« La transformation ajoute de la valeur à la production »
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a visité deux usines de transformation de fruits dans la Drôme, vendredi 24 janvier.

Dans le cadre de la semaine de l’industrie agroalimentaire, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, s’est rendue dans la Drôme pour visiter les usines Charles et Alice, à Allex, et Andros, à Portes-lès-Valence. Plusieurs personnalités départementales avaient ainsi fait le déplacement tels que Marie-Pierre Mouton, présidente du Département de la Drôme, Thierry Devimeux, préfet, Jean-Pierre Royannez, président sortant de la chambre d'agriculture, ou encore Marie-Pierre Monier, sénatrice.
Vertus environnementales
À Allex, Annie Genevard a rencontré Thierry Goubault, président de Charles & Alice, entreprise de transformation spécialisée dans les desserts aux fruits. Selon le dirigeant, le marché du fruit est « en croissance » et nécessite un « investissement industriel important » notamment pour la transition écologique. Ainsi, vingt millions d’euros vont être investis pour permettre, entre autres, la réduction de la consommation d’eau afin de « réserver les nappes phréatiques au monde agricole ». Sur sa gamme sans sucres ajoutés à base de pommes, l’entreprise s’approvisionne en moyenne à environ 190 km de ses ateliers de fabrication. La marque s’implique dans « la refruitalisation pour continuer à developper des filières de fruits avec les arboriculteurs via des partenariats avec des coopératives ».
Les vergers de Charles et Alice sont labellisés vergers écoresponsables. « Vous avez choisi de vous approvisionner en produits de l’agriculture biologique. C’est une des grandes politiques du ministère de l’Agriculture que nous encourageons chaque année à un haut niveau de subvention, assure Annie Genevard. Ne vous laissez pas perturber par les débats du moment sur l’interrogation concernant l’Agence bio. Il ne s’agit aucunement de renoncer aux missions assurées par cette agence ».
Innovation et enjeux
Charles & Alice, comme Andros, autre usine visitée dans la matinée, ont bénéficié de subventions France 2030. L’usine d’Allex a ainsi investi dans de nouveaux silos, des tours adiabatiques pour économiser de l’eau, le remplacement de la chaudière à gaz ou encore des panneaux photovoltaïques qui approvisionnent l’usine de 5 à 10 % d’électricité. Annie Genevard a tenu à féliciter « toutes ces entreprises qui font que l’amont peut être valorisé. L’amont, c’est à dire la production agricole. Tout cela marche de concert. On ne peut pas soutenir l’un si l’autre est défaillant. Il faut vraiment marcher d’un même pas ».
La ministre a aussi rappelé que l’agroalimentaire représente la première industrie de France, avec prés de 500 000 emplois. « Nous avons besoin de ces champions qui ont choisi d’investir pour moderniser l’outil de travail. Il y a beaucoup de qualité d’ingénierie. » Thierry Goubault a toutefois reconnu que des défis se dessinaient autour de la filière agricole faisant référence à la « pression sur les prix et les négociations en aval, parfois très compliquées ». Un sujet qui tient à cœur à Jean-Pierre Royannez, président sortant de la chambre d’agriculture de la Drôme. « L’enjeu, c’est d’arriver à contractualiser avec l’agroalimentaire. C’est d’avoir des prix rémunérateurs pour les producteurs. Ça reste une dynamique intéressante avec des contrats de quinze à vingt ans en arboriculture. » Pour Annie Genevard, « la transformation ajoute de la valeur à la production. Il y a une volonté de contractualiser avec les producteurs. C’est aussi un combat de souveraineté alimentaire car qui dit industrie agroalimentaire dit souveraineté alimentaire. Quand on soutient l’industrie agroalimentaire on soutient la capacité qu’un pays a de nourrir sa population ».
Morgane Eymin
Pour faire « revenir le bon sens paysan »
Lors de sa visite, la ministre a fait le point sur certains sujets qui crispent le monde agricole.
Lors de sa venue, Annie Genevard a abordé certaines attentes des agriculteurs. « Ce dialogue permanent avec eux m’a permis d’identifier tout ce qu’ils attendaient depuis une année qui a été horriblement difficile, et surtout un été qui a été particulièrement redoutable et une baisse de rendements à cause de la météo sur fonds de changement climatique, maladies des cheptels, a énuméré la ministre. Nous avons déployé beaucoup de dispositifs. »
Aides aux trésoreries
Aussi, elle met en avant deux types de prêts : le prêt conjoncturel à taux bonifié par l’État (1,75 % et 1,5 % pour les jeunes agriculteurs) sur deux ans et des prêts garantis pour « épauler les trésoreries », soit 200 000 euros de prêts disponibles à taux garantis par l’Etat. La ministre a rappelé que « 460 millions d’euros d’allégements de charges sociales et fiscales sont en attente de délivrance une fois que le budget sera voté ».
Contrôles et dérogations
Concernant les demandes de simplification, Annie Genevard a arboré le contrôle administratif unique « qui garantit qu’une ferme ne peut pas recevoir plus d’un contrôle administratif par exploitation et par an ». Elle a précisé qu’au « moment du versement des aides de la Pac, même les exploitations sous le coup d’un contrôle pourront voir leurs aides versées ». S’adapter aussi aux conditions météorologiques et autoriser certaines dérogations, c’est aussi une volonté de la ministre. Elle donne en exemple l’interdiction d’épandage au-delà du 1er novembre : à ce moment-là, « dans beaucoup de territoires français, vous ne pouvez pas mettre un tracteur dans les champs, car ils sont inondés. Donc le préfet, dans son pouvoir d’appréciation, est en capacité de dire "on peut admettre une dérogation" ». Une adaptation qui permet selon Annie Genevard de « faire revenir un peu de bon sens paysan dans les relations entre les paysans, les agriculteurs et les administrateurs ». « Certaines aides fiscales et sociales vont, malgré la censure, pouvoir être en partie délivrées, c’est le cas du TO-DE. Mais la plupart des aides vont devoir attendre le vote du budget », a précisé la ministre.
Des assises du sanitaire
Annie Genevard a cité « un fonds d’indemnisation dont le guichet solde va ouvrir dans les jours qui viennent » afin de « délivrer le solde des indemnisations d’ici à la fin février » sur FranceAgriMer. « L’élevage, ce sujet s’est imposé à moi dès ma nomination. J’ai eu à cœur d’écouter les demandes d’éleveurs en ovins, bovins, caprins… Tous les élevages, tous les territoires sont touchés, a exposé la ministre. Mon souci, c’est de mettre à disposition des vaccins parce qu’on a aussi une difficulté en France : nous avons très peu de laboratoires qui fournissent des vaccins donc ça pose un problème de souveraineté sanitaire. » Pour Annie Genevard, l’enjeu est aussi « d’indemniser les pertes pour que les éleveurs puissent reconstituer leur cheptel. Avant la fin du mois de février, nous allons pouvoir délivrer toutes les indemnisations en FCO-3 et FCO-8. Mais, au-delà, il nous faut préparer l’avenir. C’est la raison pour laquelle je lance le 30 janvier les Assises du sanitaire (lire pages 10 et 11), en mettant tout le monde autour de la table : éleveurs, vétérinaires, groupes de défense sanitaire, les chercheurs dans les labos, les organisations professionnelles agricoles… Pour voir comment mieux anticiper, faire de la prophylaxie, constituer une banque d’antigènes vaccinaux », énumère Annie Genevard.
Élevage et prédation
« La prédation du loup, c’est un sujet sur lequel je travaille depuis vingt ans en tant que présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), a rappelé la ministre. Il me paraît absolument nécessaire de protéger les élevages, les éleveurs, le pastoralisme, qui sont vraiment l’activité fondamentale de l’agriculture française. L’élevage, c’est vraiment ce qui fait notre ADN en matière agricole, spécialement dans la montagne. Je considère que c’est une priorité de les protéger. Ensuite, on n’éradiquera pas le loup. Tout le monde le sait. Il faut s’assurer que son état de conservation est satisfaisant moyennant quoi on peut affaiblir son niveau de protection… C’est le combat que je mène à Bruxelles. On a toute une opposition sur la question du comptage du loup, les services de l’État et de l’OFB considèrent qu’il y a tant de loups en France mais les éleveurs qui se font prédater jugent qu’il y a beaucoup plus de loups qu’on ne le dit. En réalité, ce qui est possible c’est que la répartition très inégale fasse que certains territoires soient plus exposés que d’autres ».
Elle a fait ainsi référence à la « violence terrible » et « au désespoir » que cela suscite chez les éleveurs. Le loup s’attaque aux bovins, au gros animaux mais ils ne les tuent pas... » Et de conclure : « C’est une situation qui ne peut pas durer. Sur les bovins, nous n’avons pas de protégeabilité car on ne peut pas clore comme pour les ovins mais, même sur les ovins, il y a des tas de problèmes… C’est une situation très difficile. Nous allons sortir un arrêté interministériel qui autorisera plus facilement les tirs de défense, qui assoira juridiquement le tir de défense. Lorsque le préfet prononce un tir de défense, il ne pourra plus être attaqué comme il l’était jusqu’à présent. Il sera un peu mieux protégé par cet arrêté. C’est un sujet majeur qui requiert toute mon attention. Au niveau français, il faut que chacun comprenne bien que ce qui est en jeu, c’est plus l’état de conservation de l’espèce loup qui, me semble-t-il, est aujourd’hui garanti, mais c’est véritablement protéger nos élevages et nos éleveurs : c’est pour moi la priorité ».
M.E.