Le niveau de vie médian des ménages agricoles régionaux est le plus faible de France
L‘Insee Auvergne-Rhône-Alpes vient de livrer une étude dans laquelle il analyse la situation financière des ménages agricoles de la région, mettant en évidence leur faible niveau de vie par rapport à la moyenne nationale. Un constat lié à une proportion plus élevée d’exploitations de petite taille économique, ainsi qu’à la prédominance de l’élevage d’herbivores.

En 2020, l’Insee recense 49 300 ménages à la tête d’une exploitation agricole située en Auvergne-Rhône-Alpes, soit 12 % des ménages agricoles de France métropolitaine. Ces ménages représentent 1,4 % des foyers fiscaux de la région et leur activité agricole occupe près de 2,9 millions d’hectares, soit 40 % de la superficie régionale.
L’activité agricole minoritaire dans le revenu disponible
En 2020, le revenu disponible annuel moyen de ces ménages agricoles régionaux s’élève à 42 600 euros (moyenne nationale à 49 600 euros). Les bénéfices agricoles, en moyenne de 12 500 euros, ne constituent que 29 % de ce revenu. Ils sont complétés par des revenus tirés d’activités non agricoles (47 %), à hauteur de 20 100 euros. « Ces derniers sont principalement constitués de salaires perçus par les conjoints ou par les agriculteurs eux-mêmes, lorsque ces derniers exercent une activité salariée en dehors de l’exploitation. Ils comprennent aussi les revenus issus d’activités de diversification (tourisme à la ferme, location de gîtes, etc.) non comptabilisés dans les revenus agricoles. Les revenus du patrimoine constituent une autre composante du revenu disponible. Il s’agit en général de revenus fonciers correspondant à des fermages, souvent issus de terres possédées par l’agriculteur », détaille Ivan Debouzy et Séverine
Mugnier, les co-auteurs de l’étude. Les revenus du patrimoine représentent 19 % du revenu disponible, avec un montant moyen de 7 900 euros, contre 10 800 euros au niveau national. Enfin, les pensions, retraites, rentes et prestations sociales complètent les ressources des ménages agricoles à hauteur de 20 % du revenu disponible, légèrement au-dessus de la moyenne métropolitaine (19 %). Quel que soit le niveau de revenu des ménages agricoles de la région, la part des bénéfices agricoles ne dépasse jamais 33 % alors qu’elle atteint 41 % en France métropolitaine.
Le plus faible niveau de vie médian de France
En Auvergne-Rhône-Alpes, les personnes appartenant à un ménage agricole ont un niveau de vie médian de 20 500 euros par an (22 800 euros au niveau national). Ce niveau est le plus bas de toutes les régions françaises (hors Corse). Il va de 20 700 euros en Occitanie jusqu’à 32 600 euros en Île-de-France. En Auvergne-Rhône-Alpes, parmi les ménages agricoles exploitants, les 10 % des personnes les plus aisées ont un niveau de vie supérieur à 37 400 euros tandis que les 10 % des personnes les plus modestes vivent avec moins de 10 100 euros. Par ailleurs, 20,1 % des membres des ménages agricoles vivent en situation de pauvreté monétaire, contre 16,2 % au niveau national, plaçant Auvergne-Rhône-Alpes parmi les trois régions les plus touchées.Comme à l’échelle nationale, le niveau de vie augmente et le taux de pauvreté monétaire diminue lorsque la taille économique des exploitations grandit, les ménages des micro-exploitations faisant exception. « Les écarts de niveaux de vie avec la France métropolitaine peuvent s’expliquer par des exploitations de tailles économiques différentes », indique l’Insee. En Auvergne-Rhône-Alpes, pour 30 % des ménages agricoles, l’agriculteur dirige une petite exploitation, contre 24 % au niveau national. Leur niveau de vie médian est de 18 300 euros et le taux de pauvreté de 27,2 %, des résultats plus défavorables qu’au plan national (respectivement 20 300 euros et 22,8 %). En revanche, les grandes exploitations concernent seulement 13 % des ménages agricoles de la région, contre 25 % en France métropolitaine. Les membres de ces ménages ont le niveau de vie médian le plus élevé (24 500 euros, contre 26 900 euros en France métropolitaine) et sont les moins exposés à la pauvreté monétaire. La part des personnes considérées comme pauvres y est presque deux fois plus faible que dans l’ensemble des ménages agricoles de la région (11,6 % contre 20,1 %). Les ménages des micro-exploitations, également plus nombreux qu’en France métropolitaine (29 % contre 24 %), ont un niveau de vie médian de 21 500 euros, supérieur à celui des petites exploitations. Certains de ces agriculteurs peuvent exercer leur activité agricole à temps partiel et avoir, tout comme leur conjoint, une autre activité professionnelle. De plus, leur âge moyen est de 56 ans, contre 48 ans pour les autres tailles économiques. Certains sont en effet retraités mais ont conservé des terres qu’ils continuent d’exploiter pour compléter leurs ressources, dans le cadre d’une poursuite d’activité agricole à un niveau très réduit.
© Insee Aura
Des orientations de production moins rémunératrices en Aura
Les activités agricoles les moins lucratives sont particulièrement présentes en Auvergne-Rhône-Alpes, à l’image de l’élevage d’herbivores qui concerne 52 % des ménages agricoles contre 37 % au niveau national. Les ménages d’éleveurs de bovins pour la viande (20 % dans la région contre 13 % en France métropolitaine) ont un niveau de vie médian de 19 000 euros, proche du résultat national. Ils sont cependant davantage en situation de pauvreté monétaire (22,9 % contre 21,5 % au national). Les membres des ménages comportant au moins un éleveur d’ovins, caprins et autres herbivores sont encore plus exposés à la pauvreté (26 %) et ont le niveau de vie médian le plus faible. Pour les ménages de producteurs laitiers, le niveau de vie médian est inférieur au niveau métropolitain (20 400 euros contre 22 000 euros) et le taux de pauvreté monétaire dépasse largement le taux national (19,0 % contre 15,1 %). « Dans cette catégorie de ménages, la traite engendre des astreintes quotidiennes importantes, laissant souvent peu de temps pour l’exercice d’autres activités. De plus, le conjoint participe davantage aux travaux sur l’exploitation », justifient les co-auteurs de l’étude. Comme l’activité viticole figure parmi les activités agricoles les plus rémunératrices, les personnes vivant dans ce type de ménage ont le plus faible taux de pauvreté et le niveau de vie le plus élevé. Dans la région, la part des viticulteurs est moins importante qu’en France métropolitaine (8 % contre 13 %) et, comme la taille des exploitations y est plus réduite, leur niveau de vie médian est inférieur (23 900 euros contre 27 100 euros). Les agriculteurs et leur famille, spécialisés en grandes cultures, représentent 17 % des ménages agricoles de la région contre 27 % en France métropolitaine. Leur niveau de vie est parmi les plus hauts (23 300 euros) et leur taux de pauvreté monétaire est relativement faible (14,5 %). Toutefois, ils perçoivent des revenus agricoles moins élevés qu’en France métropolitaine, leurs exploitations étant de plus petite taille économique. Le niveau de vie des ménages comprenant un maraîcher ou un horticulteur est le plus inégalitaire de la région. Les 10 % de personnes les plus aisées ont un niveau de vie 5,4 fois plus élevé que les 10 % les plus modestes (46 300 euros contre 8 600 euros). Un quart des personnes des ménages de cette spécialisation agricole vit sous le seuil de pauvreté.
D’après Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 192
Les résultats présentés s’appuient sur les données 2020 du recensement agricole enrichies avec les données fiscales de la DGFiP et le Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) de l’Insee.
Une forte variabilité territoriale
Le Puy-de-Dôme accueille la plus grande part (12 %) des ménages dont au moins un des membres est exploitant agricole dans la région. Viennent ensuite le Cantal, la Drôme et l’Isère (10 %). À l’inverse, la Savoie et la Haute-Savoie n’en accueillent respectivement que 4 % et 5 %. Dans le Cantal, la proportion de ménages agricoles parmi l’ensemble des ménages du département est la plus importante (7,5 %), loin devant la Haute-Loire (4,2 %) et l’Allier (2,7 %). Les trois quarts des ménages agricoles vivent dans un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de type rural (80 % en France métropolitaine), 22 % de type dense intermédiaire et 3 % de type dense. Dans ces derniers EPCI, les ménages agricoles gèrent des exploitations principalement orientées vers les grandes cultures, le maraîchage ou l’élevage de bovins pour la production de lait. Les EPCI où les ménages agricoles ont les niveaux de vie médians les plus faibles se situent en particulier dans la partie méridionale de la région, excepté la vallée du Rhône. Ceux aux niveaux de vie les plus élevés sont localisés dans le quart nord-est, la vallée du Rhône et autour de Clermont-Ferrand. Ces inégalités résultent de la spécialisation, la taille économique des exploitations et de la proximité des zones urbaines et des bassins d’emploi plus souvent pourvoyeurs d’activités complémentaires qui génèrent des ressources pour les membres du ménage. Dans les 20 % d’EPCI aux niveaux de vie médians les plus faibles (inférieurs à 18 900 euros), situés essentiellement en Ardèche, dans le Cantal, en Haute-Loire, dans la Loire, la Drôme et le Puy-de-Dôme, résident plus souvent des ménages constitués d’un exploitant agricole seul (22 % contre 20 % dans la région). Enfin, plus de la moitié de ces exploitations est orientée vers l’élevage d’herbivores, spécialisation peu rémunératrice, dont 30 % pour la production de viande bovine, 14 % pour l’élevage d’ovins, de caprins et d’autres herbivores et 13 % pour l’élevage de bovins pour la production de lait. Les 20 % d’EPCI où les ménages agricoles ont les niveaux de vie médians les plus élevés (supérieurs à 24 500 euros) se concentrent en Haute-Savoie (28 %) et dans l’Ain (24 %). Ces intercommunalités sont majoritairement urbaines (54 %), offrant plus de possibilités d’exercer une activité non agricole. La part des ménages avec au moins un non-exploitant y est plus importante, comme dans la communauté de communes du Genevois (80 %). Les exploitations orientées vers les grandes cultures, plus rémunératrices, sont également plus nombreuses. Enfin, certaines activités sont à forte valeur ajoutée, comme les fromages sous appellation (reblochon, beaufort, etc.). Si les petites structures restent prépondérantes (29 %), la part des grandes exploitations y est supérieure à la moyenne régionale (12 % contre 9 %).
Avoir une personne non exploitante dans le ménage agricole
En Auvergne-Rhône-Alpes, sept ménages agricoles sur dix comportent au moins une personne non exploitante.
Ces ménages ont les niveaux de vie annuels médians les plus élevés (21 300 euros) et le taux de pauvreté monétaire le plus faible (16,2 %).
Les ménages dont les ressources proviennent d’un exploitant agricole seul représentent 20 % des ménages agricoles de la région. Leur niveau de vie médian est faible (15 300 euros). La pauvreté monétaire est beaucoup plus fréquente, elle concerne plus de deux personnes sur cinq.
Dans les ménages dont les ressources proviennent d’au moins deux personnes, toutes exploitantes agricoles (8 % des ménages agricoles), le taux de pauvreté monétaire est élevé (33 %) et le niveau de vie médian (17 000 euros) inférieur à celui de l’ensemble des ménages agricoles de la région.