Semences : les NBT bientôt différenciées des OGM ?
Une semaine après la publication par la Commission européenne d’une étude sur les nouvelles techniques génomiques (NTG appelées aussi NBT), l’Union française des semenciers (UFS) organisait un colloque pour rappeler l’importance stratégique de la recherche dans ce domaine, « non seulement pour les semences, mais aussi pour l’alimentation, le développement agricole et le choix de société » a précisé son président Claude Tabel.

La Commission européenne a publié le 29 avril une étude qui conclut que les NBT peuvent contribuer à la réalisation du Pacte vert européen (Green Deal) et notamment sa déclinaison agricole, « De la ferme à la table. » (F2F) Elle reconnaît également que la législation qui encadre ces techniques, étant celle des OGM, confirmée par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2018, constitue un frein pour la recherche. Elle souhaite donc l’ouverture d’une analyse d’impact et d’une consultation publique sur ce sujet des NBT.
Satisfaction des pouvoirs publics
Cette décision ne pouvait que satisfaire le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie. Ce dernier, très au fait de biotechnologies, a rappelé son soutien à ces recherches : « Je suis favorable à une évolution de la réglementation en la matière. Ces nouvelles techniques, notamment les NBT apportent des solutions face aux défis du stress hydrique ou face aux maladies sanitaires auxquelles sont confrontées nos cultures…. le rapport de la Commission conforte ma position sur ce sujet. Le cadre législatif n’est plus compatible avec le cadre technique. La Commission, si elle fait ce constat, ne tire pas pour l’heure de conclusions sur la manière de faire évoluer cette réglementation. Comptez sur moi pour faire évoluer cette discussion (au Conseil européen, ndlr) pour que la législation permette demain de bénéficier des avantages des NBT. Cela doit être fait dans un cadre qui permette d’empêcher toutes dérives, que personne ne souhaite. Il faudra aborder ces questions avec raison, dans l’apaisement mais avec détermination pour voir comment avancer sur ce sujet. », a-t-il déclaré.
L’urgence d’agir
Si la décision de la Commission est plutôt bien accueillie, les participants insistent sur la nécessité d’agir rapidement. Or « la Commission ne montre pas d’urgence pour agir », a estimé César Gonzalez, porte-parole d’Euroseeds, l’organisation européenne des semenciers. Il rappelle que ces entreprises n’ont pas attendu le F2F pour faire des recherches sur la résistance aux pesticides, la qualité alimentaire et les rendements des semences. « Avant F2F, le secteur des semences était engagé dans la recherche agroécologique. L’arrêt de la CJUE a freiné toutes ces recherches. Certaines entreprises ont délocalisé et les plus petites ont cessé leurs efforts. », a-t-il précisé. Stephane Deleau, président de Valorex et administrateur du Syndicat de l’industrie de la nutrition animale (SNIA), insiste lui aussi sur la nécessité de reprendre rapidement les recherches sur les NBT : « On frise parfois la rupture sur les approvisionnements en matières premières, notamment en protéines végétales. Si nous n’avons pas les réponses rapidement cela mettra en question notre souveraineté alimentaire. Nous avons besoin d’être épaulé par la recherche pour trouver des solutions. » -
Débat houleux en perspective
Mais comment engager un débat public serein sur les recherches génomiques dans une société de plus en plus défiante face aux biotechnologies ? Si la Commission reconnaît enfin les avantages environnementaux que peuvent apporter ces nouvelles technologies, il faut convaincre une opinion publique marquée par la vision binaire présentée par certains médias depuis l’apparition des OGM. « Il faut sortir de cette approche dogmatique qui oppose agriculture et écologie (…) Il faut convaincre l’opinion que les biotechnologies peuvent nous protéger contre le réchauffement climatique et les maladies», a affirmé le député Jean-Baptiste Moreau (LREM, Creuse) et éleveur de limousines.
Le débat public préconisé par la Commission s’annonce houleux. L’ancien ministre de la Transition Ecologique et député François de Rugy (LREM, Loire-Atlantique) est déjà attaqué pour sa simple présence à ce colloque. « Il faut se débarrasser du mot qui tue, OGM, et qui vous disqualifie. Aujourd’hui, on ne veut plus débattre » affirme t-il, avant de rappeler le cheminement de l’écologie : « Au départ l’écologie était une science. Le sujet des OGM a amené ce divorce entre l’écologie et les sciences, avec des actions violentes, non respectueuses. L’enjeu aujourd’hui est de reconnecter l’écologie à la science. » L’ancien ministre a d’ailleurs l’intention d’ouvrir le débat « Ecologie et progrès » dans le cadre du « Cercle Orion », le centre de réflexion qu’il a créé en mars dernier. Une manière de contrecarrer ce qu’il nomme « le projet caché des écologistes : la décroissance ».
Les représentants des semenciers ont de leur côté rappelé les avantages attendus de ces NBT pour renforcer l’indépendance en protéines végétales de l’Europe d’un côté, et de l’autre, la responsabilité et les devoirs de la profession avant de mettre un nouveau produit sur le marché. David Gouache, directeur adjoint de Terre-Inovia a souligné, parmi d’autres exemples, que des semences résistantes au champignon « sclérotinia » permettraient de réduire les épandages nocturnes sur le colza. Valérie Mazza, directrice des affaires scientifiques chez Limagrain, veut « faire le pari de la raison pour engager le débat avec la société, dont nous faisons partie ».