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Main-d'oeuvre

Le compte pénibilité jugé "inapplicable" en l'état

Le compte pénibilité est entré partiellement en application le 1er janvier 2015. Cependant, certaines organisations continuent de de se mobiliser contre ce dispositif jugé trop complexe pour être applicable en l'état. Interview de Claire Merland, présidente de la commission régionale emploi de la FRSEA Rhône-Alpes.
Le compte pénibilité jugé "inapplicable" en l'état

La FNSEA s'est clairement positionnée, dès le début, contre le compte pénibilité. Pour quelles raisons ?
Claire Merland : « La santé des travailleurs agricoles a toujours été une préoccupation majeure de la FNSEA et des employeurs. Chaque année, de nombreuses actions sont consacrées à la prévention de la santé et de la sécurité de nos salariés dans nos entreprises, avec, notamment, le soutien des services prévention des MSA ou de la CPHSCT (Commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) commune Drôme-Ardèche-Loire. À ce titre, les récentes réunions organisées en partenariat avec les MSA ainsi que le lancement de l'outil informatique « systera » d'aide à la rédaction du DUER et des fiches pénibilité en sont la parfaite illustration. Cependant, cela ne nous empêche pas d'être fermement opposés à la mise en place du compte pénibilité, tel qu'il a été initialement conçu par le gouvernement, pour plusieurs raisons : la difficulté d'appréciation de la pénibilité, la définition complexe desdits facteurs de risque et le coût de cette mesure ! »
En quoi l'appréciation de la pénibilité est-elle difficile ?
C. M : « Je vais prendre un exemple. Celui de la température. La loi dit qu'un travail est pénible lorsque le salarié travaille à une température inférieure à 5 °C ou supérieure à 30 °C. Comment dois-je le mesurer concrètement ?
Quel est le bon outil pour mesurer cette température ? Le relevé climatique de la station météorologique la plus proche ? Le relevé de température fait par moi-même ? Et si je prends celui-ci, faut-il que j'acquière un outil permettant de garder une trace des relevés de température (en cas de contestation du salarié) ? Et comment vais-je calculer la durée minimale annuelle d'exposition, quand les salariés vont peut-être travailler à cette température de manière aléatoire et non régulière ? 10 min par jour de travail au-dessus de 30 °C doivent-ils être considérés ou non ? Et ceci n'est qu'un exemple parmi d'autres... Pour chaque critère décrit, les questions sont tout aussi nombreuses et pertinentes pour les employeurs dans l'application pratique de la loi... Forcément, dans un bureau climatisé à Paris, la question ne se pose pas de la même manière. Sans parler du coût de la mesure, qui vient encore renchérir le coût du travail, alors qu'il faudrait faire l'inverse si l'on veut plus d'embauches ... »

Comment vous opposez-vous à cette loi ?
C. M : « Bien avant le vote de la loi, la FNSEA s'est saisie du problème et a travaillé en amont (notamment avec Michel de Virville) pour démontrer l'inapplicabilité des critères reconnus dans des entreprises comme les nôtres. Nous lui avons démontré que ce dispositif était une véritable « usine à gaz », difficilement applicable dans notre secteur d'activité, où les exploitations agricoles sont souvent de petite taille. Nous lui avons fait part de l'inquiétude ressentie par la plupart des exploitants agricoles, qui ont dorénavant peur d'embaucher ! Qui dit texte complexe et difficulté de compréhension et d'application, dit que celui-ci risque d'être mal accepté, mal compris et mal appliqué ! Ce qui irait à l'inverse de l'esprit de la loi, que nous ne contestons pas. »
Pensez-vous avoir été entendue ?
C. M : « Le gouvernement a entendu et nous espérons qu'il a compris une partie de nos arguments. Quelques avancées ont été obtenues. Le compte pénibilité n'est entré en application que le 1er janvier 2015 et pour trois facteurs de pénibilité uniquement : travail répétitif, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes. Les autres facteurs, qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2016, vont donc connaître des aménagements. En effet, le Premier ministre, Manuel Valls, a confié une mission de simplification et de sécurisation du dispositif à un député et un chef d'entreprise, lesquels doivent rendre leur rapport au 30 juin prochain. Les seuils d'exposition sont appréciés annuellement et non plus mensuellement, ce qui est une satisfaction pour les chefs d'entreprise que nous sommes. En effet, il est plus facile de lisser les tâches sur l'année qu'au mois, compte tenu du caractère saisonnier de nos productions. »

Êtes-vous satisfaite de l'évolution du dossier ?
C. M : « Nous sommes satisfaits des propos de François Rebsamen, ministre du Travail, qui a déclaré lors de l'assemblée générale de la Capeb : « Il n'y aura pas de fiche individuelle à remplir pour les petites entreprises à partir du mois de juin. S'il faut supprimer des critères inapplicables, on les supprimera. Il vous faut de la simplicité. » Néanmoins, le gouvernement n'abandonnant pas le compte pénibilité, notre mobilisation continue. »

Quelles sont vos demandes ?
C. M : « Nous travaillons actuellement à une voie alternative plus collective pour permettre que la responsabilité juridique de l'employeur ne puisse pas être engagée et, en même temps, lui faciliter la tâche administrative. Même si le vœu de François Rebsamen nous satisfait, nous attendons avec impatience les conclusions de la mission d'étude à fin juin ! » n

Propos recueillis par Mathieu Desreux

Apprentissage : incitations aux entreprises

Le gouvernement a accordé aux chefs d’entreprise qui souhaitent embaucher des apprentis la prise en charge du salaire des mineurs dans les entreprises de moins de 11 salariés. Quant aux décrets « escabeaux » et « machines dangereuses », ils vont dans le bon sens.
Dès la rentrée prochaine, les entreprises de moins de 11 salariés pourront embaucher gratuitement des apprentis mineurs, leur salaire étant « pris en charge par l’État », a indiqué, le 20 avril, le ministère du Travail, précisant une mesure dévoilée le 19 avril sur Canal + par François Hollande. Dans le cadre du Pacte de responsabilité, le secteur agricole s’est engagé, le 15 avril, à maintenir un niveau de 41 300 contrats d’apprentissage conclus par an sur 2015-2017. Cette mesure « va permettre de développer l’apprentissage dans les entreprises agricoles », s’est félicitée la FNSEA, le 22 avril. Les employeurs d’apprentis sont déjà exonérés de cotisations, à l’exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Par ailleurs, deux décrets concernant l’apprentissage sont parus, le 19 avril au Journal officiel. Le premier, surnommé « décret escabeaux », va permettre aux apprentis de réaliser des travaux en hauteur (échelles, escabeaux, marchepieds...).
Le second, surnommé « machines dangereuses », simplifie la procédure de dérogation pour permettre à des apprentis mineurs des travaux dangereux. « Ces nouveaux textes sont un signal important pour de nombreux secteurs d’activité qui avaient renoncé à accueillir des jeunes apprentis mineurs en formation au regard des contraintes fortes qui leur étaient imposées depuis 2013 », a commenté le Medef dans un communiqué, le 20 avril. « Il était temps », a réagi la FNSEA.