Ferme de la Cime du Mas : une vitrine pour le Bleu du Vercors-Sassenage
Pour Anne et Sébastien Revol, à La Chapelle-en-Vercors, fabriquer du Bleu du Vercors-Sassenage avec le lait de leurs vaches de race villarde - ou villard-de-lans - est plus qu’un métier, c’est une passion.

Toute l’année, tous les jours de la semaine, Anne et Sébastien Revol accueillent les visiteurs de 9 h à 11 h et de 17 h à 19 h dans le point de vente qui jouxte leur fromagerie. Qu’il s’agisse de clients locaux ou de touristes, tous sont à la recherche d’un produit bien spécifique : le Bleu du Vercors-Sassenage. « Nous ne comptons que dix ou quinze jours dans l’année où personne ne s’arrête à la ferme, estime Anne Revol. Nous avons des clients réguliers, mais aussi des gens qui viennent pour la première fois parce que les précédents occupants du gîte leur ont laissé un petit mot sympathique avec notre adresse. Désormais les touristes repartent du Vercors avec un morceau de Bleu en cadeau pour leur famille ou leurs amis. »
Vingt villardes et trois abondances
Avec son mari Sébastien, ils transforment entre 60 et 70 000 litres de lait par an, soit l’intégralité de la production de leurs vingt-trois vaches, vingt villardes et trois abondances. Sébastien a repris l’exploitation familiale en 1998. « J’ai commencé avec une douzaine de laitières. Mes parents disposaient d’un quota de 36 000 litres avec la fromagerie l’Étoile du Vercors. J’ai construit mon atelier de transformation, basculé en quota vente directe et dès janvier 2000 j’ai commencé à fabriquer du Bleu du Vercors-Sassenage », se souvient l’éleveur. Anne le rejoint dans le Gaec en 2013 après avoir effectué sa formation en apprentissage sur l’exploitation de 2009 à 2011.
70 % du lait est destiné à la fabrication de Bleu du Vercors-Sassenage. Le reste est transformé en un fromage à pâte cuite pressé, type gruyère, le Cimarain, en tommes, briques et fromage blanc. « Nous commercialisons 70 % de nos volumes à la ferme. Nous livrons le reste à des restaurants et quelques commerces locaux », indique le couple. Chaque matin, après la traite, ils se lancent dans la fabrication du Bleu, dans le respect du cahier des charges de l’appellation, gage de la typicité de ce fromage. « Pour fabriquer un fromage de 4 à 4,5 kg, il faut 30 à 35 litres de lait », précise Anne Revol. Le lait de la race villard-de-lans, particulièrement riche, permet d’obtenir un bon rendement fromager.
Un nouvel atelier en projet
Comme le veut la tradition, la première étape est de mélanger la traite du soir, réchauffée avec celle du matin, puis ensemencée en Pénicillium roqueforti - une souche spécifique au Bleu du Vercors - et emprésuré entre 31 et 35°C. « Le caillé est brassé et moulé en plusieurs couches sans pressage. Les fromages sont salés dans des moules individuels. La durée de salage ne doit pas excéder trois jours. L’affinage, en cave, d’une durée minimale de 21 jours à compter de la date d’emprésurage, permet un développement harmonieux du bleu », détaille le cahier des charges. « Le Bleu du Vercors-Sassenage n’est pas un fromage de garde, rappelle Anne Revol. C’est un bleu particulier avec une pâte souple, plus doux que les autres bleus. » Un fromage qui plaît à un public large et qui trouve toute sa place en cuisine.
D’ici 2023, Anne et Sébastien Revol rejoindront un atelier de transformation tout neuf, juste à côté de l’étable entravée où ils traient leur vache. « Nous avons trois pots de traite mobile et pour l’instant nous transférons le lait dans l’atelier situé en contrebas de l’exploitation », souligne l’éleveur. À la veille de la Fête du Bleu du Vercors-Sassenage, se pose aussi la question de l’autonomie fourragère. « Avec une dizaine d’hectares labourables sur lesquels nous cultivons 2 ha de céréales, le reste en prairies temporaires et 50 ha de prairies naturelles et landes dont la moitié est fauchée, nous sommes normalement autonomes, mis à part du pois fourrager que nous achetons à un agriculteur de Vassieux. Nous n’avons pas encore réalisé notre deuxième coupe mais nous craignons de devoir acheter du fourrage cette année », annonce Sébastien Revol. Ce qui ne sera pas forcément simple, puisque celui-ci doit provenir de la zone d’appellation et que tous les éleveurs risquent de manquer de foin cette année.
Malgré tout, le couple garde le moral et participera activement à la Fête du Bleu des 23 et 24 juillet. Toute la famille Revol sera présente pour l’occasion. Leurs enfants, Antoine et Marceau, respectivement 4 et 6 ans, font partie de l’association Graines d’éleveurs. Ils feront défiler leurs propres animaux, un veau et une vache de race villarde. Nul doute que chez les Revol, le Bleu du Vercors-Sassenage a de beaux jours devant lui.
Sophie Sabot
Bientôt une nouvelle offre de semences en race villarde
Le cahier des charges de l’appellation Bleu du Vercors-Sassenage impose désormais 3 % de vaches de race villarde dans les effectifs du troupeau. Chez les Revol, on en compte 87 % ! La race a failli disparaître dans les années 1960. Un programme de sauvegarde a été mis en place dans les années 1970 par l’Institut de l’élevage. « C’est la race du territoire, insiste Anne Revol, présidente de la section villard-de-lans au sein de l’organisme de sélection des races alpines réunies (abondance, hérens et villard-de-lans). Race mixte et rustique, la production laitière moyenne pour les vaches inscrites au contrôle laitier en 2020 (lactations corrigées) se situe à presque 4 000 kg en moyenne sur une durée de lactation de 286 jours avec un TB de 40,2 g/kg et un TP de 32,3 g/kg*. « Bien-sûr, c’est un lait qu’il faut valoriser par de la transformation et de la vente directe », confirme Sébastien Revol. Mais la race a progressé sur ses aptitudes laitières ces dernières années. L’effectif est aujourd’hui estimé à moins de 500 femelles mais pourrait augmenter avec l’évolution du cahier des charges de l’AOP. La prochaine étape sera de renouveler l’offre de semences pour les inséminations artificielles. « Entre 1976 et 2004, la semence de 27 taureaux villard-de-lans a été prélevée. Mais depuis 2004, il n’y avait pas eu de nouvelles collectes », rappelle Anne Revol. Un travail de sélection a donc été réalisé. Il a permis de sélectionner deux taureaux, nés en 2022, qui pourraient entrer en centre d’insémination à partir de l’automne 2023. « L’un est né à Corrençon, l’autre sur notre exploitation, précise l’éleveuse. Reste à savoir si nous trouverons les financements pour faire entrer les deux. En race villarde, on ne compte actuellement que 250 à 300 IA par an. »