L’entraide entre exploitants agricoles

Aussi loin qu'on s'en souvienne, aider son voisin a toujours été une tradition dans le monde agricole lors de gros chantiers de récolte (ensilage, moissons, vendanges...) mais également suite à la survenue d'intempéries telles que la neige du 14 novembre dernier. Pourtant la définition juridique de l'entraide agricole ainsi que les règles de responsabilités qui l'entourent sont souvent méconnues par les agriculteurs y ayant recours. La législation du travail se faisant de plus en plus stricte et les contrôles de l'inspection du travail et de la MSA de plus en plus fréquents, il semble important de bien connaître les règles et tolérances en la matière.
Un échange de services entre agriculteurs
Bien que l'entraide soit très répandue, seuls trois articles du code rural y sont consacrés. Il est donc beaucoup question d'interprétation et de tolérance. L'entraide est définie comme un contrat d'échange de service, à titre gratuit, entre agriculteurs. Autrement dit, il s'agit d'une aide spontanée apportée par un agriculteur à un autre agriculteur en dehors de toute contrainte ou rémunération. L'un propose ses services, l'autre les reçoit.
Il n'est pas nécessaire d'établir un contrat écrit. L'entraide n'a pas besoin d'être contractualisée. Un simple accord oral suffit.
Pour la jurisprudence, l'opération d'entraide est constituée dès lors que l'aide apportée par un exploitant correspond à celles que les agriculteurs se rendent habituellement entre eux dans l'intérêt de leur exploitation. Le code rural précise qu'elle peut tout à fait être régulière entre deux agriculteurs.
Il est tout de même vivement conseillé d'établir un écrit pour que les services réciproques soient clairement définis à l'avance et que cet écrit puisse servir de preuve en cas de contrôle de l'inspection du travail ou de la MSA.
Réciproque, gratuite et équivalente
Le code rural distingue deux types de service : le service en travail (participation personnelle de l'agriculteur) et les services en moyens d'exploitation (mise à disposition de matériel). Dans un cas, l'entraide est personnelle ; dans l'autre, elle est matérielle. Dans la plupart des cas, le prestataire fournit à la fois son travail et ses moyens d'exploitation (par exemple : il conduit son propre tracteur pour le compte du bénéficiaire).
Pour répondre aux conditions légales, plusieurs conditions sont à respecter.
- Une aide entre agriculteurs : tout d'abord, ce doit être une aide apportée par un agriculteur à un autre agriculteur. Est considéré comme étant agriculteur, l'exploitant à titre principal ou secondaire, le retraité ayant conservé une parcelle de subsistance ou encore l'exploitant pluriactif.
- Une aide gratuite : le contrat d'entraide est obligatoirement un contrat à titre gratuit. L'exploitant qui apporte son aide ne doit pas être payé pour le travail accompli. Par contre, il est possible de lui rembourser les frais qu'il a lui-même engagé pour pouvoir apporter son aide.
- Une aide réciproque et équivalente : la qualification d'entraide agricole est écartée lorsqu'il y a déséquilibre entre les travaux effectués par chaque agriculteur.
Elle doit bien entendu être effectuée en dehors de toute contrainte. Il doit s'agir d'une aide volontaire et l'agriculteur à qui le service est rendu ne doit en aucun cas exercer un lien de subordination sur l'agriculteur qui rend le service. Il est primordial de respecter ce cadre, faute de quoi l'aide apportée pourrait être qualifiée de travail dissimulé et entraîner un redressement de cotisations, une annulation de mesures d'exonération de cotisations, voire une convocation devant le tribunal correctionnel.
Responsabilité en cas d'accident
L'agriculteur rendant un service dont il attend la réciprocité agit pour son propre compte. S'il est victime d'un accident, il ne pourra en aucun cas engager la responsabilité de l'agriculteur chez qui il était. Le principe est que l'agriculteur apportant l'aide reste responsable des accidents du travail survenus à lui-même ou aux membres de sa famille ou à toute personne considérée légalement comme aide familial. Les conséquences de l'accident seront prises en charge par la caisse d'assurance maladie en tant qu'accident de la vie privée et dans les limites de l'assurance maladie.
En revanche, l'agriculteur venu apporter son aide reste responsable des accidents du travail survenus à ses salariés. Le salarié blessé au cours des travaux d'entraide, qu'il soit le salarié du donneur d'aide ou du bénéficiaire, bénéficie des prestations du régime « accident du travail » de la caisse de mutualité sociale à laquelle il est affilié. Il en est de même pour le bénéficiaire du service. S'il est victime d'un accident du travail du fait du prestataire (ou du matériel prêté), il ne peut se retourner contre lui. Il doit endosser lui-même la responsabilité de l'accident. n
Le service juridique social de la FDSEA 26