ÉNERGIE
Rhônergia : le projet de barrage-usine à l’étude

Demandé par l’État dans le cadre de la concession du Rhône à la Compagnie nationale du Rhône, le projet de création d’un barrage-usine dans le secteur de Loyettes (Ain) avance.

Rhônergia : le projet de barrage-usine à l’étude

Vingt-six kilomètres du fleuve Rhône sont concernés sur quinze communes de l’Ain et de l’Isère. S’il voit le jour, le futur barrage-usine hydroélectrique sera situé entre Loyettes et Saint-Romain-de-Jalionas. D’une hauteur maximale de 12 mètres, l’ouvrage comportera une basse chute (6,8 mètres) équipée de trois turbines qui produiront 140 GWh d’électricité par an pour une puissance estimée de 40 MW. De quoi couvrir les besoins annuels de 60 000 habitants et compléter la chaîne des 19 aménagements hydroélectriques déjà exploités par la CNR sur le Rhône. Réseau de transport d’électricité (RTE) raccordera l’aménagement au poste électrique le plus proche, à environ 4,5 km du site, via une ligne souterraine de 63 000 volts. Montant global de la facture, études comprises : 330 millions d’euros, intégralement financés par la CNR.

22 km de retenue pour ralentir le débit

Le projet avance à grande vitesse depuis plusieurs mois. Encore fallait-il attendre la loi du 28 février 2022 relative à l’aménagement du Rhône qui renouvelle la concession du fleuve à la CNR jusqu’en 2041. « Dans le cahier des charges de la concession, il est écrit que nous devons étudier la faisabilité de ce projet », précise Olivier Le Berre. Une commande de l’État donc, destinée à répondre aux objectifs de neutralité carbone à horizon 2030 et 2050.
Des ambitions de production somme toute modestes : un pourcent de la production de la CNR le long du fleuve et 0,4 % du potentiel de production d’électricité à partir de l’hydraulique dans la région. Pour produire cette énergie, une retenue de 22 km de long sera tout de même aménagée afin de ralentir le débit de l’eau, sans la stocker. La CNR estime que 20 millions de mètres cube (Mm3) seront ainsi freinés par le barrage-usine. L’eau ne sera donc pas stockée comme c’est le cas avec les barrages-réservoirs des Alpes.

Quel impact pour l’activité agricole locale ? 

L’emprise foncière de l’ouvrage est estimée à 300 ha, pour une artificialisation nette de 12 à 18 ha. Au total, une centaine d’agriculteurs de l’Ain et de l’Isère seront directement concernés par l’aménagement. En cas de chantier, une centaine de conventions d’occupation temporaire seraient donc signées entre eux et la CNR. Le directeur de Rhônergia le garantit, « le projet actuel n’a rien à voir avec celui des années 1980. L’emprise foncière est largement divisée, sans canal pour amener l’eau et sans dissociation entre l’usine et le barrage. La conséquence, c’est que le projet d’aujourd’hui assure un productible moindre mais répond mieux aux enjeux de la transition énergétique. »
Toutefois, que se passera-t-il en cas de crue pour les parcelles voisines, ou pour l’irrigation en cas de sécheresse ? « Les obligations de l’État en termes de gestion de crues sont claires : l’aménagement ne doit avoir aucun impact. On dit alors qu’il s’efface puisqu’en cas de crue toutes les vannes seront ouvertes. On ne turbine plus en période de crue, assure Olivier Le Berre. Concernant les problèmes de raréfaction de l’eau, l’aménagement créerait une retenue qui permettrait à la nappe de sensiblement remonter, ce qui serait plutôt favorable à l’agriculture. »

La concertation publique préalable en cours

Plusieurs relevés géophysiques et géotechniques ont été réalisés au cours du premier trimestre 2023 sur près de 300 parcelles foncières. Quant au risque de retrouver des sédiments pollués et PCB, des études environnementales sont actuellement en cours selon Olivier Le Berre. D’aucuns s’interrogent également sur la compatibilité de cet aménagement avec l’installation d’EPR. Olivier Le Berre veut toutefois rassurer : « Les deux projets sont voisins mais indépendants. Du point de vue de la sûreté nucléaire, nous ne créerons pas de lien fonctionnel ».
Par ailleurs, si cet aménagement colossal est déjà dans les starting-block de la compagnie, rien n’est encore fait et le projet n’en n’est qu’au stade de la concertation publique préalable. Ouverte depuis le 1er décembre 2023, elle prendra fin le 29 février* prochain pour une décision de l’État attendue au mois de mai de poursuivre ou non l’étude de ce projet. En cas d’avis favorable, le commencement des travaux est prévu dès 2029, pour une mise en service en 2033.

Margaux Balfin