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Analyse

Taxes Trump : des conséquences en chaîne

En taxant les importations européennes de produits laitiers, les États-Unis les rendront moins compétitifs. Ils seront concurrencés par d’autres origines épargnées par ces tarifs douaniers discriminants. Par rétorsion, les États Unis verront des marchés à l’export leur échapper.

Taxes Trump : des conséquences en chaîne
© iStock-alvarez
Un commerce de fromages aux États-Unis.

Évaluer les conséquences de la politique douanière des États-Unis à l’égard des produits laitiers européens qu’ils importent (5,10 milliards d’euros en 2024 – Md€ ; +10,3 % sur un an) est un exercice fastidieux. Il ne s’agit pas seulement d’estimer en matière de prix les surcoûts qu’elle génère. En effet, les mesures du gouvernement Trump perturberont l’ensemble du marché mondial des produits laitiers. Par rétorsion, les pays importateurs de produits laitiers américains, victimes à l’export de la politique tarifaire imposée par Donald Trump, ne manqueront pas de prendre à leur tour une série de mesures rétorsives ciblées sur les produits laitiers américains.

Chine, premier acheteur

Or les États-Unis ont un taux d’autosuffisance en lait dépassant les 110 %. L’an passé, ils ont exporté pour environ 7,41 Md€ de produits laitiers (+2,6 % / 2023). Les ventes de fromages (2,28 Md€ ; +13 % / 2023) devancent la poudre maigre (1,89 Md€) et la poudre de lactosérum (780 millions d’euros). Plus de la moitié des exportations de produits laitiers américains sont destinées au Mexique, au Canada et à la Chine, ses principaux partenaires commerciaux pour une multitude de biens et de services.

« Les États-Unis exportent plus de 50 % de leur production de lactosérum et de lactose et la Chine est, de loin, le premier acheteur de ces produits jusqu’ici très compétitifs en prix », analyse l’Institut de l’élevage dans une récente note*. « Les relèvements successifs des droits de douane entre les deux pays pourraient profiter à d’autres exportateurs, dont l’UE ».

La France exporte la majorité de ses produits laitiers en Union européenne (5,3 Md€)**. Vers les pays tiers, ses ventes équivalent à 3,4 Md€. Aux États-Unis, notre pays expédie des fromages (349 millions d’euros - M€), des yaourts et des caséines à parts égales (100 M€), et du butteroil. L’an passé, les exportations de fromages ont fortement progressé (+ 16 % sur un an pour les fromages) et représentent 63 % des envois en valeurs. En même temps la France n’écoule aux Etats-Unis que 5 % de la totalité de ses exportations fromagères vers les pays tiers.

Perte de parts de marché 

Depuis le 5 avril, la taxe de 10 % appliquée sur les produits laitiers s’ajoute aux précédentes taxes déjà en vigueur. Un fromage à 9 €/kg jusque-là taxé 10 %, le sera désormais à 20 % et sera vendu 10,80 €. « Ramené à la valeur de 2024 de l’ensemble des expéditions françaises de produits laitiers (20 à 25 000 tonnes l’an passé), la hausse de 10 % des droits de douane étasuniens représente une valeur globale de 35 M€ de taxes supplémentaires et de 70 M€ en cas de hausse des droits de 20 % ».

La France sera alors concurrencée sur le marché étasunien par l’Argentine, la Nouvelle-Zélande et l’Australie pour certains produits de base (beurre, poudres) puisque ces pays ne se verront pas appliquer la taxe de 10 %. Une partie du beurre français jusque-là importé pourrait aussi être substituée par des matières grasses végétales. Mais ce différentiel de compétitivité n’impactera pas les produits à forte valeur ajoutée (fromages labellisés) peu substituables mais leur renchérissement réduira les ventes. Quoi qu’il en soit, la France perdra des parts de marché aux Etats-Unis et sera contrainte de se rabattre sur d’autres pays, parfois moins rémunérateurs, pour écouler ses produits.

À l’échelle de l’Union européenne, le scénario sera similaire avec, là encore, des pertes de parts de marché à la clé. En 2024, elle a exporté vers les États-Unis pour 2,29 Md€ (+11,4 % / 2023) de produits laitiers, dont 1,20 Md€ pour les seuls fromages (+10 %). Avant le 5 avril 2025 et la majoration des taxes de 10 %, les fromages européens importés étaient à la fois frappés par des droits de douane de 6 %, 10 %, 15 % et 1,40 €/kg, selon l’Idele. Ils avaient aussi un accès contingenté au marché étasunien de quelques centaines de tonnes pour le cheddar à plus de 25 632 tonnes pour une large variété de fromages à pâtes molles par exemple. 

La rédaction

(*) Tendances (N°371)

(**) Source Agreste Janvier 2025