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Filière tabacole en Drôme

Les producteurs de tabac y croient encore

Le tabac fut une culture fort répandue dans le Nord-Drôme. Mais au fil des années, les surfaces de production ont décliné. Malgré la conjoncture actuelle, les professionnels veulent rester confiants. De nouveaux débouchés sont identifiés.
Les producteurs de tabac y croient encore

A Châteauneuf-de-Galaure, Denis Rebatet semble serein. Sa fille lui succédera dans quelques années à la tête de l'exploitation. Et le tabac, l'une des productions phares de l'exploitation - aux côtés des céréales et des asperges - reprend du poil de la bête. L'agriculteur veut en tout cas y croire : malgré la conjoncture, l'optimisme reste en effet de mise. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une poignée à perpétuer cette culture ainsi que le savoir-faire qui y est associé. « Il y a quelques producteurs dans la vallée de la Galaure, en Valloire ou encore sur la commune d'Eymeux. Les surfaces varient de 1 à 5 hectares par producteur. Il n'y a en revanche plus personne dans la vallée de l'Herbasse, alors qu'il y eut par le passé une Cuma pour le séchage à Saint-Donat », constate Denis Rebatet.

Le découplage d'une partie des aides Pac, en 2006 et 2010, marquera le véritable coup d'arrêt de la culture de tabac.

Une filière en essor après guerre

Pourtant, selon lui, la seule commune castelneuvoise a pu compter jusqu'à une cinquantaine de producteurs de tabac dans les années 1970. « Après la seconde guerre mondiale, le tabac brun s'est vraiment développé dans notre région. Il y avait des producteurs dans chaque commune aux alentours. Historiquement, c'étaient des petites structures avec un peu d'élevage. À la fin des années 1970, les goûts ont commencé à changer. Les cigarettes étaient élaborées à par­tir de tabacs blonds de Virginie et de burley. Les exploitations se sont alors spécialisées. Il y avait moins d'exploitants mais les surfaces restaient encore identiques », raconte Denis Rebatet.

Des freins à l'installation

Une situation qui n'allait cependant pas durer. Plusieurs étapes ont abouti an déclin progressif des surfaces de production. En 1970, la Seita - Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes - perdait son monopole d'État. Sur le territoire, elle est toutefois restée comme le seul acheteur. « On ajustait les quotas selon les besoins, c'était contractualisé d'une année sur l'autre », souligne encore l'agriculteur. L'organisation arrêtera la production en 1988. La profession s'organisera alors en région mais aussi au niveau national avec le rachat de l'usine de Sarlat (Dordogne). C'est aussi à cette époque que la coopérative Agri-Tabac voit le jour. Son siège est alors implanté à La Tour-du-Pin (38).
Dans les années 1980 et 1990, la superficie baisse, certains producteurs se tournant vers d'autres cultures. Une aide européenne dite « aide au premier transformateur » était pourtant allouée afin d'accompagner les producteurs. Le découplage d'une partie des aides Pac, en 2006 et 2010, marquera le véritable coup d'arrêt de cette culture. Et dans pareil contexte, difficile d'installer également des jeunes. « Entre 2006 et 2010, le prix du tabac n'a pas trop baissé (40 % d'aides) et les multinationales étaient habituées à nous acheter du tabac. On sentait qu'on avait besoin de nous. Mais en 2011, il a manqué un peu d'argent dans les exploitations et cela a mis le doute dans les campagnes. Certains ont alors préféré se reconvertir avant qu'il ne soit trop tard. Chez Agri-Tabac, on comptait encore 100 ha en 2011, contre 400 en 2009 », raconte encore Denis Rebatet. Face à la baisse d'activité, la coopérative iséroise a effectué au fil des années un rapprochement avec La Dauphinoise ; elle en est aujourd'hui une section. Un partenariat qui a payé car les surfaces se sont maintenues.

Produit haut de gamme

En 2014, les indicateurs semblaient (enfin) être au vert. C'était sans compter la mise en place du paquet neutre. Le principal partenaire commercial est alors quelque peu échaudé et se désengage progressivement. « On s'est beaucoup inquiété alors. La France produit un tabac parmi les plus chers du monde, ce qui nous oblige à nous inscrire dans une filière de qualité et à être en capacité de s'adapter aux évolutions du marché. Pour autant, le tabac origine France est reconnu pour sa qualité et intéresse les grands manufacturiers pour leur production européenne », précise encore Denis Rebatet.
Et si le phénomène du « consommer local » profitait lui aussi aux derniers producteurs de tabac ? L'agriculteur drômois veut en tout cas y croire, pariant d'ailleurs sur l'expérience menée depuis plusieurs années par la société Traditab. Celle-ci, créée par des professionnels locaux et implantée dans le Lot-et-Garonne, a lancé en 2008 la marque de tabac à rouler « 1637 ». Le succès est tel que la production du Sud-Ouest ne suffit plus. Traditab, en quête de nouveaux volumes, a donc contractualisé avec les producteurs du Sud-Est. C'est d'ailleurs dans ce contexte que près de 120 buralistes, originaires de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes, se sont rendus le 17 septembre dernier sur l'exploitation de Stéphane Nivon, à Lapeyrouse-Mornay. Objectif affiché : leur faire découvrir la culture du tabac, toujours présente sur le territoire. Avec des professionnels qui veulent y croire. 

Traditab a dernièrement invité les buralistes à découvrir l'exploitation de Stéphane Nivon.

Aurélien Tournier

 

HISTOIRE / La betterave sucrière fut aussi cultivée en Nord-Drôme.

La betterave sucrière, elle avait du jus

Le 1er mars dernier, le label Biopartenaire proposait à Alixan une journée professionnelle autour des filières d'approvisionnement de sucre bio. En préambule, les organisateurs ont ainsi dressé un panorama complet de la filière. Oui, la France produit du sucre. La betterave en est d'ailleurs la source principale. Cette dernière est aussi l'une des origines du bioéthanol. Bref, jusque là, rien d'exceptionnel. Mais lorsque l'on se penche sur les principales régions de production, force est de constater l'importance du nord de la France. L'Alsace ainsi que l'Auvergne sont également concernées.
Sucrerie à Orange, distillerie à Romans
Pourtant, d'autres départements ont aussi par le passé produit de la betterave sucrière. Et c'était le cas dans la Drôme. Les anciens s'en rappellent volontiers et n'hésitent d'ailleurs pas à distiller quelques anecdotes. On en cultivait par exemple à Charrière, un quartier de Châteauneuf-de-Galaure. La production était transportée par la suite vers la sucrerie d'Orange. « J'ai toujours vu la production de betteraves à sucre chez moi. Pendant la seconde guerre mondiale, nous avions d'ailleurs du sucre cristallisé supplémentaire et on faisait de la confiture avec. La sucrerie nous renvoyait aussi la pulpe, les vaches laitières en raffolaient », indique une ancienne habitante - partie dans les années 1950, aujourd'hui nonagénaire. La pulpe, sous-produit de l'industrie sucrière, apporte de l'énergie, de la cellulose et du sucre, précise-t-on d'ailleurs à la société Margaron, basée à Roybon (Isère). « Cela sécurise la ration », souligne-t-on aussi.
Même écho à Vaunaveys-la-Rochette, avec Michel Breynat. Toutefois, la production de sa famille partait à la distillerie d'alcool à betteraves, située à Romans-sur-Isère, près du barrage de Pizançon. « On livrait les betteraves à la gare de Crest et les wagons les emmenaient. Nous avons arrêté cette production dans les années 1950 », raconte-t-il. Plusieurs agriculteurs de Châtillon-Saint-Jean en livraient également. Cette distillerie coopérative avait vu le jour lors des premiers mois de l'année 1934, grâce à Joseph Pouzin. Lequel avait aussi créé la cave coopérative de Saint-Paul-lès-Romans et les silos à grains. La dernière campagne s'acheva en 1979 et les bâtiments furent par la suite rasés. La cheminée resta cependant longtemps le témoin de ce patrimoine industriel. 
A. T.