Changements climatiques
Bourdeaux-Dieulefit : +4°C d’ici la fin du siècle

Le 26 mars à Vesc, la chambre d’agriculture de la Drôme a présenté les simulations réalisées avec l’outil ClimA-XXI. Objectif : comprendre comment le territoire de Bourdeaux-Dieulefit va être impacté et réfléchir avec les agriculteurs aux adaptions à prévoir sur leurs exploitations.

Bourdeaux-Dieulefit : +4°C d’ici la fin du siècle
Elus et conseillers de la chambre d’agriculture ont apporté de nombreuses informations aux agriculteurs présents.

Accompagner les exploitations face aux changements climatiques est désormais l’une des actions prioritaires de la chambre d’agriculture de la Drôme (lire L’Agriculture Drômoise du 18 mars). A Vesc, le 26 mars, élus et conseillers sont venus à la rencontre des agriculteurs du territoire pour recueillir leurs préoccupations face aux évolutions du climat et échanger sur les adaptations possibles à court, moyen et long terme.

Problème d’abreuvement des troupeaux sur les parcours, déficit fourrager, dégradation des prairies avec des espèces qui disparaissent, difficultés à réaliser les semis d’automne faute de pluies… Des éleveurs de Vesc et Félines-sur-Rimandoule ont décrit ce qu’ils vivent déjà depuis plusieurs années.

Ils ont aussi pu découvrir les projections climatiques réalisées par les conseillers de la chambre d’agriculture avec l’outil ClimA-XXI. Le choix a été fait de s’appuyer sur le scenario 8.5 du Giec*, c’est à dire le plus pessimiste mais aussi celui qui semble se dessiner faute de direction prise au niveau mondial pour atténuer le changement climatique. Pour le territoire de Bourdeaux-Dieulefit, la chambre d’agriculture a effectué ces projections sur deux sites d’études : Comps et Le Poët-Laval. Alice Bouton, chef de projet climat à la chambre d’agriculture, en a présenté les résultats.

La fin des températures hivernales

Sur les deux sites, il faudra s’attendre à une élévation des températures moyennes de presque 2°C entre la période de référence 1976-2005 et la période 2021-2050 et jusqu’à 4°C supplémentaires si l’on se projette en 2071-2100 par rapport à 1976-2005. En résumé : au Poët-Laval, la température moyenne annuelle dans ses extrêmes pourrait atteindre 17°C (contre moins de 13°C jusqu’en 2005) et 16°C à Comps (contre moins de 12°C sur 1976-2005). Autre constat encore plus parlant : les températures actuelles de mars deviendront celles de décembre, janvier et février d’ici la fin du siècle si rien n’est fait pour atténuer le changement du climat. Le nombre de jours de gel par an va considérablement se réduire. Il sera divisé plus que par deux sur 100 ans. A l’échéance 2100, il se pourrait que le nombre de jours où la température descend sous les -3°C soit inférieur à une dizaine sur les deux communes contre environ une quarantaine sur la période 1976-2005. 

Côté précipitation, « il y aura la même quantité d’eau sur ce territoire mais avec une répartition différente », annonce Alice Bouton d’après les projections ClimA-XXI. On peut retenir qu’à long terme, les pluies se concentreront sur mars et avril - contre mai jusqu’à présent - et octobre. Juillet, août et septembre pourraient devenir définitivement très secs. Quant à l’ETP, elle devrait aussi fortement augmenter. Par rapport à la période de référence 1976-2005, une hausse de 5 % au printemps et de 10 % en été et à l’automne est attendue jusqu’en 2050, avant une envolée à +16 % au printemps, +43 % en été et +24 % à l’automne sur la période 2071-2100. 

Ravageurs, maladies, échaudage : risques accrus

Une fois ces données présentées, les conseillers spécialisés de la chambre d’agriculture ont apporté leur éclairage sur les conséquences de ces changements pour les grandes cultures et les systèmes fourragers. « Sur les céréales, des températures plus douces toute l’année vont signifier des cycles de végétation raccourcis. Ce n’est pas un scoop : on récoltera plus tôt. Un blé classiquement cultivé dans la région devrait prendre dix jours d’avance dans un futur proche », a commenté Mikaël Boilloz, conseiller cultures annuelles (grandes cultures et légumes de plein champ). Les hivers plus doux aggraveront la présence de certains ravageurs comme les pucerons du blé, la noctuelle du maïs et les maladies surgiront de manière beaucoup plus précoce comme la rouille sur céréales, a-t-il rappelé. Face à ces risques, il a invité les agriculteurs à réfléchir dès à présent au levier variétal. Le choix de variété reste selon lui le levier « numéro un » face au changement climatique, notamment pour jouer sur la précocité à épiaison et limiter le risque d’échaudage. Il a également insisté sur les pratiques vertueuses pour la conservation des sols en rappelant que « 1 % de matière organique gagnée dans le sol, c’est 20 % d’économie d’eau. » 

Une mise à l’herbe avancée de deux semaines

Jean-Pierre Manteaux, conseiller spécialisé dans les systèmes fourragers et l’autonomie alimentaire, a ensuite présenté les évolutions attendues sur prairies. Avec la méthode de la somme des températures (méthode Inrae), on peut estimer que la mise à l’herbe sur les prairies productives sera avancée de treize jours entre la période de référence et l’horizon 2071-2100 et de dix-neuf jours sur les prairies peu productives. Les fauches précoces pourraient être effectuées une vingtaine de jours plus tôt et les tardives vingt-quatre jours plus tôt. Aussi, l’ensemble des travaux qui se réalisaient entre la fin mars et début juillet pourrait se concentrer entre la mi-mars et la première semaine de juin sur le territoire de Comps. Jean-Pierre Manteau a par ailleurs incité les éleveurs à se tourner vers les méteils, dont le cycle végétatif peut permettre d’éviter les plus fortes chaleurs.

Cette première rencontre à Vesc était pour la chambre d’agriculture de la Drôme une réunion « test ». L’intensité des échanges qui s’y sont tenus, en présence d’élus de l’organisme consulaire - Sandrine Roussin, vice-présidente, Nathalie Gravier, Thierry Mommée et Stéphanie Oliveira, membres du bureau - a montré que les agriculteurs souhaitent être accompagnés pour affronter ces changements climatiques. Des réunions similaires seront organisées pour présenter les projections ClimA-XXI sur une dizaine de territoires. La prochaine est prévue dans les Baronnies sur la ferme expérimentale de Mévouillon le 13 avril à 14 h, puis à l’automne pour les autres secteurs géographiques. 

S.Sabot 

* Giec : groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.