« Sensibiliser pour allier rentabilité et réduction des quantités d’irrigation »
Des outils permettent maintenant d’optimiser ses rendements en réfléchissant l’irrigation avec davantage de précision. 
 
              Si en France, seulement 6,8 % de la surface agricole utilisée (SAU) est irriguée, pour certaines cultures, notamment céréalières, l’irrigation est indispensable à la croissance de la plante et aux rendements de la culture. Toutefois, avec le changement climatique, les agriculteurs sont de plus en plus confrontés à des problématiques de ressource en eau ; ce qui les pousse à réfléchir aux façons de réduire leur consommation en eau, tout en garantissant des rendements au moins équivalents. Et pour cela, la connaissance est essentielle.
Les flashs irrigation, une information concentrée
C’est pourquoi plusieurs acteurs ont développé des systèmes d’information pour aider la prise de décision en matière d’irrigation. C’est le cas de nombreuses chambres d’agricultures départementales, comme celle de la Drôme. « Nous avons développé différents flashs irrigation, explique François Dubocs, conseiller spécialisé agronomie et irrigation à la chambre d’agriculture de la Drôme. Notamment dans les zones où la question de la ressource en eau est compliquée. Et sur les principales cultures du territoire : blé, maïs, ail, pomme de terre, fruits et bientôt la vigne... » Publiés toutes les semaines, ces flashs présentent de façon synthétique la météo de la semaine précédente et des sept jours à venir, avec les relevés de l’évapotranspiration potentielle (ETP) et des pluies de différentes stations météorologiques. Ils indiquent également les prévisions de consommation de plusieurs cultures et des préconisations adaptées aux stades clés. « Il s’agit d’une information peut être moins précise qu’un travail à la parcelle, admet François Dubocs. Mais, nous avons un bon retour des agriculteurs qui y trouvent déjà des informations intéressantes et pertinentes. Cela leur permet de déterminer le début et la fin de l’irrigation et les périodes où il y a des gros enjeux pour la plante et ceux où l’irrigation est moins nécessaire. Ces flashs sensibilisent les agriculteurs : comment utiliser l’eau à bon escient et allier rentabilité et réduction des quantités d’irrigation. Cela peut même leur donner envie de s’équiper individuellement, de sondes, de bilans hydriques... »
Des outils d’aide à la décision de plus en plus utiles
Plus précis, plusieurs outils d’aide à la décision (OAD) ont également été développés dans ce domaine. Arvalis, le principal institut technique agricole de la filière céréalière, a notamment déployé un modèle de bilan hydrique intégré aux OAD de plusieurs structures.
« C’est un outil basé sur la modélisation, explique Sophie Gendre, responsable du pôle Agronomie chez Arvalis. En fonction de données agroclimatiques, l’outil permet d’anticiper les tours d’eau, à partir de l’état de la réserve en eau du sol et des dates prévisionnelles des stades de développement des cultures. » L’institut est par ailleurs en train de développer un modèle à volume d’eau limité.
Mais, comme François Dubocs, elle avertit que « pour que les outils de bilan hydrique soient efficaces, il faut être vraiment précis sur les données que l’on rentre au début » : le type de sol, le climat, la variété, la date de semis... C’est pourquoi François Dubocs conseille de se faire accompagner dans cette phase ou pour le positionnement des sondes. En effet, des OAD proposent de coupler la modélisation à la réalité de son terrain, à l’aide de sondes tensiométriques ou capacitives qui, de deux façons différentes, mesurent l’humidité dans le sol. Les besoins d’irrigation sont alors calculés en condition réelle.
Si ces méthodes ont un coût et demandent du travail lors de leur mise en place, « le pilotage de l’irrigation permet de sécuriser les rendements, de maximiser l’efficience de l’eau, en ajustant au mieux la dose d’eau délivrée au bon moment, en couvrant les besoins de la plante et en évitant les pertes d’eau. On fait des économies d’eau en s’équipant, on gagne 1 à 2 tours d’eau sur les cultures d’été. Et les gains de rendement peuvent être intéressants : l’irrigation peut permettre de gagner 3 à 4 quintaux par hectare par 10 mm en maïs, 1,5 à 2,5 pour le blé, 3 à 4 pour le sorgho et 6 à 8 pour la pomme de terre », estime Sophie Gendre. 
Leïla Piazza
Deux agriculteurs ont innové pour optimiser leur irrigation : fruits, légumes, céréales.
« Apporter la dose d’eau la plus juste au bon moment »
A la tête d’une exploitation céréalière familiale de 450 hectares à Loyettes (01), Jérôme Martin cultive principalement du maïs, du blé et du soja irrigués grâce à l’eau du Rhône. Il a misé sur le pilotage de l’irrigation, associé à des techniques de semis simplifié, adaptées aux sols caillouteux et très superficiels de la plaine de l’Ain.
« Lorsque je me suis installé dans l’exploitation familiale en 2005, nous bénéficions déjà du réseau collectif d’irrigation alimenté par le Rhône, qui avait été mis en place en 1993 en substitution des forages dans les nappes phréatiques et de systèmes d’irrigation modernisés. Nous avons alors décidé de travailler sur le pilotage de l’irrigation. L’idée est de miser sur la connaissance pour apporter la dose d’eau la plus juste au bon moment, lorsque la plante en a besoin et ainsi réduire les quantités utilisées. Les données sont mises en commun avec les voisins. Et j’utilise l’OAD d’Arvalis Irré-LIS®, couplé à un système de sonde capacitive, qui mesure le degré d’humidité des sols, et des stations météo. Cela m’aide beaucoup à déterminer le début et la fin de la période d’irrigation et lors d’épisodes pluvieux, pour décider des arrêts. C’est très utile pour le blé. Moins pour le maïs car en été, on sait que nos sols ont peu de capacité de stockage et l’irrigation est souvent à flux tendu. Au total, je pense que le pilotage me fait économiser 10 % de ma consommation d’eau, avec des rendements constants voire améliorés. On évite en effet les stress hydriques qui pourraient bloquer la croissance de la plante. De plus, les techniques de semis simplifiés que nous pratiquons permettent de conserver l’humidité et la fraîcheur des sols et de mieux résister aux périodes de sécheresse et de chaleur. Cela évite également d’irriguer pour faire lever les cultures. »  
Automatisation et ferti-irrigation pour gagner en rendement et en temps de travail
Après avoir repris une exploitation fruitière de 39 ha, mixant petits fruits et arbres fruitiers à Mornant (69), Simon Mermet a pris le chemin de la diversification et de la modernisation pour sécuriser la production, qui est commercialisée via une coopérative. Notamment à travers les systèmes d’irrigation, repensés pour gagner en temps de travail et en rendements. 
« Depuis que je me suis installé, je modernise et diversifie les cultures. Petit à petit, j’automatise l’irrigation. À la base, les cultures fruitières telles que la pêche ou la cerise étaient en aspersion sous frondaison, un rang sur deux. Cela obligeait à avoir des rangs très propres et nous étions dépendants de la chimie pour cela. De plus, le système était vieillissant, il y avait sans cesse des réparations. Et l’ouverture étant manuelle, cela me prenait une heure le matin et une heure le soir. C’est pourquoi petit à petit, je change le système d’irrigation pour des goutte-à-goutte, avec des sondes tensiométriques, qui mesurent l’humidité des sols. Et je suis les expérimentations réalisées avec des dendromètres, pour déclencher l’irrigation en fonction du stress de l’arbre. Je pense qu’un jour nous irons vers ça. Toutefois, cela mérite une réflexion approfondie car le risque est qu’en automatisant trop, on ne surveille plus et que des erreurs puissent faire perdre en performance. Et puis le goutte-à-goutte n’est pas adapté sur toutes les plantations. Par exemple, en cassis, l’aspersion permet de casser l’oïdium. Nous développons aussi la ferti-irrigation sur certaines parcelles. Cela permet d’avoir une croissance des arbres régulière et de réduire les quantités de fertilisants puisque 100 % de la dose va réellement à la plante. » 
 
          
           
       
           
      
     
      
     
      
    