La truite du Vercors met l’eau à la bouche
Depuis plus de 60 ans, l’élevage de truites coule de source dans le Vercors grâce à des exploitations familiales comme celle de Jean-François Murgat, basé à Échevis.

Les amateurs de poissons et les amoureux, locaux ou visiteurs, du parc du Vercors ont l’estomac qui gargouille rien qu’à l’idée de cuisiner la truite locale. Pour rencontrer un pisciculteur en personne, direction Échevis. Jean-François Murgat est à la tête de l’élevage des Truites de la Vernaison, situé en bordure de la route touristique qui mène aux Grands Goulets. Implanté au cœur du parc naturel régional du Vercors, il fait prospérer l’exploitation piscicole familiale, créée par ses parents il y a plus de 60 ans.
La transformation, un levier
Jean-François Murgat a repris l’exploitation en 1991. Il élève des truites arc-en-ciel et fario. Chaque année, près de 60 tonnes d’arc-en-ciel sont transformées ainsi que trois à quatre tonnes de fario. La production s’est stabilisée depuis 1975 avec l’installation d’un second bassin d’élevage. Si les deux espèces « poussent » sur deux années, elles ne pèsent pas le même poids lors de la vente. L’arc-en-ciel atteint 1,5 kilo contre à peine 300 grammes pour la fario, espèce autochtone des rivières de France. Avec le temps, ce qui a changé selon le pisciculteur, c’est la demande de la clientèle. « À mon installation, j’ai dû m’adapter. Les clients voulaient des truites vidées et des filets, rapporte-t-il. Vidées, elles sont plus simples à cuisiner. Même les arrêtes sont de trop maintenant ».
Cette évolution a nécessité la construction d’un atelier de transformation en 1997 afin de « vider le poisson, faire des filets, le conditionner en chambre froide et faire de la glace écaille pour les livraisons », énumère le pisciculteur. Pour satisfaire ses clients, le professionnel a aussi développé la fumaison. « La truite fumée est un produit phare de la pisciculture. Un produit festif et apprécié du consommateur », estime Jean-François Murgat.
« La truite prend la place du saumon »
Et si la truite fumée devenait le nouveau saumon fumé, mets haut de gamme des fêtes de fin d’année ? Selon Jean-François Murgat « le saumon fumé n’a plus la côte comme avant à cause des conditions des élevages industriels. Petit à petit, la truite prend la place du saumon en France. Une truite fumée, c’est moins gras qu’un saumon ». Carnivores, les truites sont nourries avec des granulés à base de poissons de mer, de co-produits de volaille et de protéines végétales. L’éleveur vend sa marchandise en direct dans sa boutique située sur son exploitation ainsi qu’aux restaurateurs et poissonniers locaux.
Au total, six salariés, dont la moitié formée « sur le tas », font tourner l’entreprise. Jean-François Murgat devrait prendre sa retraite dans les prochaines années. Il ne cache pas sa volonté de voir perdurer l’affaire familiale. Si l’une de ses filles travaille sur l’exploitation, le pisciculteur ne sait pas encore comment se passera la transmission. Son fils a quant à lui lancé une pépinière d’arbres fruitiers accolée à l’exploitation piscicole.
L’enjeu de l’eau
Comme pour d’autres activités « l’eau est primordiale » pour les élevages de truites. La fluctuation des températures, notamment en hiver, ralentit la digestion et la croissance des poissons. L’été, les ressources en eau diminuent et Jean-François Murgat doit adapter son activité au débit d’eau qui lui est réservé. « On fait avec ce qu’on peut réglementairement. Parfois, on nourrit moins le poisson donc ça peut aussi ralentir sa croissance », expose le pisciculteur. Depuis son installation, il constate une baisse de la pluviométrie même si « l’année 2024 a été exceptionnelle ». Le professionnel a installé des turbines afin de réoxygéner les bassins. Lors des crues, lavage de bassin et passage à l’épuisette sont nécessaires pour éliminer les feuilles.
La production s’est stabilisée depuis 1975 avec l’installation d’un second bassin d’élevage.©ME-AD26
Ces épisodes demandent à Jean-François Murgat « beaucoup de présence et d’observations » dans le cas où la prise d’eau serait endommagée. En 2021, il a dû dégager des pierres à la main dans la rivière car elles bloquaient l’écoulement jusqu’à ses bassins. Concernant la prédation, l’élevage peut subir quelques pertes dues aux hérons ou aux renards. Depuis une vingtaine d’années, avec la baisse de la ressource en eau, le pisciculteur a fait le choix de ne plus produire ses alevins et d’acheter des truitelles à l’automne à d’autres élevages régionaux pour renouveler ses générations. Jean-François Murgat continue toutefois d’élever ses farios « de A à Z car nous avons une souche qui nous est propre et adaptée au site ».
M.E
Une charte avec le parc du Vercors
Voilà depuis plus de vingt ans que Jean-François Murgat a noué un partenariat avec le parc du Vercors. En effet, le pisciculteur a signé une charte qui garantit son « attachement au territoire, une forte dimension humaine et sociale, la préservation et la valorisation des patrimoines ». Les Truites de la Vernaison possèdent ainsi l’estampille Valeurs parc naturel régional. Le pisciculteur s’est engagé à respecter plusieurs conditions telles que le nourrissage à la main, le respect de la croissance et la densité d’élevage inférieure à 45 kg/m³ d’eau soit entre 50 000 et 80 000 poissons. Des contrôles sur les rejets dans l’eau et les teneurs en nitrates et nitrites sont aussi réalisés.
Cette distinction s’avère être une marque nationale qui labellise des produits des parcs régionaux de France. Une cinquantaine de producteurs locaux, issus de diverses filières, sont représentés par cette marque. Pour en bénéficier, les agriculteurs signent une convention de marquage d’une durée de cinq ans. Pour valoriser cette marque et ses producteurs, le parc du Vercors a créé une carte sur son site internet afin de recenser les produits du territoire. Une série audio « Ici, je rencontre le Vercors » a aussi été conçue en partenariat avec le collectif Inspiration Vercors dans le cadre des rencontres avec des agriculteurs du Vercors « À tout bout d’champ » en 2020.