Le semencier Camille Perriol s’apprête à passer la main

Les entreprises aiment souvent installer des enseignes ou des drapeaux afin d'assurer leur promotion. Mais aux établissements Perriol, à Albon, il n'en est rien. Seule la boîte aux lettres ou encore le va-et-vient des camions laissent supposer la présence de la société. Celle-ci produit et commercialise des semences de pommes de terre, ainsi que des bulbes potagers. « C'est une volonté de pas communiquer sur notre présence ici. Il n'y a pas de magasin, pas de vente directe. On ne veut pas faire de la concurrence à nos clients », sourit Camille Perriol, son PDG.
De la consommation aux semences
Créée dans les 1 940 à Préaux (07), la maison Perriol collectait alors des pommes de terre de consommation produites en Nord-Ardèche. « L'entreprise a été créée par mon grand-père, baptisé lui-aussi Camille Perriol. Nous étions après-guerre ; beaucoup d'agriculteurs produisaient des pommes de terre », commente l'actuel dirigeant. L'activité sera reprise en 1947 par son père, Xavier Perriol, qui développera pour sa part la distribution semence. « Je pense que le marché local de la pomme de terre s'est rapidement effondré, les régions historiques de production s'étant reclassées », poursuit-il. Le commerce des semences de pommes de terre auprès des distributeurs et du négoce (marchés amateur et professionnel) deviendra dans les années 1960 un véritable axe de développement.
Au fil du temps, la société s'est ainsi positionnée comme un acteur incontournable auprès des coopératives régionales. Dans les années 1980, le volume commercialisé dépasse les 4 000 tonnes. Camille Perriol prendra la direction de la société en 1981. C'est sous son ère que l'entreprise s'établira définitivement à Albon, après avoir été basée à Sarras puis à Anneyron. Le dirigeant participera également dans les années 1990, avec trois autres conditionneurs de plants, à la création du groupe « France-Plants ». « L'idée était de proposer aux distributeurs nationaux un même emballage, un même référencement et un prix unique », explique-t-il. Un groupement qui disparaîtra en raison de divergences. Mais soucieux de poursuivre le travail engagé, les Ets Perriol, Jeudy et Leteuil crééront par la suite la marque « Carré de jardin ».
Une acquisition en 2017
Le petit-fils du fondateur entamera également peu à peu un rapprochement avec les Ets Jeudy, dont le siège est implanté dans l'Allier. Lors de l'été 2017, les Ets Perriol racheteront d'ailleurs leur activité semences de pommes de terre et bulbes potagers. L'entreprise drômoise pourra ainsi compter sur une nouvelle plateforme logistique basée à Escurolles (03). Les Ets Jeudy sont désormais, quant à eux, présents au capital des Ets Perriol à hauteur de 23 %.
Pour Camille Perriol, il s'agissait là de péréniser les emplois. Car le dirigeant souhaite aujourd'hui profiter de la retraite. Àgé de 66 ans, il quittera ses fonctions le 30 juin. Bruno Piquandet, directeur commercial des Ets Jeudy, lui succédera. Camille Perriol restera toutefois le premier actionnaire de l'entreprise.
Alors quel devenir pour l'entreprise ? La dénomation de l'entreprise a d'ores et déjà évolué. On parle désormais de la SAS Perriol-Jeudy. Pour Camille Perriol, le nouveau dirigeant devra à court terme consolider l'activité, fidéliser les clients, réorganiser les sites - le siège social restera dans la Drôme -, et investir dans l'Allier, afin de renouveler le matériel. « Chez nous, le marché des professionnels est estimé à 75 %, contre 2 5 % chez les jardiniers amateurs. Chez Jeudy, c'est l'inverse. Les volumes concernant le marché du jardin baissent chaque année et la concurrence est féroce. Nous sommes toujours aussi nombreux, il est nécessaire que les fournisseurs se regroupent », commente Camille Perriol.
Le développement des semences bio
Mais les perspectives restent toutefois intéressantes. Pas du point de vue des bulbes potagers en tout cas. « C'est une activité plutôt anecdotique. On livre des bulbes en même temps que nos plants, nous n'intervenons même pas sur le conditionnement », précise Camille Perriol. Toutefois, il faut dire que les Ets Perriol œuvrent depuis plusieurs années pour la création variétale ; l'entreprise est d'ailleurs actionnaire (à 27 %) de la SARL Sementis, située dans la Creuse. « Produire des plants issus de nos régions est une stratégie. Les variétés doivent aujourd'hui avoir de grosses résistances contre le mildiou ainsi qu'une tolérance contre le stress hydrique. C'est dans l'air du temps », note-t-il encore. Le dirigeant mise aussi sur le développement des semences de pommes de terre bio. Environ 400 tonnes de semences bio ont été vendues l'an dernier.
L'entreprise restera également présente sur des marchés de niche, bien qu'elle propose aujourd'hui près de 125 variétés. « Aujourd'hui, les plants proviennent du nord de la France (30 %), de Bretagne (30 %) ou encore de Hollande (10 %). J'ai également 125 hectares en collecte, avec des bassins de production allant de la Haute-Loire jusqu'à Orléans. Parmi les surfaces, j'ai 10 hectares de ratte », commente-t-il. D'autres variétés restent toutefois incontournables, comme la Monalisa ou encore la Linzer delikatess.
Aurélien Tournier
REPÈRES / Les Ets Perriol : chiffres clé
Nombre de salariés : 17 (40 ETP sur l'année avec les saisonniers).Chiffre d'affaires prévisionnel (2017-2018) : 9 millions d'euros (dont 5 pour les Ets Perriol).
Près de 125 variétés de semences de pommes de terre.
4 500 tonnes de semences passent aujourd'hui par le site drômois d'Albon.