Les vignerons indépendants de la Drôme face à un marché totalement déstabilisé
La fédération des vignerons indépendants de la Drôme a réuni ses adhérents à Roussas le 16 avril dernier. L’occasion de rappeler les enjeux auxquels elle doit faire face dans un contexte géopolitique désordonné.

En mars 2024, la fédération des vignerons indépendants de la Drôme vivait un moment historique avec le rapprochement de la fédération du Vaucluse. L’idée était de mutualiser les missions administratives et l’offre de services auprès des vignerons, alors que la fédération drômoise et ses 81 adhérents ne disposaient pas des moyens nécessaires. Ce rapprochement s’est fait en même temps que le départ de Sylvie Chevrol-Michelas à la présidence, elle qui occupait le poste depuis 2007. « 2024 a marqué une nouvelle gestion de notre action sur la Drôme, qui s’étend de Crozes Hermitage à Vinsobres, soit 24 appellations. Les problématiques sont très distinctes, que ce soit de reconnaissance d’appellation, de commercialisation, de travail de la terre... », a alors affirmé Nathalie Bour (Domaine de Grangeneuve, Roussas), nouvelle co-présidente au côté d’Emmanuel Poulet (Cave Poulet & Fils, Vercheny). Ce dernier a d’ailleurs annoncé : « Ensemble, nous sommes plus forts, plus organisés et plus réactifs. Cela est bénéfique, car le métier de vigneron est complexe : nous sommes à la fois viticulteur, vinificateur, commerçant, voire plus. La réussite de nos entreprises dépend de notre capacité à être performant dans tous ces domaines. Un quotidien qui n’est pas toujours simple, d’autant plus que la consommation du vin est en pleine mutation. Après une période faste, les vins biologiques connaissent une période plus difficile avec une baisse de la consommation et des cours au plus bas. Les vins natures ont connu un succès auprès d’une partie de la clientèle citadine. Mais aujourd’hui, c’est le vin sans alcool qui se développe et modifie encore nos habitudes de consommation. Notre métier nous demande de nous réinventer et de nous adapter en permanence, mais n’oublions surtout pas de préserver l’expression de notre terroir et notre âme de vigneron(ne)s ».
Une mutation de la consommation
L’assemblée générale 2025, organisée le 16 avril à Roussas, a également permis d’évoquer le contexte des marchés. Pour Emmanuel Poulet, « les marchés internationaux ont beaucoup évolué depuis le Covid. La Chine a vu sa consommation baisser fortement et a mis en place des barrières douanières sur les Cognac et les Armagnac. Si cela n’a pas d’impact pour le moment, à long terme, le marché des vins de France et des IGP pourrait se retrouver complètement déstabilisé ».
Du côté des états-Unis, l’élection de Donald Trump pèse là aussi un poids important sur le marché viticole. « Le marché américain représente 25 % des exportations françaises. Le marché s’est fortement rétracté, en raison de l’imprévisibilité de la politique commerciale de Trump, avec de nombreuses commandes mises en attente par peur de l’importateur de payer les 200 % de taxes… La situation est aujourd’hui loin d’être stabilisée », a expliqué le co-président. Et de poursuivre : « Les désordres géopolitiques auxquels nous sommes confrontés ont freiné - voire figé - les développements à l’export de nombre d’opérateurs. Les marchés français et européens présentent quant à eux moins d’incertitude, mais ne pourront absorber plus de volumes d’autant plus dans une période de mutation de la consommation ».
Dans ce contexte compliqué, la fédération des vignerons indépendants essaie de trouver des pistes d’évolution. « Commercialement, c’est compliqué pour tout le monde, notamment pour des appellations plus méconnues… Néanmoins, nous continuons à faire notre travail tel que nous savons le faire. Il faut s’appuyer sur la marque Vignerons Indépendants, une marque forte qui signe notre savoir-faire et la qualité de nos produits. Notre modèle de vigneron est celui qui va résister à la suite… Nous avons appris à être réactifs depuis le Covid, et nous sommes obligés de faire évoluer notre gamme tout en conservant notre authenticité », a conclu Nathalie Bour.
Amandine Priolet
L’œnotourisme : un enjeu incontournable
Réunis en assemblée générale, les adhérents ont pu saisir l’importance de l’œnotourisme, comme un axe majeur de développement économique des exploitations viticoles. « Chez les Vignerons Indépendants, être en contact direct avec leurs clients ou visiteurs, sur les salons mais aussi au sein des caveaux, est dans leur ADN. Aujourd’hui, l’œnotourisme est un véritable levier de croissance. C’est une valeur ajoutée pour nos domaines et notre économie », a déclaré Ludovic Walbaum, président de la commission nationale Oenotourisme.
En 2023, 12 M d’œnotouristes (55 % de Français et 45 % d’internationaux) ont visité les vignobles français, selon une étude menée par Atout France. « Au sein des Vignerons Indépendants, 89 % des viticulteurs accueillent du public au sein de leur caveau », a annoncé Caroline Bousquet, en charge du développement de l’œnotourisme au sein des Vignerons Indépendants de France. Dans la Drôme, le chiffre d’affaires en termes de tourisme (de manière générale, ndlr) avoisine les 830 M€. « Le prix médian d’une visite dégustation sur un domaine en Drôme est de 15 € », a-t-elle présenté. La visibilité digitale – notamment sur des sites de réservation d’expérience (Booking, TripAdvisor, etc.) - apparaît aujourd’hui comme un élément indispensable pour attirer de nouveaux clients.
A.P.