« La lutte sanitaire doit être collective »
Lors de son assemblée générale le 2 avril à Charpey, le groupement sanitaire de la Drôme a fait le point sur l’année 2024 et a appelé à « la vigilance pour l’an
Du noir et blanc au passage en couleur, l’histoire du groupement sanitaire de la Drôme (GDS 26) s’étend sur soixante-dix années. Pour marquer le coup, l’équipe a accueilli ses adhérents sur fond d’archives à Charpey, mercredi 2 avril. Un événement sans bougie d’anniversaire pour ne pas ausculter une autre actualité plus préoccupante : le contexte sanitaire. L’année 2024 n’a pas fait de cadeaux au collectif chargé d’accompagner les éleveurs dans la gestion sanitaire des élevages. « Sur une exploitation, le sanitaire doit être synonyme de rigueur. Si nous avons une bonne situation sanitaire, ce n’est pas par hasard mais grâce au travail effectué par nos prédécesseurs. Rappelons-nous tout le chemin parcouru avec l’éradication successive de la brucellose, la tuberculose, la leucose, la rage, la fièvre aphteuse, le varron, la rhinotrachéite infectieuse bovine, et prochainement la diarrhée virale bovine... C’est la résultante de l’action collective, de soutiens financiers et du Département. Sur les cinq dernières années, cela représente plus d’un million d’euros de subventions directes aux éleveurs », a analysé Philippe Crosset-Perrotin, président du GDS 26.
Appel à la vigilance
En guise d’introduction de cette assemblée générale, le président revient sur son intervention du 26 mars 2024. Il avait annoncé l’apparition de la MHE en automne 2023 et de la fièvre catarrhale ovine sérotype huit (FCO-8) dans le Sud-ouest. « Véhiculées par un moucheron, il est fort à parier qu’elles nous toucheront au cours de l’été ou à l’automne 2024 », avait-il prévenu.
« J’ai entendu dire que le GDS n’a pas communiqué. J’ai fait ressortir l’intégralité des communications réalisées et la communication du GDS est incontestable », estime Philippe Crosset-Perrotin. ©ME-AD26
Malgré les messages de prévention, il déplore 15 % de mortalité moyenne dans les élevages en 2024. « Seulement quelques éleveurs ont écouté nos recommandations. Huit avaient vacciné avant la deuxième quinzaine d’août, » rapporte-t-il. J’ai entendu dire que le GDS n’a pas communiqué. J’ai fait ressortir l’intégralité des communications réalisées et la communication du GDS est incontestable ».
Philippe Crosset-Perrotin attire l’attention d’une lettre expédiée le 28 février par Christophe Moulin, président de la fédération nationale des GDS, au sujet de la FCO-1 qui sévit en Espagne. « La tête de notre réseau demande des mesures pour faire en sorte que ce sérotype 1 n’arrive pas en France, un espace où la maladie serait contrôlée pour faire en sorte que des vaccins soient élaborés. Il y a fort à penser que la FCO-1 nous impactera un jour », prévient-il.
Le président du GDS 26 appelle aussi à la vigilance concernant la MHE en citant les cas récents déclarés dans l’Ain. « Ces bovins, en provenance d’une zone régulée, ont été introduits dans des cheptels et certains ont été dépistés positifs une fois arrivés. Chaque éleveur est responsable des conditions d’entrées des animaux qu’il introduit. Ni l’opérateur commercial, responsable de l’arrivée des bovins positifs, ni les éleveurs n’ont suivi la réglementation qui impose que tous les bovins en provenance de la zone régulée puissent en sortir avec une désinsectisation et une PCR négative effectuées au plus tard dans les 14 jours précédant leur arrivée. Soyez vigilants dans l’intérêt de tous », déclare-t-il.
« Le GDS doit rester indépendant »
Lors de son discours, Philippe Crosset-Perrotin s’est penché sur la proposition du sénateur Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire) de fusionner les GDS avec les chambres d’agriculture, pour réaliser « des économies d’échelle ». « Nous sommes au service de tous les éleveurs.
Le GDS doit rester indépendant vis-à-vis des intérêts commerciaux, politiques ou syndicaux. Nos partenariats variés illustrent bien que l’indépendance ne signifie pas l’isolement. Je vois l’opportunité d’élaborer un discours commun, avec tous nos partenaires, pour limiter l’impact économique sur les exploitations et maintenir les cheptels en bonne santé », a-t-il énoncé. Le GDS 26 a de nouveau invité les éleveurs à participer à l’étude épidémiologique sous forme de questionnaire pour connaître les conséquences de la maladie.
Sur la FCO-3, « nous avions la solution, la vaccination. Elle n’a pas été largement mise en œuvre. L’État et les collectivités ont été au chevet des élevages impactés, nous les remercions », a souligné Philippe Crosset-Perrotin qui appelle à la solidarité et au mutualisme. Il prend l’exemple de sa rencontre en décembre dernier avec un éleveur nouvellement installé dans le Vercors. « Il a investi dans un troupeau ovin et la FCO-8 en a décimé une partie. C’était évitable. C’est donc inacceptable. Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à des lendemains d’installation compliqués pour raison de cheptel acquis sans considération sanitaire. Je souhaite que le GDS intervienne dans les parcours d’installation le plus en amont possible pour que les nouvelles générations comprennent l’existence du GDS », avance le représentant.
« L’augmentation de maladies signalées dans divers pays, la fièvre aphteuse, la peste porcine africaine, la peste de petits ruminants, la clavelée, l’influenza aviaire hautement pathogène, nous amène à rester vigilants et à adapter nos mesures préventives. C’est en unissant nos efforts et en intensifiant nos actions collectives que nous pourrons surmonter ces difficultés », a-t-il conclu.
Le point sur la situation sanitaire
Kaltoum Bouali, adjointe au chef de service santé et protection animales à la direction départementale de la protection des populations. ©ME-AD26
Lors de l’assemblée générale du GDS 26, Kaltoum Bouali, adjointe au chef de service santé et protection animales à la direction départementale de la protection des populations, a fait le point sur la situation sanitaire.
« Ce n’est pas parce qu’il y a la FCO, que c’est forcément la FCO »
Pour la FCO, la Drôme est passée en zone endémique et l’État prend en charge les prélèvements et analyses. Sauf si cas exceptionnels, 90 jours doivent s’écouler entre deux suspicions. Pour la MHE, une zone régulée est mise en place dans un rayon de 50 km autour des foyers. Concernant la fièvre aphteuse, sept foyers ont été confirmés en moins de trois mois (Allemagne, Hongrie, Slovaquie). « L’extension de la maladie se confirme. Si les animaux bavent et boitent, contactez un vétérinaire », a précisé Kaltoum Bouali. La peste des petits ruminants donne quant à elle des symptômes similaires à ceux de la FCO et le dernier cas recensé, en Hongrie, est récent. La clavelée et la peste porcine africaine restent des risques puisqu’elles ont été détectées fin 2024 dans des pays européens. L’influenza aviaire a moins touché la France en 2024 mais les autres pays européens n’ont pas été épargnés.
« Ce n’est pas parce qu’il y a la FCO, que c’est forcément la FCO. Nous continuons de prendre en charge les frais de suspicion pour la FCO et la MHE. Si les résultats sont négatifs, nous cherchons autre chose. La vigilance reste de mise », a assuré l’intervenante. « Pour la FCO-8, l’État va-t-il faire quelque chose ? », demande un éleveur. L’occasion de rappeler que « l’État ne gère pas une maladie considérée comme non-exotique ». « Nous avons commandé les vaccins en janvier et nous ne les recevrons que le 10 avril. Comment va-t-on sortir nos bêtes ? », s’interroge un autre adhérent. Philippe Crosset-Perrotin rappelle que « quatre mois de délais sont nécessaires pour fabriquer les vaccins. Nous sommes à flux tendus ».
Une histoire aux 70 chapitres
De 1955 à 1987...
Le GDS 26 a opté pour une rétrospective de ses 70 ans. Si le premier groupement sanitaire remonte à 1951 en Vendée, la fédération nationale naît en 1954. Le groupe de la Drôme se constitue en 1955 avec le Docteur Jaillardon, directeur des services vétérinaires de la Drôme (DSV) et Jean Mallein, vice-président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Les premiers GDS sont affectés aux opérations de prophylaxie de la tuberculose bovine. Arrivent ensuite la vaccination contre la fièvre aphteuse et les opérations autour de la brucellose. Le GDS 26 est présidé par Jean Mallein jusqu’en 1964 puis par Max Brunet dès 1964. Leucose clinique, fièvre aphteuse, varron, rhinotrachéite infectieuse bovine… En 1987, Max Brunet passe le flambeau à Michel Faure.
… À aujourd’hui
À force de lutte sanitaire, la France obtient le statut indemne de tuberculose en 2001 puis de brucellose en 2005. Gisèle Mottin, à qui le GDS 26 a rendu hommage lors de la rétrospective, a pris la présidence de 2003 à 2006 avant de laisser la place à Alain Baudouin. Les premiers foyers de FCO en France apparaissent en 2006 suivis d’importantes campagnes de vaccination. En 2010, dans la Drôme, 75,6 % des animaux sont vaccinés. En 2011, Bernard Mandaroux devient président du GDS 26. Le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental est créé en 2015 pour faire face aux crises sanitaires. Au fil des années, le réseau du GDS se structure. En 2019, Philippe Crosset-Perrotin, devient président et, en 2021, Anne-Marie Fuentes devient directrice administrative et financière.
L’actualité du GDS en bref
Le GDS 26 finit l’année avec un résultat positif de 6 490 €. La caisse « coups durs » section ruminants regroupe 117 564 €. La structure appelle les éleveurs à rejoindre les commissions par espèce. « C’est là que se dessinent les lignes directrices du GDS », assure l’équipe. Pour la section volaille, le caisson d’euthanasie, spécialement conçu pour les petits élevages, devrait bientôt entrer en fonctionnement. La section apicole rapporte que le coût de la destruction de nids de frelons asiatiques avoisine les 80 000 € en 2024 avec 640 nids détruits. La section espère pouvoir compter sur le plan national de lutte contre les frelons asiatiques et le mécénat pour aider à financer les interventions.
