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Congrès FDSEA Drôme

« L'acte d'achat doit rémunérer l'acte de production »

Lors de son congrès annuel, la FDSEA de la Drôme a mis l'accent sur les freins à l'économie des filières agricoles et les améliorations attendues. Et ce après une année très chargée.

« L'acte d'achat doit rémunérer l'acte de production »
©CL-AD26
À Die, en tribune du congrès de la FDSEA, des responsables agricoles, de collectivités locales ainsi que la sous-préfète de Die.

« Nous avons vécu une année chaotique, a déclaré Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme, en congrès à Die le 14 mars. Le monde agricole a plus que jamais besoin de stabilité et de reconnaissance par des mesures concrètes et durables pour assurer la pérennité des exploitations et garantir la souveraineté alimentaire du pays. » L’instabilité gouvernementale a été fustigée, celle-ci ayant « considérablement retardé la mise en place des aides attendues et des réformes visant à alléger les charges administratives ».

« Des victoires ont été obtenues »

« Nous avons vécu une année chaotique mais des victoires ont été obtenues », a déclaré Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA 26. ©CL-AD26

Néanmoins, après les nombreuses mobilisations syndicales - à commencer par les neuf jours et nuits de blocage de routes fin janvier début février 2024 - « des victoires ont été obtenues », a souligné Sandrine Roussin. Parmi celles-ci : la détaxation du GNR, le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, la pérennisation du dispositif TO-DE sur les emplois saisonniers, la simplification des contrôles administratifs avec l'instauration du contrôle unique, le changement de statut du loup, l'augmentation des contrôles sur l'origine France, la reconnaissance de l'antériorité des exploitations agricoles lors de conflits de voisinage, la suppression de la hausse des redevances pour prélèvement d'eau et pollution diffuse… Mais aussi des mesures de trésoreries pour la viticulture, le bio et les élevages victimes de la FCO.

Sandrine Roussin a également mis en avant la planification de cent projets hydrauliques en France et appelé à en voir aboutir en Drôme dans le cadre des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). « Soyons visionnaires et stockons l'eau partout où nous le pouvons », a-t-elle déclaré.

« La montée en gamme de l'agriculture a été une erreur »

Face aux difficultés qui affectent plusieurs filières agricoles, la recherche de valorisation a fait l'objet d'un débat. Des freins ont été identifiés. Christian Nagearaffe, président de l'AOP Noix de Grenoble, a cité le manque d'alternative à la suppression de produits phytosanitaires, ainsi que le changement climatique. Fabien Lombard, président de l'AOP clairette de Die et vins du Diois, a pointé la « dénormalisation » de l'alcool qui entraîne une chute de la consommation de vin. La concentration des enseignes de la grande distribution (GMS) a été pointée par Bruno Darnaud, président de l'AOP pêches et abricots de France ainsi que le manque de compétitivité et d'innovation face aux pays concurrents.

Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et éleveur dans les Vosges, a mis l'accent sur la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs et la trop faible rémunération des agriculteurs. Il estime que « la montée en gamme de l'agriculture a été une erreur compte tenu de l'inflation. La plupart des consommateurs ne se posent pas la question du prix de leur smartphone mais rognent sur leur budget alimentation. Il faut stopper le cercle infernal de la déflation. L'acte d'achat doit rémunérer l'acte de production. »

En congrès, la FDSEA 26 a mis en avant son bilan et ses acquis, tout en pointant les mesures encore attendues. ©CL-AD26

Segmenter, valoriser, communiquer

Pour Bruno Darnaud, le droit à la concurrence est une entrave à la préparation des campagnes entre producteurs et distributeurs. « Sous peine d'être condamnés pour entente, nous n'avons pas le droit de parler des prix, c'est un problème. » Fabien Lombard a rappelé que 70 % des volumes de clairette de Die sont vendus en GMS. « Nous avons deux profils de consommateurs et devons segmenter notre offre vers le CHR (cafés, hôtels, restaurants), chercher de la valeur, être présent sur le “moment apéritif” et faire évoluer notre cahier des charges » sur le sucre, la couleur (rosé).

Une valorisation que recherche aussi la noix de Grenoble avec notamment un projet d'appellation d'origine pour le cerneau. Christian Nagearaffe estime que la communication est essentielle pour un produit comme la noix qui n'est pas de première nécessité. Dans ce but, une association nationale de producteurs se constitue. Bruno Darnaud a mis en avant le label Vergers éco-responsables, qui représente 1,3 million de tonnes de fruits français. « Nous devons le conforter, a-t-il dit. Nous devons aussi inciter les GMS et les grossistes à basculer sur la production française dès le mois de juin. » Pour Yohann Barbe, « il ne faut pas opposer les systèmes de production et de distribution, permettre aux consommateurs de trouver facilement l'origine des produits et garder une agriculture diverse. »

Du grain à moudre pour assurer aux producteurs une rémunération juste et conserver une agriculture française forte.

Christophe Ledoux

Ils ont dit

« Die est la commune du Diois qui compte le plus grand nombre d'agriculteurs, il y en a 43, a indiqué Isabelle Bizouard, maire de Die, en faisant référence à une récente enquête. 66 % des exploitations sont en bio. Un tiers des agriculteurs se déclarent dans l'incertitude. » Par ailleurs, « nous avons un abattoir géré par l'intercommunalité qui tourne bien ».

« Le Département est et restera à vos côtés dans les bons et les mauvais moments, a assuré Franck Soulignac, premier vice-président du conseil départemental de la Drôme. L'agriculture est au centre de nos priorités et le budget agricole sera sanctuarisé. »

« L'année 2024 a été très chargée sur le plan syndical, a fait remarquer Vladimir Gauthier, président de JA 26. Il faut continuer à promouvoir l'agriculture pour installer. »

Annonçant une réflexion prospective sur quelle agriculture dans dix ans, « nous allons confronter les idées pour continuer à produire et accéder aux marchés », a dit Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Sur l'eau, « nous devons faire du stockage, travailler sur l'infiltration ». Sur l'installation, « il faut réinterroger les modèles à promouvoir et pourquoi pas imaginer des montants de DJA variables selon les niveaux d'investissements ».

« Nous avons quadruplé le budget agriculture, a dit Claude Aurias, conseiller régional. Nous promouvons les investissements car cela permet de mobiliser des fonds européens ». Par ailleurs, évoquant la liquidation d'Agrobiodrôm (dont une partie des activités a été reprise par Valsoleil) et les difficultés de Top Semence, il a pointé la fragilité d'entreprises du secteur agricole.

« Certains produit interdits en France sont autorisés ailleurs en Europe, ce n'est pas normal », a déclaré le sénateur Bernard Buis. Il a rappelé le récent vote de la loi d'orientation agricole (LOA) et la proposition de loi destinée à lever les entraves agricoles.

« L'excès de réglementations, des surtranspositions qui n'ont pas de sens, c'est la responsabilité des parlementaires », a fait remarquer Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.

« Le loup doit laisser la place à l'agriculture », a dit Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait. Sur le chantier de la prochaine Pac, « il faudra une politique ambitieuse et un budget équitablement réparti ». À propos des aléas climatiques et sanitaires, « il nous faut de vraies politiques sur la gestion des risques ».

« Il faut stopper le cercle infernal de la déflation. L'acte d'achat doit rémunérer l'acte de production », a dit Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait.©CL-AD26

« L'année 2024 a été extrêmement compliquée avec une succession de crises sur fonds d'instabilité politique, a rappelé Véronique Simonin, sous-préfète de Die. L’État a été au rendez-vous des urgences pour les filières agricoles en difficulté », a-t-elle ajouté après avoir mis en avant le déploiement de 70 mesures d'aides.

Propos receullis par C.L.