Dans la Drôme, une frayère de l’aquaponie
La Ferme intégrale ouvre ses portes au public samedi 12 avril pour des visites de 10 h à 17 h sur son site à La-Baume-d’Hostun.
Bien plus développée aux États-Unis qu’en Europe et en France, l’aquaponie, cette méthode de culture de poissons et de plantes au sein d’un même système, fait son trou dans la Drôme. Direction la Baume-d’Hostun, au pied du Vercors, pour découvrir la Ferme intégrale. Installé en 2021, le site expérimente l’aquaponie sur 550 m² de bassins et des serres d’une surface totale de 5000 m². À l’origine de ce projet grande échelle, Gabriel Faysse, Marion Garnier, Lauranne Galliard et Manuel Perez. Ces quatre fondateurs partagent une ambition commune : « La volonté d’agir sur le territoire en proposant des solutions alimentaires locales, de qualité et durables », rapporte Marion Garnier, responsable du pôle de recherches et de développement. En 2025, le site vise la production de 40 tonnes de sandres et de 70 tonnes de légumes.
Du sandre et des légumes à feuilles
L’aventure démarre avec Gabriel Faysse, un professionnel du commerce… spécialisé dans la vente de bâches spécifiques à l’aquaculture. Il découvre l’aquaponie lors de la visite d’une ferme aux États-Unis. De retour en France, le commercial contacte Marion Garnier, rencontrée en licence de biochimie à Lyon, et Lauranne Galliard, une collègue alors cheffe de cultures dans un lycée horticole. En 2019, le trio fait émerger son projet. Habitant la Drôme, Gabriel Faysse a vendu les atouts du département pour y installer l’exploitation. « Un territoire agricole et très diversifié qui se situe près de plusieurs grandes villes (Lyon, Grenoble et Valence) : idéal pour trouver des débouchés ». Les deux premières années, les fondateurs creusent leur concept, lancent des levées de fonds et empruntent (prêts privés et publics). En 2020, Manuel Perez rejoint le groupe avec une casquette de spécialiste en commerce. Avec 765 000 € au démarrage, la start-up construit sa première serre pilote industrielle. Pour mener à bien ses essais de production, l’équipe a investi dans un bassin de 50 m² et dans une serre de 300 m².
La ferme propose aussi la vente de paniers garnis composés de légumes invendus ou de second choix à récupérer du jeudi dès 15 h au vendredi 17 h. Elle est aussi présente sur Too Good to Go, application de vente d’invendus et de lutte contre le gaspillage alimentaire. ©ME-AD26
Après de premiers tests concluants, la Ferme intégrale se lance à nouveau dans une recherche de financements afin d’étendre son site et de tendre vers la rentabilité. En 2023, les serres s’étendent sur 5 000 m² et les bassins de pisciculture sur 550 m². Une extension chiffrée autour de 2,5 millions d’euros. À noter que l’activité se développe à travers deux entités : la start-up de la Ferme intégrale, axée sur la recherche et le développement, et la SCEA Saveurs intégrales, pour la vente des productions. Les fondateurs ont misé sur le sandre car « c’est un poisson d’eaux chaudes (entre 22 et 23 °C) et qui intéresse les restaurateurs pour sa chair ferme et son goût fin. Nous nous démarquons car habituellement, il est élevé dans des étangs, sans affinage et donc avec un goût de vase. L’avantage aussi, c’est que peu d’élevages français l’utilisent », explique Marion Garnier. Le sandre se vend entier, en filets, frais ou fumé grâce à un laboratoire de transformation sur l’exploitation. Concernant l’horticulture, la ferme produit des légumes à feuilles (salades, choux, mesclun…) et des plantes aromatiques. « Les déjections des poissons rejettent de l’azote. C’est idéal pour ce type de production », précise la cofondatrice. Un second laboratoire de transformation permet à la ferme de vendre ses produits en bocaux.
Petit projet devenu grand pionnier
Pour atteindre ses objectifs de production, l’exploitation s’active à trouver des débouchés. Ses plus grands clients, les grossistes, lui donnent du fil à retordre. « Nous avons en face de nous de grosses machines qui exigent d’importants contrôles de qualité et des exigences particulières », reconnaît l’équipe, prête à relever le défi. Les restaurateurs régionaux, les magasins de producteurs (la Ferme du coin, Horizons fermiers, la Musette de Valentine…) et les GMS (Leclerc Saint-Paul et Bourg-lès-Valence, Super U Romans…) contribuent à la réussite de la Ferme intégrale. Ses productions ne peuvent être labellisées bio puisque « nous sommes hors-sol, il n’y a pas de cases pour nous identifier ». Sous serre, les professionnels essaient d’intégrer la lutte biologique en complément des produits de traitements bio des ravageurs. Si la Ferme intégrale voit évoluer ses objectifs de productions, son ambition ne s’arrête pas là. « Nous proposons aux porteurs de projet de les accompagner dans l’implantation de leur ferme en aquaponie dans d’autres régions. Nous avons déjà plusieurs demandes. L’idée serait de dupliquer notre modèle pour en faire profiter d’autres territoires », dévoile l’équipe.
D’où la casquette de Gabriel Faysse, chargé du développement de la Ferme intégrale. Les intéressés pourront bénéficier de formations continues, de contrôles de qualité, de contrats-cadres avec des grossistes… Une volonté de partage pour cette entreprise qui s’est imposée comme une pionnière en France de l’aquaponie à grande échelle. « Nous ne sommes que deux à cette échelle au niveau national », observent les fondateurs. Un modèle innovant mais qui nécessite de se consolider. « C’est un secteur peu développé en France donc nous expérimentons, estime la responsable du pôle de recherches et de développement. Les inconvénients, c’est qu’il faut un investissement de départ important et revoir le système tous les jours pour le perfectionner. Nous pouvons faire partie des agricultures du futur mais nous sommes surtout complémentaires à d’autres modèles agricoles, pour produire des fruits par exemple ou d’autres types de productions. Ce qui est sûr, c’est que cette innovation est une expérience passionnante »
L’aquaponie, késako ?
L’aquaponie est un mélange de deux cultures : l’aquaculture (élevage de poissons) et l’hydroponie (les racines des plantes sont dans l’eau). Les déchets des poissons deviennent des ressources pour les plantes. Ainsi, l’utilisation d’engrais chimiques reste à la marge, en cas de carences. La Ferme intégrale possède un modèle en boucle. Elle consomme 90 % d’eau en moins qu’une pisciculture classique grâce à son « système recirculé ». L’eau reste en mouvement. Un forage au débit lent permet d’injecter de l’eau dans les bassins. Une fois épurée par les plantes, elle repart dans la pisciculture.
Ferme intégrale, 222 Rue des Bleuets, 26730 La Baume-d'Hostun