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GRANDES CULTURES

Blé dur : satisfaire les débouchés

Dans un marché abondant et diversifié, le choix variétal en blé dur est orienté par les débouchés. Les propriétés technologiques d’une production de blé sont en effet largement influencées par la variété. Les caractéristiques agronomiques et qualitatives des variétés seront donc prises en compte. 

Blé dur : satisfaire les débouchés
© Archives AD

L’agriculteur, comme l’organisme stockeur, a intérêt à diversifier ses choix variétaux pour limiter les risques d’accidents climatiques, et associer points forts et faiblesses des différentes variétés pour la commercialisation. Type de sol, date prévisionnelle de semis, contraintes de désherbage, tolérance aux accidents récurrents sont autant de facteurs qui doivent rentrer en compte dans le choix de la variété. L’observation des résultats sur plusieurs années, mais aussi sur plusieurs essais, est également essentielle pour un bon choix variétal.

Les valeurs sûres

Anvergur (RAGT 2013) : c’est la référence actuelle dans la plupart des milieux. En 2021, elle se fait battre part Nobilis, Canaillou et RGT Belalur. Elle reste cependant très performante sur l’ensemble des essais. Elle possède une grande souplesse : épi très fertile et PMG moyen mais très élastique. Sa précocité est idéale pour la région. Sa grande fertilité d’épi permet de compenser une implantation médiocre. Elle est à sa place dans tous les milieux à l’exception des milieux très séchants où son PS peut chuter, et des milieux très fertiles où elle craint la verse. Son rendement est meilleur en finition douce qu’en année à finition échaudante ou à maladies de l’épi. À éviter en sol séchant et en situation à maladies de l’épi. Tolérance à la septoriose dans les meilleures et très bonne tolérance à la rouille. Bonne qualité globale sauf PMG et PS moyen. Compte tenu de son rendement, sa teneur en protéines est bonne. Anvergur et RGT Voilur sont les variétés produisant le plus de protéines par hectare.

Casteldoux (Desprez) : jusqu’à 55-60 q/ha, son rendement est du niveau de celui d’Anvergur. Assez précoce, elle construit son rendement avec un épi moins fertile qu’Anvergur mais un grain un peu plus gros. Moins souple en cas d’implantation difficile mais elle finit mieux. En 2021, elle est dans la moyenne en termes de rendement. Sa tolérance aux rouilles est excellente. Très sensible à la septoriose. Sa qualité est bonne avec notamment une assez bonne tolérance à la moucheture qui conforte sa tolérance globale aux maladies de l’épi.

Claudio (Helioseme 2001, Europe) : en potentiel inférieur à 40 q/ha, avec fin de cycle échaudante, elle n’est rejointe que par Santur et RGT Aventadur.
Très précoce, elle n’est freinée que par le froid de l’hiver. En 2021, son rendement a été fortement impacté par le gel tardif de début avril, d’autant plus que la parcelle était en stress hydrique. Haute et sensible à la verse, elle est inadaptée en sol profond.

Miradoux (Desprez 2007) : elle a en moyenne un rendement inférieur de 5 % à celui d’Anvergur. Sa très grande sensibilité aux rouilles peut être très pénalisante. Qualité irréprochable toujours recherchée dans les contrats. Avec un épi fertile et un grain élastique compensant les densités faibles et les départs difficiles, et avec une bonne finition, Miradoux n’est déconseillée que dans les sols séchants à cause de sa tardiveté. Ses limites sont sa grande sensibilité aux rouilles brune et jaune et à Fusarium. Elle supporte assez bien les pluies à l’épiaison.

RGT Voilur (RAGT 2016) : Son élaboration du rendement rappelle celui d’Anvergur avec un épi aussi fertile mais un grain un peu plus petit (-2 g). Son rendement atteint celui d’Anvergur sauf en cas de forte compensation sur une faible densité d’épis probablement limitée par son petit PMG. Elle paraît ainsi moins à l’aise en milieu séchant (2019). Ses tolérances à la rouille brune et à la septoriose sont excellentes, en revanche elle montre depuis plusieurs années une sensibilité à la rouille jaune précoce qui s’est confirmée en 2020 avec de nombreuses parcelles touchées précocement. Bon comportement face aux mosaïques en 2016. RGT Voilur paraît sensible au piétin échaudage et, de manière générale, aux atteintes racinaires. Très courte, elle résiste très bien à la verse. En 2021, c’est encore l’une des variétés les plus performantes. Compte tenu de son rendement, sa teneur en protéines est exceptionnelle. Tolérante à la moucheture.

Santur (RAGT-Italie 2013) : Entre 30 et 50 q/ha, elle produit 2 à 3 q/ha de plus que Claudio et son PS est presque aussi bon. Sa fertilité d’épi la rend beaucoup plus souple que Claudio en cas de mauvaise implantation. Toute aussi précoce que Claudio, elle est exposée aux mêmes risques de gel au printemps et aux mêmes conseils de date de semis : en 2021, son rendement est fortement impacté par le gel du 8 avril.

Toscadou (Desprez) : Au-dessous de 55 q/ha, son rendement est du niveau de celui d’Anvergur.
Son élaboration du rendement rappelle celle de Miradoux avec un peu plus de tout : épis, fertilité, PMG (+ 2 g).
Sa capacité de compensation est inférieure à celle des meilleures comme Anvergur, Nobilis, Voilur. Il faut donc réussir son implantation.
Sa précocité, son PMG et son PS élevé lui permettent de bien finir en sol moyen à séchant où elle remplace bien Atoudur (potentiel 40 à 50 q/ha). Assez sensible à la septoriose.

Variétés intéressantes

Relief (Syngenta 2014) : potentiel de rendement égal à celui d’Anvergur au-dessus de 70 q/ha. Tardive et de finition lente, elle est plus adaptée au sol profond. Elle a montré en 2019, 2020 et 2021, une bonne résilience après la longue sécheresse de sortie d’hiver et a très bien valorisé les pluies d’avril et mai en 2020 comme en 2021. Elle construit son rendement avec un nombre d’épis moyen, très fertiles (plus que Sculptur) et un grain petit (PMG inférieur à Biensur). Bonne tolérance à la mosaïque VSFB (virus des stries en fuseau) mais inférieure à celle de LG Boris. Sensible aux maladies foliaires (septoriose, rouilles). Sa qualité technologique est bonne et sa teneur en protéines est moyenne compte tenu de son rendement. À utiliser pour les situations à risque de fusarioses (précédent maïs, humidité en mai) ou à VSFB et les milieux finissant bien (sol très profond, irrigation).

RGT Aventadur (RAGT – Italie 2018) : elle épie en moyenne 2 à 3 jours avant Claudio ; le risque de gel montaison est donc très élevé. Elle est très courte (comme Sculptur). Elle a fait son rendement avec beaucoup d’épis, peu fertiles et un gros PMG (type Toscadou). Son PS est en revanche moyen (Anvergur + 1 point). En 2021 elle est comme Claudio victime du gel ce qui ne permet pas d’obtenir une autre année de référence en termes de potentiel.

Les variétés récentes

RGT Vanur (RAGT – 2019) : première année de résultats en tant que variété inscrite au catalogue. Elle a démontré une très bonne tolérance à la rouille jaune (parmi les meilleures avec Anvergur et Nobilis). Elle semble être sensible à la rouille brune (essais 2019) mais à confirmer. Bon comportement face à la septoriose (similaire à RGT Voilur). De hauteur intermédiaire, elle semble moins sensible à la verse qu’Anvergur. Elle fait son rendement avec de très gros grains (PMG le plus important de l’ensemble des essais). Son PS semble en revanche moyen (type RGT Voilur). Taux de protéines proche de celui d’Anvergur.
En 2020, elle semblait avoir un bon potentiel à la fois sur des sols peu profonds et profonds. En 2021, les résultats sont plus mitigés : elle a un rendement moyen en dessous de la moyenne des essais.

Platone (SEM Partners, 2017) : elle est observée depuis deux ans dans la région. Elle confirme en 2021 avoir un des PS les plus élevés parmi les variétés présentes dans les essais : seule Claudio la dépasse cette année. Son PMG et son taux de protéines sont plus élevés que la moyenne : 1 % de plus en protéines. Elle a fait un nombre d’épis moyen et elle a une fertilité d’épis plutôt faible en 2021 (dans la moyenne en 2020). Bon comportement vis-à-vis de la rouille jaune en 2020 sur l’essai de Mondragon (type Anvergur). Platone semble être une variété finissant bien et donc tolérant assez bien une sécheresse de fin de cycle. Mais elle est peu souple et rattrape difficilement un mauvais départ (implantation difficile ou sécheresse précoce).
 

Yves Pousset, Arvalis-Institut du végétal

Les nouveautés 

Canaillou (DESPREZ, 2020) : elle fait partie des six nouveautés de l’année. Variété demi-précoce, elle s’est très bien comportée dans l’ensemble des essais, avec un rendement toujours supérieur au rendement moyen de chaque essai. Elle semble s’adapter à tous types de conditions : sol superficiel séchant, sol intermédiaire et profond. Elle fait son rendement grâce à un nombre d’épis élevé, un nombre de grains par épi plutôt moyen mais des gros grains (au-dessus de la moyenne des essais). Sur les parcelles où l’azote a été limitant début montaison, elle a produit moins d’épis, et donc moins de talles. Elle conserve un taux de protéines correct étant donné son rendement.

RGT Belalur (RAGT, 2020) : variété demi-tardive, elle a montré dans les essais un potentiel de rendement toujours plus élevé que la moyenne : c’est la variété qui en moyenne sur l’ensemble des essais à fait le plus gros rendement. Elle construit celui-ci grâce à une très bonne fertilité des épis (la meilleure de toutes les variétés cette année en nombre de grains/épi), qui s’est avérée meilleure que celle d’Anvergur. Elle fait ainsi un nombre d’épis modeste mais ceux-ci sont de grande taille. Les grains ne sont pas particulièrement gros au sein de l’épi. Bien qu’elle semble construire son rendement comme Anvergur, elle s’en sort mieux que cette dernière en 2021, peut être grâce à sa tardiveté qui lui a permis de valoriser au mieux les dernières pluies du mois de mai et de souffrir un peu moins du stress azoté et hydrique qu’on subit certaines plateformes d’essais au mois de mars. Malgré un rendement très élevé, elle réussit à faire un taux de protéines correct : elle se trouve dans la moyenne de la courbe de dilution.

Formidou (DESPREZ, 2020) : variété demi-précoce, Formidou a été en recul au niveau du potentiel de rendement. Elle est dans la moyenne sur des sols profonds, et en dessous de la moyenne sur les sols plus séchants. Elle construit son rendement en faisant un nombre d’épis plutôt faible, un nombre de grains/épi moyen et des grains de taille moyenne. Sa principale qualité repose dans sa capacité à faire de la protéine : elle est légèrement au-dessus de la moyenne du regroupement des essais sur ce critère-là. Variété qui paraît intéressante en système biologique (elle a été testée cette année dans le réseau variétal biologique). Aucune maladie sur les essais pour le confirmer, mais dans le réseau d’inscription, elle a eu un bon comportement maladie.

RGT Soissur (RAGT 2020) : variété demi-tardive, RGT Soissur construit son rendement en faisant beaucoup d’épis mais de petite taille et composés de petits grains. Son point faible semble être sa capacité à faire des protéines : alors que son rendement se trouve dans la moyenne, son ratio rendement-protéines n’est pas bon. Son point fort réside dans sa grande tolérance au froid. C’est une variété qui peut trouver un intérêt dans des secteurs tardifs. RGT Soissur a des défauts qui peuvent être assez contraignants. Elle peut trouver un intérêt ponctuellement dans des secteurs tardifs comme les Alpes où sa tolérance au froid peut être un atout. À vérifier l’année prochaine.

RGT Kapsur (RAGT 2020) : variété demi-précoce, elle a un rendement dans les essais en 2021 en dessous de la moyenne du regroupement des essais. Elle construit son rendement en faisant un nombre d’épis moyen avec un peu plus de grains mais plus petits. Par rapport à son rendement, son taux de protéines est dans la moyenne. Elle apporte un peu de PS. Même si cette année cela n’a pas pu être noté sur les essais (faible pression en maladie), elle aurait une bonne tolérance à la fusariose qu’il faudra valider au cours d’une année à plus forte pression. RGT Kapsur a été plutôt moyenne en termes de rendement dans les essais en 2021. À voir si sa tolérance à la fusariose observée lors de son inscription se confirme, dans ce cas-là elle aurait un intérêt sur des parcelles à risque. 


Yves Pousset, Arvalis-Institut du végétal