Accès au contenu
Aléa climatique

­­Se protéger contre la grêle, une préoccupation majeure

Face aux dégâts importants que peut provoquer la grêle sur les cultures, les agriculteurs cherchent depuis longtemps à se protéger contre ce fléau. Plusieurs
solutions existent, souvent collectives, pour limiter l’impact des chutes de grêlons. Tour d’horizon.
­­Se protéger contre la grêle,  une préoccupation majeure

Comme certains autres phénomènes météorologiques extrêmes, la grêle a la capacité d'anéantir une récolte en quelques minutes. Cette épée de Damoclès est difficile à vivre pour les agriculteurs, notamment en viticulture, arboriculture et maraîchage, où la valeur de la récolte est concentrée sur de petites surfaces entraînant de lourds dégâts quand elles sont touchées. Certaines zones sont particulièrement concernées et concentrent les chutes de grêle, liées à des conditions géographiques et météorologiques. En 2016, plusieurs vignobles français ont été fortement impactés par la grêle, comme le Beaujolais où 10 à 15 % des surfaces de l'appellation chiroubles ont été endommagées. Les zones morgon et fleurie ayant aussi été touchées. La France l'est régulièrement principalement l'été, mais environ un tiers des chutes de grêle ont lieu en hiver ou au printemps. Pour les météorologues, prévoir les chutes de grêle est une chose, indiquer à l'avance où celles-ci vont tomber est très difficile. La grêle se forme en effet dans des nuages particuliers de plusieurs kilomètres de haut qui se déplacent à plus de 60 km/h. Dans les cumulonimbus, il existe de forts courants ascendants et descendants entre la base, chaude et humide, et le sommet très froid du nuage. La glace se forme dans cette « colonne d'ascendance » autour de petites particules solides, appelées noyaux glaçogènes qui proviennent soit d'éléments naturels (poussière, suie volcanique...), soit artificiels (rejets des réacteurs d'avion...). Quand les grêlons commencent à chuter, les dégâts provoqués peuvent être considérables : défoliation, destruction des bourgeons, des fleurs, des fruits, des sarments, la culture touchée peut mettre plusieurs années à retrouver une production « normale ».
Aussi, pour se protéger contre ce fléau, deux solutions s'offrent aux agriculteurs : les protections actives qui vont chercher à modifier l'intensité de l'épisode de grêle (émissions de noyaux glaçogènes dans les nuages ou canons à son) ; et les protections passives qui visent à limiter l'impact des grêlons sur les cultures comme les filets anti-grêle.

Agir ensemble

Dans le cadre d'installation de protection active, l'intérêt est démultiplié quand la mise en place est collective à l'échelle d'une commune ou d'un vignoble par exemple. C'est ce que propose l'Association nationale d'étude de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa), qui a développé un réseau de protection sur toute la France, et principalement dans le Sud-Est. Très bien implanté dans les départements de Paca et dans le sud de la Drôme, un réseau Bourgogne s'est développé en 2013. Le Beaujolais et le Mâconnais viennent de le rejoindre cette année. Pour se prémunir contre la grêle, le réseau Prévigrêle s'appuie sur des générateurs anti-grêle installés sur certaines exploitations agricoles afin de créer un maillage du territoire espacé de 5 à 10 km en fonction du relief. Quand un orage potentiellement dangereux est signalé par Météo France et Kéraunos (société spécialisée dans l'observation des orages violents), les bénévoles du réseau allument les générateurs, sorte de petits brûleurs, qui consument une solution acétonique d'iodure d'argent afin d'ensemencer les nuages avec des noyaux glaçogènes.
Effectuée plusieurs heures avant, cette action n'empêche pas la grêle de se former, mais l'abondance de noyaux glaçogènes multiplie le nombre de grêlons réduisant leur taille. Aussi, quand ces grêlons de petites tailles tombent, soit ils se réchauffent dans leur chute et arrivent au sol en pluie, soit ils ne sont pas assez gros pour provoquer des dégâts.

Détecter les orages avec précision

D'autres solutions existent, proposées par des entreprises privées. C'est le cas de Skydétecte, proposé par la société Sélérys installée dans les Bouches-du-Rhône. Grâce à un radar et un algorithme, elle détecte les cellules orageuses dans un rayon de 30 km autour et alerte par SMS l'utilisateur.
Plusieurs solutions peuvent ensuite être utilisées. Le radar peut entraîner le déclenchement de canons à ondes de choc (lire article ci-dessous). Grâce à un diffuseur conique tourné vers le ciel, la chambre à explosion alimentée par de l'acétylène émet une puissante explosion générant une onde de choc en direction du nuage toutes les 7 à 8 secondes. Selon les concepteurs, la taille des grêlons est diminuée par les frottements générés par l'onde de choc et la multiplication des noyaux glaçogènes. Autre technique possible, la diffusion dans le nuage de sels hygroscopiques. La société Lacroix Défense a développé un système, baptisé Laïco, qui permet d'aller ensemencer le nuage à l'aide de ballons en latex gonflés à l'hélium. Quand ils atteignent l'altitude voulue, ils explosent et libèrent la solution anti-grêle. D'après Philippe Laborde, responsable marketing de Lacroix Défense, il faut 2 à 4 kg de sels pour traiter un nuage orageux, soit entre 10 à 20 ballons, chacun transportant 200 g de produit.
Comme avec les canons, il faut que la lutte soit collective pour être efficace. Cependant, ce système demande de la disponibilité à l'agriculteur puisqu'il doit réagir dans les 20 minutes après l'alerte du radar pour aller gonfler les ballons et les envoyer dans le cumulonimbus.

Camille Peyrache

 

Lire également par ailleurs l'article sur les protections actives et passives

 

Couverture : l’assurance, c’est aussi une protection

Au-delà des protections physiques, la protection la plus répandue contre les dégâts de grêle sur les cultures reste la solution assurantielle. Aujourd’hui, un quart environ des agriculteurs dispose d’une couverture aléas climatiques incluant la grêle ou une assurance spécifique grêle. « La grêle est un des aléas les plus impactant pour l’agriculture et peut détruire jusqu’à 100 % d’une culture, souligne Claude Perrot, responsable du domaine assurance récolte de Groupama Rhône-Alpes Auvergne. S’assurer contre la grêle est une manière de protéger son revenu. » Beaucoup d’agriculteurs considèrent qu’une assurance aléas climatiques coûte trop cher. « C’est une remarque que l’on nous fait souvent, acquiesce Claude Perrot. Mais, quand on calcule le prix en hectolitre pour un viticulteur, une cotisation équivalente à la valeur de deux hectolitres permet d’assurer 60 hectolitres de production. Le prix varie bien sûr en fonction des cultures. Sur les fruits, les coûts d’assurance sont assez élevés car la sinistralité est très forte. »
Il faut considérer qu’une assurance récolte contre la grêle coûte entre 2 et 4 % de la valeur assurée, sauf en arboriculture où les ratios sont plus forts.
Un ratio sinistres sur cotisations déficitaire
Claude Perrot souligne également que ce sont principalement les agriculteurs les plus exposés au risque de grêle qui s’assurent. Cela a pour conséquence de créer un déséquilibre entre les cotisations et les indemnisations et de renchérir le coût pour les assurés. « Pour nous, l’assurance récolte est un poste qui est régulièrement déficitaire car le risque n’est pas mutualisé sur suffisamment d’agriculteurs, continue Claude Perrot. Comme les assurés connaissent assez bien leur risque grâce au recul historique, seuls les plus exposés s’assurent. Résultat, les assurés ont des taux de sinistres élevés. Il faut cependant noter qu’avec le changement climatique, le risque de grêle augmente pour toutes les exploitations. » Pour mesurer la protection qu’offre une assurance grêle, il faut prendre en compte les différents aspects d’un contrat. Ainsi, seul le fruit de la culture est assuré par un contrat aléas. Par exemple, pour un champ de blé, c’est la valeur des grains qui est assurée, la paille n’est pas comprise en compte dans l’assurance. Autre élément à considérer, l’assurance ne couvre que les pertes de l’année. Ainsi, pour les cultures pérennes comme les vignes ou les vergers, l’assurance ne couvre pas les pertes de rendement sur les années suivantes. Enfin, il faut aussi intégrer le coût de la franchise de 5 à 10 %. « Lorsque l’on souhaite s’assurer, cela se passe en février-mars, il faut choisir une culture et la couvrir en totalité, détaille Claude Perrot. Ensuite, l’assurance couvre un potentiel à produire, l’agriculture choisit un rendement réaliste à assurer, par exemple 7 t/ha pour du blé. » En cas d’aléa, si l’expert missionné par l’assureur se rend compte qu’il y a une surassurance, par exemple 12 t/ha alors que le potentiel était de 7 t/ha, l’assureur ne remboursera que sur la base du potentiel. « L’agriculteur doit aussi décider du prix du produit assuré, poursuit Claude Perrot. Si l’on veut assurer des prix plus élevés que le marché, il faut justifier d’un contrat avec un semencier ou d’une filière de qualité. C’est un principe général de l’assurance, on assure la valeur de la chose, pas plus. » 
C. P.