Raisonner ses apports d’azote sur blé
Les conditions de levée et de croissance des blés ont été bonnes durant l’automne. Les céréales sont actuellement en plein tallage et le stade épi 1 cm devrait intervenir début mars pour les situations les plus précoces ou vers la mi-mars pour la majorité des parcelles.

Dans les conditions de cette année, un surplus de fourniture minérale par un apport d’engrais dès le début février a favorisé la mise ne place de talles secondaires, non productives. Ces excès de croissance peuvent avoir eu pour conséquence : de réduire fortement l’efficience des engrais apportés au tallage en favorisant l’absorption d’azote par des organes non productifs (talles secondaires ou tertiaires) ; d’augmenter très fortement les risques de verse en augmentant inutilement le nombre de tiges et en favorisant l’allongement des entre-nœuds ; de favoriser les maladies aussi bien foliaires (rouilles, oïdium) que du pied (piétin échaudage, piétin verse) ; et de sensibiliser les cultures aux accidents climatiques : sécheresse en augmentant la consommation en eau de la culture, ou froid (comme en 2012). Nous ne connaissons pas aujourd’hui la météo de la fin de l’hiver. Un épisode de gel marqué est tout à fait envisageable. Des doses trop importantes ont pu favoriser une reprise précoce et amplifier la sensibilité au gel début mars. La part d’azote apportée au tallage est celle qui contribuera le moins à la teneur en protéines finale. À dose équivalente, mieux vaut garder de quoi renforcer les apports suivants en particulier l’apport de la fin de la montaison. À l’inverse, une carence azotée survenant durant la fin du tallage sur des cultures très développées (3-4 tiges bien développées/plante) aura pour effet de ralentir l’émission de talles secondaires et tertiaires et, si elle se prolonge, de provoquer la disparition des talles les plus faibles. Les talles bien développées ne seront éliminées que si la carence est très sévère et se prolonge. On aura donc le temps de réagir avant une telle situation. Compte tenu de ces éléments, un jaunissement dû à un défaut d’alimentation azotée survenant sur des parcelles bien développées n’aura aucune conséquence sur le rendement. Par ailleurs, avec les températures douces annoncées dans les prochains jours la minéralisation risque d’être suffisante pour assurer l’alimentation des cultures.
Le contexte de l’année
Le niveau du reliquat azoté en sortie d’hiver dépend de différents paramètres : du type de sol, plus ou moins filtrant ; du reliquat post-récolte du précédent ; de la minéralisation hivernale ; et de la pluviométrie hivernale. L’hiver 2020 a été pluvieux. Les cumuls d’eau entre le 30 octobre dernier et le 30 janvier sont légèrement plus élevés que la moyenne, de l’ordre de 0 mm pour la Loire ou le Sud de la Drôme, à un excédent de plus de 100 mm d’eau pour l’Ain et l’Isère (cf. carte ci-dessous).
Selon la directive nitrate régionale en vigueur, pour l’analyse des reliquats les sols sont classifiés selon leur capacité à retenir l’eau (sols peu filtrant : non caillouteux, profonds, toutes textures, ou sols filtrants (caillouteux, le plus souvent sableux à profondeur variable).
Il en est de même pour les types de précédents que l’on peut regrouper selon trois catégories : pauvres (tournesol - sorgho – jachère – tabac blond), moyen (céréales à paille - maïs grain – colza, autres cultures), riche (maïs fourrage - pois - luzerne - soja - prairies - légumes - betteraves - pomme de terre). L’analyse des reliquats réalisés sur les sites d’expérimentation Arvalis et sur la station expérimentale « St Ex Innov » sont présentés ci-dessous, selon cette classification. Ils montrent que malgré l’hiver pluvieux, les reliquats sorties hiver sont globalement dans la tendance pluriannuelle. Toutefois, certaines parcelles présentent des niveaux plus élevés que la normale. Pour celles-ci, il sera intéressant de réduire voire de décaler le premier apport.
Quel apport réaliser ?
En cas reliquat sortie hiver élevé (> 70 unités d’azote), le décalage d’un apport de 40 u/ha maximum peut être réalisé sans risque jusqu’à une dizaine de jours avant le stade épi 1 cm. Les situations concernées sont les suivantes : précédant riche en azote ou fertilisation importante du précédant ; apport de matière organique ; sols profonds à bonne minéralisation ; date de semis précoces avec très bon tallage. Dans les autres cas - sols très superficiels ; précédents peu riches en azote (tournesol, maïs à bons rendements) ; semis tardifs -, un apport peut se justifier mais devra être limité à 40 u/ha, il sera largement suffisant.
Ce type de situation peut être détecté par un jaunissement des vieilles feuilles, jaunissement à ne pas confondre avec d’autres causes : virus, tassement ou maladie (oïdium, piétin échaudage…). La forme d’engrais (ammonitrate, urée, solution) n’entraîne pas de retard dans la valorisation de l’engrais et ne nécessite pas d’anticipation de la date d’apport.
Ne pas confondre redressement et épi 1 cm
Le fort développement des cultures provoque un redressement des tiges qui vont « chercher la lumière ».
Elles resteront longtemps à ce stade-là avant que l’épi ne se différencie. Seule l’observation attentive des tiges en les coupant permet d’être sûr du stade.
Thibaut Ray, Aravlis-Institut du végétal Rhône-Alpes