Colère agricole : une mobilisation historique
À l’heure où nous bouclons cette édition, la colère des agriculteurs n’est toujours pas retombée et de très nombreux axes routiers sont bloqués. Dans la Drôme, comme ailleurs, la détermination des manifestants est intacte pour obtenir du Gouvernement des réponses aux multiples revendications.

Revenu en berne, manque de reconnaissance, injonctions contradictoires, carcan administratif, empilement de normes, concurrence déloyale… Le malaise des agriculteurs n’a que trop duré, engendrant depuis plus d’une semaine une mobilisation historique. Depuis plus de dix jours, sur les barrages qu’ils ont installés sur de grands axes routiers, les agriculteurs expriment avec force leur ras-le-bol. Un ras le bol devenu colère et même fronde faute d’être entendus en dépit des mobilisations de ces dernières années, la dernière en date étant celle du 21 novembre devant la préfecture de la Drôme et dans quelques enseignes de la grande distribution. Sans oublier les panneaux des communes retournés depuis l’automne pour dire aux élus et à tous les Français : « On marche sur la tête ».
De grands axes bloqués, des GMS visées
« Les gars sont déterminés et prêts à tenir toute une nouvelle semaine s’il le faut », déclarait le 29 janvier Jean-François Giguel, secrétaire général de la FDSEA de la Drôme. © C.L.-AD26
Dans la Drôme, la première opération de blocage a démarré le mardi 23 janvier dès 4 heures du matin. Environ soixante-dix agriculteurs et une trentaine de tracteurs ont bloqué les voies de l’autoroute A7 dans les deux sens, au niveau de la zone Axe 7 à Albon, dans le Nord-Drôme. Le lendemain, à l’appel de la FDSEA et de JA de la Drôme, deux autres points de blocage étaient installés : sur l’A7 à hauteur de Montélimar-Sud et sur la liaison autoroutière entre Valence et Romans (Lacra), laquelle relie les autoroutes A7 et A49. Au fil des jours, un nouveau barrage a été installé sur l’A7, à hauteur de Loriol. La grande distribution a été également visée : à Donzère, un barrage a perturbé le fonctionnement de la base Intermarché ; et à Montélimar, les entrepôts EasyDis-GXO qui desservent les magasins du groupe Casino ont été bloqués. Des opérations toujours en cours au moment où nous bouclons cette édition.
Trois priorités
En Drôme, depuis le 24 janvier, plusieurs centaines d’agriculteurs se succèdent jours et nuits pour tenir les barrages. ©CL-AD26
Les syndicats voulaient frapper fort. Ils ont réussi une mobilisation historique. En Drôme, depuis le 24 janvier, plusieurs centaines d’agriculteurs se succèdent jours et nuits pour tenir les barrages. À l’échelle nationale, ce sont des dizaines de milliers. Objectif : obtenir du Gouvernement des réponses concrètes. Plus de cent revendications sont portées par le réseau FNSEA/JA. Dans les grandes lignes, trois priorités sont défendues : « la dignité des agriculteurs dans l’exercice », « une juste rémunération du travail » et « la nécessité de rétablir des conditions d’exercice du métier acceptables ».
Sur les tracteurs, les pancartes sont explicites : « Nos charges nous tuent » ; « Enfant on rêve, adulte on crève » ; « Notre fin sera votre faim », « France, veux-tu encore de tes paysans » ; « On veut vous nourrir, pas mourir », « N’importons pas la nourriture dont nous ne voulons pas », « Eau secours » ou encore « À 20 ans, faut-il s'installer ? »…
Des réponses insuffisantes
Les manifestants se sont organisés pour tenir les barrages. ©JA26
Les premières réponses apportées par Gabriel Attal le vendredi 26 janvier n’ont en rien calmé la colère, bien au contraire. « Ce qui a été annoncé par le Premier ministre n'est pas satisfaisant, déclarait Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme. Il y a des avancées mais ce n'est pas suffisant. Nous savons que certaines réponses seront longues à obtenir mais sur d'autres, cela peut aller plus vite. Nous continuons la mobilisation », ajoutait-elle en début de semaine. Le 29 janvier, Jean-François Giguel, secrétaire général de la FDSEA de la Drôme, précisait : « Les gars sont déterminés et prêts à tenir toute une nouvelle semaine s'il le faut ».
Partout en France, la colère n’en finit plus de gronder. Depuis lundi, Jeunes Agriculteurs et la FNSEA du Grand bassin parisien ont lancé le « siège » de Paris. En Auvergne-Rhône-Alpes, les syndicats majoritaires ont appelé à bloquer les grands axes autour de Lyon. D’autres grandes villes devaient connaître le même sort cette semaine.
Des soutiens
Sur les barrages drômois, nombre d’élus du département sont venus rencontrer les agriculteurs. Le préfet s’est également déplacé sur les différents points de blocage de Loriol et Bourg-de-Péage (lire ci-contre). Les discussions ont parfois été vives.
Dans cette mobilisation historique, ce qu’il faut aussi noter, ce sont les soutiens apportés aux agriculteurs par des routiers pourtant retardés par les barrages, les dons de nourriture par des boulangers et autres artisans de bouche, les klaxons de sympathie régulièrement entendus…
« L’agriculture française a besoin d’un cap clair et cohérent », disent et redisent les manifestants. Dans son discours de politique générale, le 30 janvier à l'Assemblée nationale, le Premier ministre Gabriel Attal a dit : « Il doit y avoir une exception agricole française ». Il a promis de « débureaucratiser la France » et de « supprimer des normes ». Cela suffira-t-il à sortir de la crise ?
Christophe Ledoux