Les couverts végétaux font leurs preuves en lavande et lavandin
Mi-octobre à Savasse, la chambre d'agriculture de la Drôme a organisé une rencontre professionnelle sur les couverts végétaux inter-rangs en plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam).

Mi-octobre, une douzaine de producteurs et techniciens ont répondu à l’invitation lancée par Cédric Yvin, conseiller spécialisé en Ppam à la chambre d’agriculture de la Drôme. Cet après-midi « Bout de champ »* était consacré à la présentation de résultats d’essais sur les couverts végétaux et à la démonstration de broyeurs inter-rangs sur une parcelle de lavandin appartenant à Patrice Morin.
Effets confirmés sur le plan sanitaire
Pierre Battail de la chambre d’agriculture de la Drôme et Benjamin Lemaire de l’institut technique interprofessionnel d’expérimentation en plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Iteipmai) ont présenté les résultats obtenus via le programme de recherche Recital, piloté par l’Iteipmai de 2017 à 2020. Sur les aspects sanitaires tout d’abord, ce programme a démontré que « tout couvert confondu, on réduit de 50 % les symptômes de dépérissement, à condition de l’implanter dès la première année », a rappelé Pierre Battail. Plus largement, le programme Recital confirme que les couverts végétaux (annuel ou permanent) permettent de limiter les symptômes de dépérissement à Stolbur sur les lavanderaies, les symptômes de cécidomyies et améliorent la résilience des plants face aux aléas climatiques en tamponnant les phénomènes extrêmes (sécheresse, canicule ou à l’inverse forts épisodes pluvieux)
Des effets positifs sur le sol
Autre bénéfice non négligeable des couverts végétaux inter-rangs : ils assurent une protection du sol contre l’érosion et permettent sa structuration et son aération. L’eau de pluie s’infiltre mieux, ruisselle moins et ne stagne pas contrairement à une parcelle avec inter-rangs intégralement binés. Autre avantage, en cas de pluies en juin ou juillet, les épis latéraux ne pourrissent pas au contact du sol.
En termes de concurrence, Benjamin Lemaire a assuré que celle-ci est nulle pour la lavande en cas de couvert hivernal détruit au début du printemps (type engrais vert à base de moutarde, phacélie, … ). Pour des couverts permanents, la concurrence pour la lavande existe mais peut-être rendue négligeable en combinant différents paramètres. Tout d’abord en choisissant des couverts peu poussants, avec un cycle de développement le plus possible décalé de celui de la lavande. Par exemple en graminées avec de la fétuque rouge demi-traçante ou gazonnante, du ray-grass anglais gazonnant, du pâturin ou en légumineuses avec du trèfle souterrain, de la serradelle… Ce choix d’espèces doit être combiné avec une largeur de semis sur maximum un tiers de la largeur de l’inter-rang (par exemple 60 cm semé pour un inter-rang d’1,80 m) et par des broyages du couvert au printemps (avant épiaison) et à l’automne.
Rôle protecteur du couvert
« D’autre part, plus la pression du dépérissement sera forte et plus le couvert végétal jouera un rôle protecteur sur la lavande. Le rendement en huile essentielle sera ainsi supérieur à celui obtenu sur une lavanderaie entièrement binée », ont souligné les experts.
Pierre Battail, Benjamin Lemaire et Cédric Yvin ont enfin insisté sur un autre intérêt des couverts végétaux inter-rangs : « Dans le contexte énergétique actuellement tendu, le broyage consomme beaucoup moins de gasoil que le binage ».
D’après la synthèse de la journée réalisée par Cédric Yvin.
Pour être accompagné dans la mise en place des couverts végétaux inter-rangs en Ppam, contacter les conseillers spécialisés à la chambre d’agriculture :
Cédric Yvin : 06 27 61 31 55 ou [email protected]
Pierre Battail : 06 20 56 66 22 ou [email protected]
Autres contacts pour plus d’informations :
- Benjamin Lemaire, Iteipmai : 04 75 91 59 15 - [email protected]
- Claude Ferotin, Ets Ferotin : 06 07 85 27 79 - [email protected]
Comment entretenir ses couverts végétaux ?

Le manque de broyeur spécifique inter-rangs est un frein fréquemment évoqué par les lavandiculteurs pour « sauter le pas », et enherber leurs parcelles. Patrice Morin a présenté son broyeur de marque Grenier Franco. Il s’agit d’un double gyrobroyeur, avec trois lames par broyeur et une centrale hydraulique à l’avant du tracteur. Il est très efficace mais lourd et l’alimentation hydraulique se fait via un moteur à l’arrière du tracteur, ce qui ne permet pas d’atteler une bineuse. D’où l’impossibilité en un seul passage de broyer le couvert végétal et biner près du rang.
Un inconvénient qu’ont cherché à résoudre Benoît et Claude Ferotin des Ets Ferotin, lesquels ont présenté leur nouveau modèle de double broyeur. Celui-ci fonctionne avec des assiettes de faucheuse mais avec deux hauteurs de coupe, pour pouvoir hacher du végétal ras comme haut (adventices estivales). Léger et alimenté uniquement par l’hydraulique du tracteur, il ne nécessite pas de centrale hydraulique ni de prise de force avant. Il suffit juste d’un relevage avant sur le tracteur. Chaque broyeur fait 90 cm de large et s’adapte au terrain grâce à un système de patins posés au sol et à des attaches flottantes par chaînes sur le châssis. La forme des broyeurs permet une utilisation même lorsque les lavandes sont en fleurs car les tiges florales vont glisser le long de la tôle. Il permet d’atteler un outil à l’arrière du tracteur et de réaliser en un seul passage broyage de deux inter-rangs et binage du rang.
Pour le binage, les Ets Ferotin ont présenté leurs disques permettant de biner au plus près des plants sans abîmer les racines. Ces disques sont entrainés par l’avancement du tracteur et leur mouvement rotatif va sectionner les racines des adventices à 3 ou 4 cm de profondeur. Autre avantage : le mouvement centrifuge évite de chausser les rangs et permet de sortir les pierres et adventices du rang. Ces disques peuvent être montés à l’avant comme à l’arrière du tracteur (une paire ou trois paires de disques). Ils sont utilisables dans des parcelles avec ou sans couvert végétal inter-rangs. Le rapprochement automatique de la paire de disque près des plants est possible via un système hydraulique en option.
« Tous ces matériels pourront bénéficier d’aide à l’investissement à partir de 2023 via le nouveau cycle d’aide Feader 2023-2027 », a précisé Cédric Yvin de la chambre d’agriculture. Les détails ne sont pas encore connus.
En savoir plus
Un producteur convaincu de l’intérêt des couverts végétaux

Patrice Morin a commencé à enherber ses parcelles de lavandes et lavandins il y a huit ans. « Je voyais arriver les nouvelles réglementations qui allaient imposer d’utiliser de moins en moins de désherbants. J’ai donc essayé de devancer ça. Au début, j’ai fait avec les moyens du bord pour gérer ces couverts : épareuse, bineuse à maïs… Puis j’ai pu investir dans le broyeur Grenier Franco quand les prix de la lavande étaient encore bons », confie-t-il.
Désormais il sème des couverts végétaux sur une quarantaine d’hectares, « un mélange de graminées, ray-grass, fétuque destiné aux vignes, précise-t-il. J’entretiens le tout avec un passage de broyeur, en juin généralement. Parfois un second après récolte si la pluviométrie le nécessite. Sur le rang, je réalise en général trois passages par an de bineuse à disques. L’idée, à terme, avec un matériel comme celui présenté par Claude Ferotin, serait de pouvoir combiner broyage et binage en un seul passage ».
Patrice Morin est désormais convaincu de l’intérêt des couverts végétaux. Parmi les avantages qu’il cite : moins de passages de bineuse, une meilleure tenue du sol lors des fortes pluies, un sol qui chauffe moins l’été, une baisse de la pression des cicadelles… « Et puis, on peut passer dans les parcelles par n’importe quel temps, sans salir les roues », conclut-il.