Lactation induite : des paramètres identifiés de façon précoce
Dernièrement à Vaunaveys-la-Rochette, l’institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL France) a présenté les résultats du projet Gentle Dairy, visant à déterminer les mécanismes permettant à des chèvres non gestantes d’induire une lactation. Explications avec Rosalie Planteau du Maroussem, ingénieure agronome de recherche junior en production animale au Fibl France.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistait le projet Gentle Dairy (2023-2025) ?
Rosalie Planteau du Maroussem. : « Ce projet – financé par l’association Quatre Pattes* - a fait suite au programme Lactodouce qui visait à montrer que des chèvres non gestantes étaient capables de produire du lait par une stimulation manuelle des trayons, sans gestation au préalable. La suite du projet nous a permis d’étudier les facteurs et mécanismes qui permettaient d’induire naturellement la lactation et de déterminer ainsi si l’induction de la lactation est dépendante de la race, du niveau de productivité des chèvres, du nombre de gestations, de la présence de chevreaux dans l’environnement, etc. Pour ce projet, nous nous sommes appuyés sur dix fermes en Ardèche, Drôme et Isère. Environ 86 chèvres, de races alpine ou saanen, ont participé à l’essai. »
Comment se sont déroulées les analyses ?
R. P.d.M. : « Nous avons demandé aux éleveurs participants d’écarter entre quatre et douze chèvres du troupeau au moment de la reproduction afin qu’elles ne soient pas en contact avec le mâle. En parallèle, nous avions autant de chèvres « témoins » (même race, même productivité) afin de pouvoir comparer les différentes caractéristiques. Une fois la période de reproduction terminée, les chèvres isolées ont rejoint le reste du troupeau et ont bénéficié des mêmes conditions de vie et du même environnement que les chèvres gestantes. L’équipe scientifique du FiBL France s’est ensuite rendue à cinq reprises sur les exploitations afin de réaliser une analyse sanguine du taux de prolactine, d’observer l’état corporel des chèvres, étudier le comportement global du troupeau, prendre en photos et la température des mamelles... Lors de la traite, les éleveurs devaient stimuler manuellement les trayons matin et soir, afin d’induire la lactation. Une fois celle-ci lancée, ils pouvaient les traire de manière mécanique, comme le reste du troupeau. Pour les besoins du projet, il était nécessaire de continuer la stimulation durant trois semaines. Les éleveurs avaient ensuite le choix de poursuivre, ou non, cette lactation induite. »
Quels résultats avez-vous relevés de ces études ?
R. P.d.M. : « Nous avons pu identifier de façon précoce des paramètres chez les chèvres. Celle qui a induit une lactation présentait des trayons plus chauds (2 °C en moyenne) par rapport à celles qui n’ont pas induit de lactation durant les trois semaines de stimulation et ce, même dix jours avant le début de la stimulation. Cela peut s’expliquer par la mise en place d’une activité cellulaire ou par la présence de lait résiduel. Par ailleurs, au niveau de la productivité, on s’est aperçu que 25 % des chèvres non gestantes entraient en production au bout d’un mois de stimulation, 60 % au bout de trois mois, et 75 % au bout de six mois. Il restera à déterminer pourquoi certaines chèvres ont la capacité d’induire une lactation plus rapidement que d’autres. Aussi, deux autres paramètres ont été identifiés au cours des trois premières semaines de stimulation, à savoir l’état corporel et l’accès à l’extérieur. En effet, les chèvres ayant une note (entre 1 et 5) supérieure ou égale à 3 à la fin de la période de tarissement ont deux fois plus de chance d’induire une lactation. À contrario, les chèvres trop maigres n’ont pas cette capacité. De plus, celles ayant accès à des courettes ou des aires de pâturage - et donc accès à une autre alimentation qu’en bâtiment - induisent plus facilement une lactation. Globalement, l’induction n’est dépendante ni de la race, ni de la productivité, ni du nombre de gestations passées, ce qui est plutôt encourageant. Une perte de 32 % de lait comparée à une production classique a toutefois été relevée, mais certains éleveurs poursuivent cette lactation induite pour diminuer le nombre de chevreaux ou éviter de réformer des bêtes en cas d’échec de reproduction. »
Propos recueillis par Amandine Priolet
* Organisation mondiale de protection des animaux sous influence humaine directe.