même, ils ont préféré ne pas entrer dans le bâtiment vide. Le sommeil a été très difficile. C’est le lendemain matin, désorientés par la disparition de leur troupeau, qu’ils ont réalisé la perte. « On a déjà été impactés par la FCO l’année dernière (une dizaine de vaches laitières réformées). Et en 2001, un voisin a eu l’ESB et son cheptel décimé. Il s’est redressé et aujourd’hui c’est une très belle structure avec un super troupeau. Donc on sait que c’est possible de se relever. » Se sentant aptes à traverser cette épreuve, ils n’ont pour le moment pas sollicité l’appui psychologique de la cellule Réagir. 

75 animaux épargnés 

Les frères Simon étaient pessimistes au départ pour leurs huit lots de génisses à la pâture. Une suspicion avait d’ailleurs été initialement repérée sur une des génisses au pré, levée après analyse. Un autre foyer a été confirmé après la vaccination. Le lot de six animaux a été éliminé, ce qui porte à 132 le total du nombre d’animaux abattus au Gaec du Houx Fleuri à cause de la DNC. Illustration du caractère sournois de cette terrible maladie, difficile à détecter, avec un temps d’incubation et des symptômes cliniques très variables d’un animal à l’autre, les sept autres lots désormais vaccinés, toujours au même emplacement, sont sains : 22 génisses prêtes et 18 jeunes génisses, plus 8 vaches taries. Avec leurs 27 génisses à inséminer placées en alpage à la Rochette, c’est ce qui leur reste du passage dévastateur de la DNC sur leur exploitation. C’est autour de ce noyau d’animaux à trier qu’ils comptent entamer la reconstitution d’un troupeau d’environ 90 vaches laitières à 7 500-8 000 litres de lait de moyenne et la suite de renouvellement. « Il va y avoir tout un travail d’acclimatation pour les vaches que l’on va remplacer, c’est un peu l’inconnu ». Les deux éleveurs ont participé à une réunion sur le repeuplement le 5 août. Ils en sont ressortis rassurés. « La montbéliarde est une grande race, les éleveurs sont solidaires et ceux des autres régions sont conscients des sacrifices des Savoyards pour stopper la DNC. Cet élan collectif nous soulage et nous donne des perspectives pour trouver des femelles de qualité à des prix maîtrisés. On est confiants, surtout avec les nouveaux outils comme le génotypage et la transplantation embryonnaire. » Le Gaec s’est inscrit au répertoire des demandeurs et attend des propositions concrètes sans doute à partir de la fin septembre. 

Première indemnisation versée 

Concernant l’indemnisation de l’État pour abattage suite à la DNC, le Gaec a reçu une avance de 70 % le samedi 17 août seulement. Le forfait s’élève à 2 100 euros/ VL et 1 125 euros/génisse, « sauf une trentaine qui n’a pas encore été retenue car l’équarrisseur a égaré les justificatifs de chargement ! » peste Joël. L’indemnisation d’une durée de six mois pour pertes d’exploitation est encore floue pour l’instant, des négociations sont en cours avec le ministère. Le nettoyage du bâtiment a été fait dans la semaine du 21 juillet, avec un second passage de désinfection le 4 août. Depuis, c’est l’attente du vide sanitaire de 42 jours et de la sécurisation de la zone pour attaquer le repeuplement. Heureusement, un second bâtiment de 8 box pour les génisses est en autoconstruction depuis l’année dernière. Le Gaec compte solliciter un laissez-passer sanitaire pour rentrer les génisses vaccinées arrivées à terme et éviter de devoir traire au pot. Les éleveurs tiennent à remercier chaleureusement tous les partenaires à leurs côtés depuis le 14 juillet : la chambre d’agriculture, la MSA, la FDSEA et JA, les vétérinaires, sans oublier les agriculteurs qui ont accompagné leurs bêtes lors du dépeuplement ainsi que tous ceux qui leur ont envoyé des messages de soutien pour approuver leur décision. La coopérative Jura Mont-Blanc a mis les prélèvements en attente pour les soulager. DeLaval Savoie Élevage a suspendu son contrat de maintenance robot. Le Crédit Agricole des Savoie leur a proposé un prêt à taux zéro.  « Tous ces gestes mis bout à bout, ça compte, car on vit au jour le jour depuis un mois. Se sentir soutenus depuis le début et encore après, ça nous donne la force de nous reconstruire. » 

B.C.

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