Après les blocages et les annonces, le temps des réponses
Après les annonces du Gouvernement et la levée des blocages routiers, un travail s'engage localement pour concrétiser les mesures attendues.

Les premiers décrets promis par le gouvernement de Gabriel Attal pour venir en aide aux agriculteurs, l'un sur le gazole et l'autre sur les indemnisations aux éleveurs touchés par la maladie hémorragique épizootique (MHE), sont parus le 4 février au Journal officiel. Cela constitue un tout petit premier pas vers la concrétisation des nombreuses mesures annoncées par le Premier ministre (lire page 5). Pour avancer au plus vite depuis la levée des blocages, dans chaque département les réunions de travail se multiplient. Dans la Drôme, cette semaine, une rencontre est prévue avec les services de la direction départementale des territoires (DDT), réunion présidée par le préfet. « En complément des revendications syndicales, nous avons travaillé pour identifier, d'une part ce qui nous semble le plus urgent à mettre en œuvre, d'autre part à quel niveau de décision cela correspond », indique Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Si beaucoup de mesures relèvent des échelons national et européen, d'autres peuvent en effet se régler localement.
ICHN, irrigation
Parmi les points prioritaires que poussent les responsables agricoles drômois, on trouve les territoires privés d'ICHN(1) depuis la révision des zones défavorisées simples (ZDS) en 2019. « Une situation arbitraire et totalement incompréhensible décidée d'en haut et avec une compensation sous forme de MAEC(2) qui ne fonctionne pas », s'indigne Jean-Pierre Royannez.
L'eau est un autre dossier sur lequel la profession agricole souhaite des avancées rapides. « Les projets de création de retenues collinaires sont trop souvent bloqués sans justification sérieuse », juge le président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Il mentionne également la question des volumes d'eau prélevables pour l'irrigation afin de « revenir à des niveaux supportables » pour les irrigants. « Ce qui a été décidé dans la Galaure n'est tout simplement pas tenable pour conserver une activité agricole », ajoute-t-il. En Drôme des collines, il demande « l'effacement des sous-secteurs » car aujourd'hui, dans la gestion quantitative de l'eau, « toute solution de substitution est impossible à mettre en œuvre ». D'autres points concernent les captages prioritaires et sensibles, les servitudes associées aux déclarations d'utilité publique pour les captages d’eau potable...
Soutiens, réglementations
L’accompagnement des filières en crise (noix, cerise, lavande, viticulture du sud, apiculture et bio) fait également partie de la longue liste des mesures que réclame la profession agricole. « La Drôme est toujours pénalisée par la diversification de son agriculture. Trop d'agriculteurs sont exclus des soutiens en raison de critères trop restrictifs et trop exclusifs », déplore Jean-Pierre Royannez. Les responsables agricoles pointent également les retards de paiement des aides, la multiplication des BCAE(3) « impossibles à suivre pour le commun des mortels » ou encore les délais d’instruction « qui débordent et risquent d’engendrer des retards de mise à disposition du dossier PAC au mois d’avril ».
S'agissant de la protection des cultures, il est demandé un maintien des moyens dans la surveillance des ravageurs, le contrôle des flux de végétaux… La profession agricole compte aussi dénoncer les zones non traitées (ZNT), jugeant la réglementation « complexe et intrusive ». Par ailleurs, elle demande à être associée à la définition des zones humides et des critères les définissant.
Épandage, Cipan, loup
Un autre point concerne la directive nitrates avec des périodes d’épandage jugées « incompréhensibles » et ne tenant aucun compte « des particularités locales ». Sur le plan agronomique, l'obligation de semis d'une Cipan(4) derrière un tournesol est dénoncée ; de même que l'obligation, pour les agriculteurs pratiquant le semis direct, d'implanter des couverts derrière un maïs.
Quant au plan loup, la profession agricole drômoise réclame l'augmentation des prélèvements autorisés du prédateur, l'indemnisation de l’ensemble des bêtes perdues et l'extension des indemnisations à tous les cheptels, y compris bovins et équins.
Bien d'autres mesures figurent dans la très longue liste des points que comptent aborder les responsables agricoles face aux administrations. « Aujourd'hui, avec le poids des mobilisations, des portes sont ouvertes et nous sommes au travail pour obtenir des avancées. Mais si ça venait à ne pas avancer assez vite, les agriculteurs se remobiliseront », prévient Jean-Pierre Royannez.
Christophe Ledoux
(1) ICHN : indemnité compensatoire de handicaps naturels.
(2) MAEC : mesures agro-environnementales et climatiques.
(3) BCAE : bonnes conditions agricoles et environnementales.
(4) Cipan : culture intermédiaire piège à nitrates.

Pour Yvan Jarnias, président de Jeunes agriculteurs de la Drôme, le renouvellement des générations fait partie des priorités. Parmi les urgences, il cite le retour des prêts à taux bonifiés, en plus de la dotation jeune agriculteur. Mais aussi la défiscalisation sur la transmission des exploitations agricoles, « un point très important pour permettre les reprises et les installations dans de bonnes conditions ». Yvan Jarnias évoque également le déblocage de moyens importants pour la promotion du métier d'agriculteur, « ce qui permettra de renforcer le potentiel de jeunes vers l'agriculture ». Il ajoute : « Nous espérons aussi une simplification des démarches à l'installation ».

Pour Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA 26, la mobilisation se poursuit. Après les annonces du Gouvernement, il s’agit à présent de mesurer si les revendications des agriculteurs drômois ont été entendues et si les réponses apportées sont à la hauteur des attentes. « Pour la Drôme, là où nous nous y retrouvons le moins pour l’instant, c’est sur le volet eau. L’autre gros point d’interrogation concerne les filières qui restent toujours sans solution suite à l’interdiction de certaines molécules. Ensuite, sur le volet européen, pour l’instant il n’y a pas eu pour moi de réponses sur les concurrences déloyales ou sur les traités de libre-échange. Enfin se pose toujours la question de la loi Égalim et de la prise en compte de nos coûts de production », liste Sandrine Roussin. Sans oublier le dossier « loup », sur lequel elle estime qu’il n’y a pas d’avancées dans les annonces. « Mais attention, cela n’est qu’un premier bilan à chaud. Jusqu’au Salon de l’agriculture, nous allons continuer d’analyser les annonces, de travailler avec les services de l’État, notamment la DDT. Nous poursuivons aussi notre travail avec l’OFB avec lequel nous échangeons déjà depuis plusieurs mois en Drôme pour avancer de manière plus pédagogique, en particulier sur l’arrêté abeilles », détaille la présidente. Elle précise qu’un nouveau point d’étape sera réalisé le 9 février lors d’un bureau départemental de la FDSEA.
Sandrine Roussin tient aussi à remercier les agriculteurs mobilisés. En particulier pour la solidarité qui s’est exprimée durant ces dix jours d’action. « Des liens se sont créés, parfois recréés… Le côté humain a été impressionnant. Nous étions tous là pour la même cause, il y avait une véritable forme d’union. Même nos anciens sont venus prendre le relais quand c’était nécessaire. Sans oublier les nombreux gestes de solidarité d’autres professions ou de simples citoyens », souligne la présidente.