À la foire de Beaucroissant, la DNC au cœur des discussions
Les propos de la députée Sandrine Nosbé, lors de l’inauguration de la Foire de Beaucroissant, le 12 septembre, traduisent combien le fossé se creuse entre une vision supposée de l’agriculture et la réalité de la terre.

La préfète Catherine Seguin qui quitte l’estrade, puis l’ensemble des élus : c’est un mouvement d’indignation qui a agité l’inauguration de la Foire de Beaucroissant, vendredi 12 septembre dernier. En cause, l’intervention de la députée de la circonscription, Sandrine Nosbé, du parti LFI, qui a fait bondir l’assemblée. La préfète ne pouvait en effet s’associer aux propos dénigrant le chef de l’État et les élus se mêler au meeting politique que la parlementaire tentait de lancer. Quant à l’assemblée, composée d’agriculteurs et de représentants du monde agricole, elle était au bord de la nausée. « Hors-sol » a d’ailleurs lancé Jérôme Crozat, le président de la FDSEA de l’Isère. Ceci après que Sandrine Nosbé a remis en cause les abattages systématiques des lots d’animaux touchés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et se soit demandé pourquoi la France n’avait pas anticipé la vaccination et « qu’il faudrait le faire à l’avenir ». Pour les agriculteurs, cette méconnaissance du sujet est à la fois dangereuse d’un point de vue sanitaire, porteuse d’un discours erroné sur l’agriculture et clivant pour la société.
Une stratégie efficace
La préfète de l’Isère s’est souciée de rétablir l’information : « Moins de trois mois après le premier foyer en Savoie et après la mobilisation totale de tous les acteurs (1) », la stratégie mise en place a été « d’une grande efficacité ». Elle souligne que c’est grâce à cela que le département de l’Isère est encore épargné, et que, même si la fréquence d’apparition de nouveaux foyers a drastiquement chuté, « la pression reste forte ».
Le point préoccupant est aujourd’hui la descente d’alpage des animaux situés en zone réglementée. Elle demande que ces bovins soient accueillis en zone de protection « car il n’est pas pensable de les conduire en zone indemne ». Parmi les nombreux sujets qui concernent le monde agricole, elle rappelle le « principe cardinal de la souveraineté alimentaire » et qu’il n’y a « pas d’interdiction sans solution ». Enfin, elle enjoint les esprits chagrins à la poursuite du dialogue « dans un cadre républicain et dans la courtoisie ».
L’inauguration avait pourtant bien commencé. Après la déambulation à travers le champ de foire où les élus et la préfète ont rencontré les professionnels de l’agriculture sous le chapiteau Agrivillage, les prises de paroles ont surtout concerné la DNC. « Par solidarité avec les éleveurs », la mairie de Beaucroissant avait décidé de ne pas ouvrir le foirail aux chevaux. Antoine Reboul, le maire, confiait même en aparté que les choses s’étaient plutôt bien déroulées dans la matinée, le message semblant être bien passé auprès des vendeurs de chevaux. Comme en réponse aux fossoyeurs - et amateurs de buzz - du caractère agricole et rural de la foire, le maire déclarait « ce n’est pas la première fois que la foire vit une épizootie ». Certes, il s’agissait « d’une foire sans bovins, mais pas sans idées », Beaucroissant ayant toujours su s’adapter… depuis plus de 800 ans. Antoine Reboul a d’ailleurs lancé un appel aux élus et aux professionnels afin de constituer un « comité stratégique de cette vieille dame qu’est la Foire ». Cette superstructure permettrait à la fois d’épauler la mairie et de donner les orientations de la manifestation.
Financer les pertes indirectes
Aurélien Clavel, le président de la chambre d’agriculture de l’Isère, qui avait déjà eu affaire à une coalition Confédération paysanne/ LFI venue manifester le 10 septembre devant la chambre d’agriculture, indiquait qu’il « n’est pas évident de mener une politique agricole avec tant d’instabilité ». Les défis à relever sont complexes et multiples et l’élu consulaire disait son incompréhension sur la façon dont il a été interpellé, notamment « sur la morale de ce que doit faire un éleveur ». L’homme qui se lève tous les jours à 6 heures pour s’occuper de ses bêtes laissait paraître son amertume face à un tel processus, « signe qu’un pays ne va pas très bien. Je suis quelqu’un de très ouvert au dialogue », a-t-il insisté.
Au sujet de la loi Duplomb, il a surtout relevé que « ceux qui luttent contre n’ont pas le courage de dire que cela va entraîner une hausse des prix de 20 à 30 %, car ils ne font pas partie de la population qui ne peut pas payer ». Enfin sur la DNC, il a martelé « seuls les pays qui ont vacciné et abattu les bêtes ont réussi à sortir de la maladie. Ceux qui ont bloqué les abattages ont permis la propagation de la maladie et que se jouent d’autres drames chez d’autres agriculteurs ». S’adressant aux présidents du Département et de la Région, ainsi qu’aux représentants de l’État, il a demandé des lignes budgétaires pour financer les pertes indirectes liées à la DNC. Il a aussi réclamé des dérogations pour évacuer des animaux présents au sein de la zone réglementée. Quant à la gestion de la crise, c’est sous un élan général d’applaudissements qu’Aurélien Clavel a salué l’exemplarité de la conduite sanitaire par les services de l’État et le Groupement de défense sanitaire.
« L’agriculture fait partie de notre économie, c’est une filière que nous devons accompagner », a insisté à son tour Jean-Pierre Barbier, le président du Département de l’Isère. Concernant la loi Duplomb, il a rappelé que le sujet était européen. « Si certains pays ont le droit, que fait-on ? », interroge-t-il au sujet de l’acétamipride. « Si on arrête la production de noisettes en France, on les achètera à l’étranger », signale-t-il. Le président du conseil départemental s’insurge aussi « que des élus de la République récupèrent la DNC à des fins politiques ». Il ponctue : « Fichez la paix aux agriculteurs, c’est leur métier, ils savent ce qu’ils font ! ».
Des mensonges coupables
Par ailleurs, il a indiqué que le Département pouvait participer au financement du futur bâtiment porté par Charolais Sud-Est à hauteur de 50 % et à concurrence d’un million d’euros à condition qu’il s’agisse d’un projet intercommunal. La Région, pour sa part, financera 500 000 euros. Son président, Fabrice Pannekoucke, avait prévu de faire des annonces l’après-midi en Savoie concernant les aides pour faire face à la DNC, notamment en allant « chercher des fonds européens » à travers la Mesure 23(2). « L’objectif est de recapitaliser rapidement pour un retour à un schéma ordinaire de production et de création de valeur et de vie dans les territoires ». Lui aussi a qualifié « d’abjecte » la récupération de la crise à des fins politiques, rendant « les auteurs de mensonges coupables ». Mensonges aussi de ne pas considérer les exploitations agricoles comme des entreprises, le président de la Région martelant que l’ « agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes est une agriculture de production et de création de valeur, avec des filières courtes pour nourrir la population et des filières longues pour aller à l’export ».
Isabelle Doucet
(1) DDT, DDPP, chambres d’agriculture, MSA, GDS, laboratoires, FAI, Département et Région.
(2) Dispositif, financé à hauteur de 35 millions d’euros de crédits Feader, qui permet de soutenir les agriculteurs les plus affectés par des événements sanitaires et climatiques majeurs, via une aide forfaitaire maximale de 23 000 euros par exploitation.
À Beaucroissant, une profession inquiète
Vendredi matin 12 septembre, les présidents de la Région et du Département, ainsi que de nombreux élus, sont allés à la rencontre des agriculteurs de l’Agrivillage, entre requêtes et confidences.

Jean-Pierre Barbier dès 7 heures du matin, Fabrice Pannekoucke à partir de 9 heures : les présidents du Département de l’Isère et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ont largement arpenté les allées du secteur agricole et plus particulièrement de l’Agrivillage, vendredi matin 12 septembre à Beaucroissant.
Jérôme Crozat les a accueillis en soulignant l’effort collectif fait par les éleveurs pour assurer la sécurité sanitaire des bovins. Il a également remercié les députés isérois qui avaient voté en faveur de la loi Duplomb. Comparant le combat de certains élus pour le maintien du site « polluant » de Vencorex à Pont-de-Claix alors que les mêmes se sont opposés ou abstenus de voter le texte de loi, le président de la FDSEA rappelle que « la France est un tout, avec ses industries, ses commerces et ses agriculteurs ». Il précise que la question de l’acétamipride ne représente que 10 % de la loi Duplomb et que ceux mêmes qui ont signé la pétition continuent à utiliser des insecticides contenant des néonicotinoïdes. Enfin, pour Jérôme Crozat, la Foire de Beaucroissant doit être avant tout rendez-vous de la communication autour des métiers de l’agriculture. Il a ensuite remis à la députée Sandrine Nosbé (LFI), un drapeau tricolore, comme un appel à plus de cohérence dans sa responsabilité parlementaire.
Commercialiser les bovins
Axel Masset, coprésident de Jeunes agriculteurs Isère, avait une fois de plus porté l’alerte sur les impasses que représente le retrait de certaines molécules sans solution de remplacement telle que l’acétamipride. Des filières, à l’image de celle des noisettes, sont condamnées au profit de produits d’export largement traités aux insecticides et interdits en France. Les JA en ont aussi profité pour réitérer leurs demandes sur la dotation jeunes agriculteurs (DJA) versée en Auvergne-Rhône-Alpes.
Jean-François Gourdain, le président des éleveurs ovins de l’Isère, a fait part aux élus des conséquences de la FCO qui a sévi dans les élevages en 2024 et qui mettront encore longtemps à s’en remettre.
Quant à Raphaël Loveno, le président de Charolais Sud-Est, c’est sur un ring vide qu’il a reçu la délégation. Deux maladies en deux ans, il « souhaite que cela ne soit plus qu’un mauvais souvenir » et salue le soutien des collectivités, « la réaction rapide » de tous les acteurs « pour lutter contre la maladie, limiter les dégâts », sans accroître le périmètre réglementé. Mais les éleveurs souffrent de ne pas pouvoir commercialiser leurs bêtes et s’inquiètent de la façon dont ils pourront les nourrir avant l’hiver. Par ailleurs, l’association Charolais Sud-Est fêtera ses trente ans en 2026, aussi a-t-elle hâte de voir enfin son bâtiment sortir de terre. « Il est l’heure de tous signer et d’entrer en action », implore-t-il.
I.D.
Prix de l’Excellence : dix lauréats d’exception

À la foire de Beaucroissant, les dix partenaires de Terre Dauphinoise ont distingué des exploitations et des entrepreneurs aux parcours remarquables en agriculture.
Lancé en 2018 par Terre Dauphinoise, le Prix de l’Excellence agricole et rurale est désormais durablement ancré dans le giron de la foire de Beaucroissant. La cuvée 2025 de cette septième édition, révélée vendredi 12 septembre sous le chapiteau Agrivillage, était tout aussi riche de parcours et d’initiatives remarquables, ce qui en fait un rendez-vous unique dans le calendrier agricole de l’année.
Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un exploitant agricole mais le maire de Crolles, Philippe Lorimier, qui a reçu, de la part de la chambre d’agriculture de l’Isère, le trophée de l’Innovation en vente directe pour les casiers fermiers installés à Crolles. Il était accompagné par trois des dix agriculteurs associés au projet lancé en mai 2024 avec l’appui technique de la chambre d’agriculture.
Parce qu’une installation est souvent assimilée à un parcours du combattant, la Safer avait décidé de remettre le Trophée de la persévérance à Florent Chappey pour la réussite de son projet de reprise progressive d’une exploitation nucicole à Vourey, en vue de la céder plus tard à son fils.
Le pôle agroalimentaire de l’Isère (PAA) a pour sa part récompensé la ferme du Sozéa, à Saint-Siméon-de-Bressieux, en lui décernant le trophée de l’adaptabilité au marché. Cette exploitation est en effet une des pionnières du PAA et de la marque IsHere, adaptant ses produits aux attentes des consommateurs.
La MSA Alpes du Nord a choisi le distinguer le groupement pastoral de Bachilianne, à Châtel-en-Trièves, avec le trophée de la santé et de la sécurité au travail. Les éleveurs projettent en effet de renouveler leur système de contention, pour gagner en temps et en sécurité. René Féchoz-Christophe, le président de la MSA, a rappelé combien les équipements de contention avaient été les bienvenus au moment de vacciner en sécurité toutes les bêtes contre la dermatose.
La renaissance du vignoble dans les Balmes dauphinoises et la préservation du savoir-faire vitivinicole auxquels participe le Domaine La Courna à Saint-Chef, a séduit le Crédit agricole Centre-Est qui a décerné le Trophée de la préservation d’un patrimoine agricole à cette jeune exploitation.
Groupama Rhône-Alpes Auvergne a distingué pour sa part une récente installation : l’élevage de poules pondeuses Le chant du coteau au Gua, lui remettant le trophée de la démarche de proximité. D’autant que Magali Barengo s’est lancée dans l’élevage de poules grises du Vercors, une race emblématique.
Des agriculteurs co-constructeurs et testeurs ont été mis en avant par le groupe coopératif Oxyane qui a remis à Jean-François Regard et Jean-Baptiste Million le trophée de la relation digitale. En effet, les deux exploitants agricoles ont fait partie des bêta testeurs de l’application My Oxyane, un outil de pilotage pour les exploitations agricoles comprenant une multitude de fonctionnalités.
Depuis deux ans, Solaal Auvergne Rhône-Alpes a rejoint les partenaires du prix de l’Excellence mettant ainsi en avant la portée du don agricole. L’association a décerné le trophée de la solidarité à l’OP Alpes Coccinelle pour un don de 350 kg de pommes aux Resto du cœur. Son président, le Drômois Grégory Chardon, en a profité pour lancer un appel au don agricole en Isère.
Quant au Crédit agricole Sud Rhône Alpes, il a choisi le Gaec des 7 noyers, à Saint-Vincent-de-Mercuze, à qui il a remis le trophée de la transformation qualitative. L’exploitation familiale, qui est en cours de transmission, valorise ses produits de la ferme, noix et viande, avec des recettes bien choisies et en vente directe.
La cérémonie s’est achevée avec le benjamin de la bande, Arthur Koebel, à Vézeronce-Curtin, remarqué par Cerfrance. Le jeune homme, à la tête d’une entreprise de tri de semences, d’une autre de commerce de fourrages et d’un atelier d’engraissement de porcs, alors qu’il a moins de 25 ans, s’est vu remettre le trophée de la jeunesse et du dynamisme entrepreneurial.
Tous les lauréats ont témoigné avec enthousiasme de leur confiance en l’avenir de l’agriculture iséroise, riche de sa diversité et de son inventivité.
I.D.