Moins de prédation et davantage d'accès à l'eau
Réunis en session, les élus de la chambre d'agriculture de la Drôme ont adopté deux motions, l'une sur la prédation, l'autre sur l'eau. Un bilan de la Pac a par ailleurs été donné.
Un mois après leur installation, les nouveaux élus de la chambre d'agriculture de la Drôme se sont réunis au siège de l'établissement, le 17 mars à Bourg-lès-Valence, sous la présidence de Jean-Pierre Royannez. La journée a débuté par le lancement du projet stratégique de la mandature. Son objectif est d'aboutir à une vision partagée sur le devenir du secteur agricole drômois pour les dix prochaines années. Amenée à se poursuivre, cette réflexion s'appuie sur les travaux menés à l'échelle régionale (Prospect'Aura).
L'après-midi, s'est tenue la session au cours de laquelle a été présenté le compte financier 2024 (9,3 M€ de dépenses - résultat + 38 931 €). Les élus ont également pris connaissance des règles comptables qui régissent le fonctionnement de la chambre d’agriculture, établissement public administratif (EPA).
Faire baisser la pression du loup
Lors de cette session, une motion sur la prédation, l'élevage et l'agro-pastoralisme a pointé « les effets néfastes et manifestes de la prédation sur les éleveurs : souffrance morale, sentiment d'échec, stress, injonctions contradictoires de la société civile ». Entre 2021 et 2024, plus de 2 700 animaux d’élevage ont été prédatés en Drôme, soit environ huit élevages ovins selon les effectifs moyens drômois. Considérant que l'élevage et le pastoralisme drômois sont essentiels à l’économie, la chambre d’agriculture demande que « la politique de déclassement du loup soit poursuivie à l’échelle de l’Europe, jusqu’à prendre en compte son caractère nuisible […] et ce y compris en revoyant les engagements de la France au niveau de la Convention de Berne et de la directive Habitat ». La motion dénonce aussi « les stratégies de décarbonation portées par des multinationales et se traduisant par un ré-ensauvagement des milieux au détriment du pastoralisme ». Il est demandé que « les modalités de comptage des populations de loups soient revues et que les niveaux de prélèvement du prédateur soient portés à 30 %, estimant que le taux actuel de 19 % ne permet pas de limiter la pression sur les élevages ». Enfin, la chambre d'agriculture demande que « le recours aux tirs de défense simples (TDS) et renforcés (TDR) soit libéralisé pour faire baisser la pression, en appliquant à ces autorisations nominatives un caractère confidentiel pour éviter d’exposer les éleveurs à des rétorsions judiciaires inappropriées ».
Cette motion a été adoptée avec vingt-trois voix pour, trois absentions et un vote contre.
Pour une irrigation durable
L’eau a fait l'objet d'une autre motion pour « une irrigation durable et adaptée en Drôme, la souveraineté agricole et l’économie départementale ». Celle-ci s'inscrit, d'une part dans un contexte d'élaboration des plans territoriaux de gestion de l'eau (PTGE) et, d'autre part, de prochaines réunions sur les onze bassins-versants de la Drôme en vue de la révision du Sdage*. La chambre d'agriculture considère que « l'accès à l'eau est un enjeu vital pour la pérennité des exploitations agricoles et la souveraineté alimentaire » et que « le maintien d'une agriculture productive et durable en Drôme repose sur des infrastructures adaptées pour sécuriser l'accès à l’eau ». Le tout sur fond de changement climatique et d'équilibre économique.
Ce faisant, la chambre d'agriculture demande de « ne pas soumettre l’accès à l’eau à des modélisations qui surinterprètent le fonctionnement de la nappe de la molasse du Bas Dauphiné », « une gestion annuelle au plus proche des possibilités d’irrigation, […] pas seulement pour accroître les restrictions d’accès à la ressource en eau mais aussi pour redonner des perspectives ». Elle prône « le développement et la modernisation des infrastructures d'irrigation et de stockage ». Mais aussi « la poursuite du Plan eau annoncé par le président de la République en mai 2023, et le déblocage des 30 M€ annuels pour le développement de solutions de stockage et de substitution adaptées aux besoins du territoire ». Des soutiens financiers et techniques sont également demandés pour optimiser et moderniser les systèmes d’irrigation et accompagner les agriculteurs vers des pratiques efficientes en matière de gestion de l’eau.
L'eau reste un sujet de tension et les débats autour de cette motion l'ont une nouvelle fois prouvé. Cette motion a fait l'objet d'un vif débat entre partisans d'un élargissement de l'accès à l'irrigation et défenseur d'une approche plus restrictive. Mise au vote, elle a été largement adoptée avec vingt-quatre voix pour et trois votes contre.
C.L.
* Sdage : schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, outil de planification visant à assurer la gestion de la ressource et des écosystèmes aquatiques, à l'échelle des grands bassins hydrographiques.
Dossiers Pac : plus de 3 600 dossiers et 67 M€
En session de la chambre d'agriculture, Stéphanie Devernay, cheffe de pôle à DDT de la Drôme, a présenté une photographie de la politique agricole commune (Pac) sur le département. En 2024, 3 623 dossiers Pac ont été déposés (contre 3 780 en 2023). Les paiements ont représenté 67,3 millions d'euros en 2023 (contre 62 M€ en 2022), soit 5 M€ de plus d'une année à l'autre. Dans le détail, 44,7 M€ sont des aides du premier pilier de la Pac et 22,6 M€ du second pilier.
En 2024, les aides couplées végétales représentent 1 897 dossiers et 2,61 M€ et les aides couplées animales 692 dossiers et 2,48 M€.
Parmi les autres faits marquants, on note la hausse des droits à paiement de base (DPB) avec « une convergence favorable aux exploitations drômoises » ; une stabilité des transferts avec cependant 1 419 DPB transférés vers la Drôme en 2024 ; et 44 % d'écorégimes par la voie de la certification bio et HVE (13 % au niveau national).
En matière de contrôle, le système de suivi des surfaces agricoles en temps réel (3STR) a relevé 624 dossiers avec feux rouges. « Sur les 111 parcelles contestées par les agriculteurs, 66 sont passées au vert », a précisé Stéphanie Devernay.
« Le droit à l'erreur est un nouvel acquis de cette Pac », a souligné Pierre Barbera, directeur de la DDT de la Drôme.
C.L.
Ils ont dit
Sur la prédation, « le préfet est très attentif à la situation des éleveurs, a assuré Pierre Barbera, directeur de la DDT de la Drôme. Trois loups ont déjà été prélevés. » Sur le déclassement du loup d'espèce strictement protégée à protégée, « nous n'avons pas encore connaissance des modifications réglementaires », a-t-il indiqué.
Sur l'eau, « la pression sur les prélèvements concerne tous les usagers : agriculteurs, industriels, collectivités », a fait remarquer Pierre Barbera. Par ailleurs, « le préfet est très mobilisé pour accompagner les projets de retenues de substitution ».
Le directeur de la DDT 26 a mis en avant l'importance des soutiens de la Pac : « Le rééquilibrage des DPB va se poursuivre ». Il a également évoqué le « défi de l'installation avec le départ en retraite d'un agriculteur sur deux d'ici 2030 » et la nécessité du « développement de productions résilientes face au changement climatique ». Un point qui sera développé dans les prochains mois avec le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) publié le 10 mars dernier.
« Nous devons être à la hauteur en tant que premier département agricole d'Auvergne-Rhône-Alpes, a dit Franck Soulignac, premier vice-président du conseil départemental de la Drôme. Il est indispensable de jouer collectif. » Il a rappelé les quatre priorités de la stratégie 2023-2028 du Département en matière agricole : « vivre dignement de son métier ; améliorer les conditions de travail et prévenir les fragilités ; accompagner les transitions agricoles ; valoriser l’expérience agricole drômoise ». « Continuons ensemble à construire l'agriculture drômoise », a-t-il conclu.
Propos recueillis par C.L.