EARL du Grand Villard : le pari des protéines végétales
Installé en polyculture élevage sur la commune de Bourdeaux, Benjamin Tron s’est tourné depuis 2019 vers les céréales et les légumineuses.

Voilà dix ans que Benjamin Tron a rejoint l’exploitation familiale, l’EARL du Grand Villard, à Bourdeaux. Après un Bac STAV au lycée agricole Le Valentin et un BTSA technologies végétales spécialité agronomie et systèmes de cultures, le Bourdelois est aujourd’hui seul à la tête de l’EARL, ses parents ayant pris leur retraite. Pour dissocier ses différentes activités, il a créé une deuxième entreprise, l’EARL Tron. « Celle-ci concerne l’atelier volailles. Je poursuis l’élevage de futures poules pondeuses (volailles démarrées) initié par mon père dans les années 1980 », déclare Benjamin Tron. Il élève aujourd’hui 28 600 poulettes d’un jour à dix-sept semaines, en intégration avec la coopérative Oxyane. Cette activité lui assure aujourd’hui un revenu stable (soit un tiers de son chiffre d’affaires) et un apport de fumier intéressant pour la fertilisation de ses sols.
L’EARL du Grand Villard a converti ces dix dernières années 95 hectares en agriculture biologique, sur les 103 que compte l’exploitation. à court terme, la totalité de la surface sera en bio. Une évolution conjointement liée à une recherche de diversification. Historiquement, l’EARL produisait des semences de tournesol et des céréales. Benjamin Tron a progressivement arrêté les semences - du fait de prix en baisse - pour se tourner vers la production de luzerne. 60 % de sa production sont vendus à des éleveurs caprins du canton.
Répondre aux attentes sociétales
Grâce à la présence d’une retenue collinaire sur l’exploitation, il cultive également 56 ha (dont 11 en conventionnel) de céréales à paille (blé meunier, sarrasin) et, depuis l’an dernier, des graines du type pois chiche, lentille verte, petit épeautre, quinoa... Treize hectares sont consacrés à ces nouvelles productions : « J’avais commencé par les pois chiches que je produisais auparavant en semences pour Top Semence. J’ai profité de l’engouement autour des protéines végétales et du manger “local” pour développer ma gamme de produits », explique Benjamin Tron.
Pour sécuriser son exploitation, l’agriculteur s’est fixé comme objectif de vendre chacune de ses productions dans l’année. « Après, il faudrait passer à une autre échelle et investir dans du matériel », dit-il. Côté production, les lentilles et le petit épeautre lui permettent justement de valoriser ses petites terres les moins productives. Ces cultures s’adaptent très bien sur un sol léger et superficiel. Cependant, « je ne veux pas en faire plus de trois hectares pour ne pas prendre de risque car la lentille est une culture assez difficile à gérer, avec des rendements très aléatoires. L’an dernier, je l’ai associée avec de la cameline pour faciliter la récolte. Je souhaite désormais valoriser la cameline en huile, prisée dans la cosmétique et les soins, et trouver des débouchés. » Autre culture à explorer, celle du quinoa. Benjamin Tron en a produit sur 0,5 ha l’an passé, avec un rendement de 500 kg. « J’ai eu un très bon rendement. En revanche, le quinoa est très amer. Le rendu n’est pas satisfaisant. C’est d’autant plus dommage que la demande est importante », affirme-t-il.
Privilégier la vente directe
Sur ses étals, le jeune agriculteur propose de la farine de petit épeautre, de blé ou de sarrasin, céréales qu’il confie à La Ferme de la Grandchane (Séderon) en prestation de services. Pour commercialiser ses produits sous le nom commercial « Les Graines de Ben », le jeune agriculteur de 31 ans, ancien président des JA du canton de Crest, mise sur les circuits courts : vente à la ferme sur demande, dans des épiceries locales, des magasins de producteurs ou encore des magasins bio. « 50 % des ventes se font sur les secteurs de Crest et Romans-sur-Isère », indique-t-il.
Face à la demande croissante des consommateurs et aux nouvelles attentes sociétales, Benjamin Tron estime avoir pris le créneau au bon moment. « D’ailleurs, beaucoup d’agriculteurs se lancent aujourd’hui dans ces productions. Je vois arriver la concurrence », avoue-t-il.
En parallèle, Benjamin Tron propose également de la prestation de service de triage à façon de tous types de graines. « On trie nos céréales pour les semences et nous les vendons à des agriculteurs en bio qui démarrent. Nous faisons aussi pas mal de prestations en triage de graines depuis trois ans. »
L’agriculteur commercialise tous ses produits en vente directe.
A l’avenir, l’agriculteur souhaite développer cette activité avec de la main-d’œuvre qualifiée. « Il est difficile d’en trouver. De plus, mon emplacement géographique représente un frein. Aujourd’hui, le développement de mon exploitation est ralenti par le manque d’un salarié polyvalent, déplore-t-il. à vrai dire, je ne pensais pas me diversifier autant. Ma passion reste avant tout l’agronomie et la production. »
Amandine Priolet
Repères
Le point de vue technique
« Les lentilles et les pois chiches présentent des aléas assez comparables. Ce sont des plantes qui ont, notamment en bio, des résultats très aléatoires d’année en année. Ces cultures sont donc assez difficiles à sécuriser », explique Jean Champion, conseiller spécialisé grandes cultures bio à la chambre d’agriculture de la Drôme. Plante à croissance indéterminée, le pois chiche a rendu un verdict décevant en 2021. « La particularité de cette culture réside dans le fait que son cycle s’arrête lors d’un stress. Chez nous, il s’agit souvent de la sécheresse d’été. Or, en 2021, les cultures n’ont pas ressenti de stress hydrique et le cycle ne s’est jamais arrêté. La moitié des parcelles drômoises n’ont donc pas pu être récoltées ». Par ailleurs, la pluviométrie a entraîné de forts problèmes de salissement dans les parcelles, le pois chiche ne pouvant être biné qu’en début de cycle. Même problématique pour les cultures de lentilles, qui ne peuvent recevoir qu’un ou deux passages de herse étrille en stade très précoce. « Ce sont des légumineuses grimpantes mais peu couvrantes. Il est donc intéressant de les associer à une autre culture pour assurer la couverture du sol, qui lui servirait de “tuteur”. Cependant, les expérimentations de doubles cultures en bio n’ont pas encore permis de définir le tuteur le mieux adapté. Pour le moment, je conseille la cameline qui semble bien s’adapter. » Comme toutes cultures, ces protéines végétales sont aussi touchées par des maladies ou des ravageurs : l’héliothis, l’ascochytose, la fusariose pour le pois chiche, la bruche et la fusariose pour les lentilles.
Quant au quinoa, Jean Champion avoue avoir une vision assez négative du développement de cette culture dans la Drôme. Parmi les expérimentations réalisées dans la plaine de Valence, « nous n’avons jamais réussi à récolter des rendements corrects, les coups de chaud du printemps n’étant pas adaptés à ces plantes ». Les récoltes semblaient en revanche plus intéressantes en zone de montagne, dans le Diois à 1 000 m d’altitude. « C’est une culture assez aléatoire sur laquelle on n’a que très peu de recul », souligne Jean Champion.
Il reste encore beaucoup d’inconnues quant aux itinéraires techniques à adopter. C’est notamment l’objet du programme Pepit légumes secs (2020-2022) piloté par la chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, dont le but est d’acquérir des références (lentille, pois chiche, haricot et pois blond) grâce à des essais et des suivis de parcelles bio et conventionnelles.
A. P.
Une sensibilité aux énergies renouvelables
En 2019, Benjamin Tron a fait construire un hangar photovoltaïque de 1 000 m² pour la production d’électricité (100 kW). « Je vends la totalité de ma production à EDF pour financer le bâtiment de stockage essentiellement destiné à mon commerce de luzerne. Cela m’assure un revenu de 17 000 € par an et me rembourse l’intégralité de mon investissement », note-t-il.
Par ailleurs, il a pour objectif de solariser et de désamianter les anciennes toitures et de développer la partie photovoltaïque, dans le but de financer les rénovations et l’entretien des toitures (environ 2 500 m²). Parmi les autres projets, la construction d’un bâtiment de 200 m² pour faire de l’autoconsommation et ainsi éviter les dépenses énergétiques du bâtiment avicole et de l’irrigation. Ce bâtiment abriterait l’atelier de tri et de conditionnement.