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Installation

Un jeune vigneron confronté au prix élevé du foncier

À Mercurol-Veaunes, Étienne Thivolle s'est installé sur une toute petite surface viticole. D'ici quelques années, il devrait reprendre l'exploitation de ses parents.

Un jeune vigneron confronté au prix élevé du foncier
« Mes démarches d'installation ont été assez rapides », a expliqué Étienne Thivolle. ©CL-AD26

Faire son vin en menant de A à Z sa production, c'est le but que s'est fixé Étienne Thivolle. Pour cela, le jeune homme s'est formé, de 2016 à 2020, dans le Beaujolais puis en Bourgogne. Il a ainsi obtenu un Bac pro CGEA option vigne et vin à Saint-Jean-d'Ardières (69), puis un BTS viticulture œnologie à Beaune (21), formation réalisée en apprentissage. Après un an comme salarié au Domaine du Tunnel, à Saint-Péray (07), Étienne Thivolle s'est installé en janvier 2021 à Mercurol-Veaunes, en individuel. « Mes démarches d'installation ont été assez rapides », a-t-il expliqué le 17 décembre, lors de l'inauguration de son exploitation organisée par le syndicat Jeunes agriculteurs de la Drôme.

En Crozes-Hermitage et en bio

L'exploitation d'Étienne Thivolle compte deux hectares (ha) de vignobles en production, en appellation Crozes-Hermitage. S'ajoutent une jeune plantation de vignes sur un ha ainsi que quatre autres hectares de terre nue. Dès son installation, le jeune vigneron s'est engagé dans une démarche de certification bio, laquelle vient d'aboutir avec son millésime 2024. Un travail du sol est réalisé sous le rang. Les inter-rangs alternent rangs en couvert végétal et rangs labourés.

À raison de 45 hectolitres/ha, ses deux ha ont produit en tout 90 hl cette année. 20 % de la vendange ont fait l'objet d'une récolte manuelle en vue d'une mise en bouteilles (1 000 bouteilles de blanc et 1 000 autres de rouge). Les 80 % restants, récoltés manuellement ou mécaniquement, ont été vendus à trois négociants.

Une reprise en vue

©CL-AD26

Pour s'installer, Étienne Thivolle a emprunté 96 000 euros pour l'achat du foncier (à raison de deux emprunts, l'un de 32 000 € et l'autre de 64 000 €). Le remboursement représente 1 200 € par mois. Le matériel de cave a été autofinancé. Un dossier de demande de dotation jeune agriculteur (DJA) est en attente de validation. « Cela m'aidera à rembourser les prêts de mes parcelles », confie le jeune vigneron.

S'il travaille seul sur son exploitation, Étienne Thivolle est aussi employé sur l'exploitation de ses parents, à raison de 30 heures par semaine. Une exploitation diversifiée qu'il devrait être amenée à reprendre d'ici quelques années. Celle-ci compte 12 ha de vignes dont la vendange est livrée à la Cave de Tain, environ 5 ha de vergers d'abricotiers âgés de 15 à 20 ans et une quarantaine d'ha de céréales livrées à la Drômoise de céréales.

Le 17 décembre, pour l'inauguration de son installation, Étienne Thivolle et ses parents entourés de proches, d'élus locaux, de responsables agricoles. ©CL-AD26

Le défi de l'accès au foncier

Parmi les points forts de son installation, Étienne Thivolle cite l'AOP Crozes-Hermitage mais aussi la possibilité pour lui d'utiliser le matériel viticole et une partie du bâtiment de l'exploitation familiale. Un bâtiment toutefois « peu adapté » à la vinification, fait-il remarquer. Il évoque aussi la nécessité d'améliorer la partie commerciale et pointe le coût élevé d'une plantation et du foncier sur le secteur de l'appellation. Un sujet largement évoqué lors de cette inauguration. 

« Avec une AOP qui a le vent en poupe, l'accès au foncier représente un défi supplémentaire pour l'installation car la concurrence est forte », a fait observer Jean-Philippe Banc, président du centre cantonal des Jeunes agriculteurs (CCJA) de Tain. Sur ce canton, « en peu de temps, environ 30 ha de terres nues ont été attribués notamment à des jeunes », a indiqué Pierre Combat, vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme. 

« Pas au doigt mouillé »

« La Safer intervient sur 20 à 30 % du marché agricole, a fait remarquer Damien Bertrand, directeur départemental Drôme de la Safer Aura. Le reste se fait de gré à gré. » Balayant les critiques, « l'attribution du foncier ne se fait pas au doigt mouillé, ni en catimini », a-t-il souligné, avant d'évoquer les réunions de terrain pour étudier chaque candidature ainsi que le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) élaboré par la profession agricole et sous contrôle de l’État. « Cela fait trente-quatre ans que je travaille en Safer et que j'entends que le foncier est trop cher, a-t-il ajouté. Ce sont les agriculteurs qui font monter le prix du foncier. » Un prix qui peut aussi se retourner à la baisse comme c'est le cas actuellement pour les vignobles du Sud-Drôme, secteur en forte crise économique.

D'où l'intérêt de la diversification des productions pour surmonter un possible retournement. « Oui mais non », a prévenu Jean-Philippe Banc, faisant référence à une journée organisée dernièrement par Fruits Plus. Il faut être vigilant et ne pas prendre de risque inconsidéré, tenir compte du changement climatique... ». Et d'ajouter : « Nous avons sollicité le Cerfrance pour nous éclairer sur l'impact de l'achat et de la vente de foncier à long terme, les incidences fiscales, les problèmes de transmission... »

Christophe Ledoux

Le mur de la transmssion

Le dispositif fiscal actuel destiné à faciliter la transmission des biens ruraux (abattement des baux à long terme) prévoit un abattement de 75 % lors de la transmission sur la valeur des vignes transmises. « Mais le plafonnement à 500 000 €, bien en deçà de la valeur du foncier dans certaines régions viticoles, est aujourd’hui inadapté », argumente Thiébault Huber, vigneron en Bourgogne et trésorier de la Cnaoc (confédération nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à appellations d'origine contrôlées). Les vignerons d’appellation militent pour que la transmission des exploitations viticoles relève du Pacte Dutreil (lequel s’applique à toutes les entreprises) qui offre également un abattement de 75 % sur la fiscalité de la transmission des entreprises familiales mais sans aucun plafond.