Evolution climatique : réfléchir au Vercors de demain
Les chambres d’agriculture de la Drôme et de l’Isère, l’Inrae, le Lessem et le Parc naturel régional du Vercors ont effectué un travail sur les prévisions du réchauffement climatique dans le Vercors. Les premières conclusions ont été restituées le 25 mars à Saint-Agnan-en-Vercors.

Les conséquences des gaz à effet de serre n’étant visibles que trente ans après leur émission, il est donc seulement possible aujourd’hui d’avoir une idée du climat de 2050. Les chambres d’agriculture de la Drôme et de l’Isère, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), le Laboratoire écosystèmes et sociétés en montagne (Lessem) et le Parc naturel régional du Vercors se sont donc alliés pour élaborer, dès maintenant, des stratégies d’acclimatation pour l’horizon 2100. Car même s’il est impossible de connaître avec exactitude l’état du climat à la fin du XXIe siècle dans le Vercors, il est important de réfléchir dès maintenant aux moyens d’adaptation des élevages et des cultures.
Des scénarios pessimistes
« Nous avons retenu les prévisions les plus pessimistes du Giec1 pour 2100 car nous constatons que le CO2 augmente selon le rythme de son pire scénario », explique Jean-Pierre Manteaux, conseiller fourrages et changement climatique dans les chambres d’agriculture de la Drôme et de l’Isère. Et ce scénario prévoit une hausse moyenne des températures pour 2100 de + 5 °C par rapport à celles d’aujourd’hui, alors qu’il a fallu 5 000 à 10 000 ans pour gagner + 5 à + 6 °C. Un climat méditerranéen pourrait ainsi arriver dans la Drôme si les accords de Paris étaient respectés. Dans le cas contraire, le département pourrait subir un climat sicilien ! Depuis 1960, + 0,3 °C est gagné en moyenne chaque décennie et, dans le Vercors, les hauts plateaux se sont réchauffés plus rapidement. Selon la chambre d’agriculture de la Drôme, une hausse de + 4 °C devrait être atteinte en moyenne dans le Vercors en 2100.Ces données ont pu être déterminées grâce à des simulations effectuées dans une dizaine de sites répartis dans le massif, montrant des hausses de températures comprises entre + 3,9 et + 4,5 °C. La Chapelle-en-Vercors est représentative de ces augmentations. La température moyenne entre 1975 et 2005 était de 8,1 °C. Elle est aujourd’hui de 9,3 °C et devrait atteindre 12,1 °C d’ici 2100. Cela posera problème aux éleveurs car le nombre de jours où la température sera supérieure à 25 °C augmentera lui aussi. Entre 1975 et 2005, il y en avait environ dix par an. à l’horizon 2100, on pourrait compter jusqu’à 53 jours. à Hauterives, il devrait même y avoir entre 41 et 110 jours où la température serait supérieure à 25 °C. à noter, depuis 1960, treize jours de printemps ont été gagnés en termes de température dans le Vercors. Des constats qui inquiètent, notamment en ce qui concerne la ressource en eau.
L’eau au cœur des préoccupations
L’Inrae a mis au point un outil informatique nommé Alpages Sentinelles2. Son but : mettre à disposition des données concernant le changement climatique dans les alpages à l’échelle des Alpes. Il permet de constater qu’à l’horizon 2100, il n’y aura pas d’évolution significative des précipitations, quelle que soit la saison concernée. Le bilan hydrique diminuera ainsi dans tout le Vercors, particulièrement en été. Les périodes de sécheresse, qui correspondent à plusieurs mois consécutifs durant lesquels le bilan hydrique est inférieur à certains seuils, se feront plus fréquentes mais également plus longues, en particulier dans le secteur sud-est du Vercors. La ressource en eau évoluera donc. à Autrans-Méaudre-en-Vercors, des données sont récoltées depuis 1972 « car il faut au moins trente ans pour pouvoir constater un changement », explique l’Inrae. Les débits mensuels moyens par décennie ont considérablement évolué. En quarante ans, le pic de fonte des neiges est passé de début avril à début mars. Les débits sont également plus bas. « Nous entrons dans une période de basses eaux un mois plus tôt et nous en sortons un mois plus tard », explique Claire Deleglise, ingénieure de recherche en agronomie à l’Inrae. à partir des années 1990, les jours d’étiage augmentent chaque année. La période de fort étiage, qui a lieu en hiver, diminue. Cela a pour conséquence une plus faible quantité d’eau dans les rivières mais également dans les sources. « De plus en plus, certaines sources qui n’ont jamais été vues à sec le deviennent », ajoute Clément Le Dizes, conseiller aléas climatiques à la chambre d’agriculture de la Drôme.
S’adapter
L’Inrae, le Lessem, le Parc du Vercors et les chambres d’agriculture de la Drôme et de l’Isère ont tenté d’élaborer des stratégies d’adaptation pour les élevages. Des entretiens auprès d’une vingtaine d’éleveurs vertacomicoriens ont fait ressortir le fait qu’il y avait des exploitations au profil pastoral et d’autres au profil fourrager. Les premières sont majoritairement constituées d’ovins allaitants, les secondes de bovins lait. Les éleveurs expliquent être fortement préoccupés par le changement climatique et par les sécheresses.
Dans le Vercors drômois et dans les secteurs de la Gervanne et du Royans, les étés sont plus chauds et plus secs, ce climat débordant sur l’automne. Concrètement, cela crée des difficultés pour l’implantation des prairies et dégrade les prairies naturelles, notamment avec le tarissement des sources. Qui plus est, « le surpâturage augmente les effets de la sécheresse, explique Jean-Pierre Manteaux. S’il n’y a plus d’herbe, il ne faut pas mettre d’animaux dans les prairies car ils tassent le peu qu’il y a. »
Des expérimentations consistent à étudier les gains apportés par du pâturage en petites parcelles, par des modifications de dates de rentrée des troupeaux (en novembre par exemple), par une complémentarité de couverts pâturés, avec notamment du sorgho, du méteil et de la betterave. La chambre d’agriculture de la Drôme conseille d’ores et déjà d’avoir de la luzerne et de la fétuque élevée ou bien du dactyle, du sainfoin ou du lotier dans ses prairies. Elle préconise également de baisser le chargement en animaux et de prévoir davantage de stocks de sécurité.
Morgane Poulet
1 Giec : Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat créé en 1988. Il fournit des données sur le changement climatique ainsi que des stratégies vers lesquelles se tourner pour limiter son effet.
2 https://www.alpages-sentinelles.fr/