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Irrigation

Un nouvel accord pour une gestion concertée de l'eau en agriculture

Afin de poursuivre et renforcer la concertation dans la gestion quantitative de la ressource en eau, un nouvel accord-cadre a été signé. Quatre grands objectifs sont définis en matière d'irrigation pour le département. Le tout dans un contexte de changement climatique accentuant les tensions sur l’eau.

Un nouvel accord pour une gestion concertée de l'eau en agriculture
Signé le 5 mai à la station des Triboullières de Saint-Nazaire-en-Royans, le cinquième accord-cadre sur la gestion de l’eau d’irrigation prévoit la répartition des volumes par bassin versant et identifie les actions nécessaires à mettre en place pour garantir la pérennité et l’équilibre de la ressource. Les signataires sont le préfet de la Drôme (représentée ici par Isabelle Nutti directrice de la DDT), Marie-Pierre Mouton (présidente du conseil départemental) Jean-Pierre Royannez (président de la chambre d’agriculture), Nicolas Alban (directeur régional de l’Agence de l’eau RMC), Philippe Breynat (président d’Adarii), et Bernard Vallon (président du SID).

A lui seul, le département de la Drôme regroupe 30 % des surfaces irriguées d'Auvergne-Rhône-Alpes. C'est dire l'importance que revêt l'irrigation dans l'économie des exploitations agricoles drômoises. Quasiment une exploitation sur deux (soit 2 800) dispose de l’irrigation à partir principalement de réseaux collectifs. La très grande majorité de l'eau est prélevée à partir de ressources abondantes : le Rhône et sa nappe (30 %), l'Isère (17 %), la Bourne (21 %) ainsi que les nappes souterraines (17 %). S'agissant de la répartition des cultures irriguées (chiffres de 2019), le maïs arrive en tête (26 %) suivi de près par les vergers (23 %) puis les semences (19 %), les céréales et oléoprotéagineux (19 %), les légumes (5 %), les cultures fourragères (4 %) ainsi que diverses autres productions (4 %). « Seulement 21 % de la surface agricole utile départementale est irriguée, fait remarquer Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme. C’est peu mais essentiel pour produire et maintenir les exploitations ainsi que notre indépendance alimentaire. L’eau, c’est stratégique en agriculture et son utilisation se fait en responsabilité. » Des propos tenus juste avant la signature du cinquième accord-cadre sur la gestion quantitative concertée de la ressource en eau à destination de l’agriculture, le 5 mai à Saint-Nazaire-en-Royans, à la station des Triboullières (voir ci-dessous). Un document signé par les représentants de l’État, du Département, de la chambre d’agriculture, de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse (RMC), du syndicat d’irrigation drômois (SID) et de l’association départementale des irrigants individuels (Adarii).

Quatre objectifs

Les signataires du nouvel accord-cadre ont choisi un endroit emblématique : la station des Triboullières, qui permet d’alimenter le canal de la Bourne pendant les mois d’été.

Depuis la mise en place des tours d'eau en 1995 et la signature de quatre accords-cadre (en 2002, 2007, 2011 et 2016), la chambre d'agriculture et les irrigants ont su entretenir avec leurs interlocuteurs un dialogue constructif, même si parfois les discussions sont vives. Cette cinquième version (2021-2024) prévoit la répartition des volumes d’eau destinés à l’irrigation par bassin versant et identifie les actions nécessaires pour garantir la pérennité et l’équilibre de la ressource. L’accent est mis sur une connaissance exhaustive des irrigants et des volumes prélevés pendant et en dehors de la période d’étiage. « Nous voulons assurer l’équité entre irrigants », insiste Jean-Pierre Royannez. Favoriser l’émergence de projets de substitution est un autre objectif. « Avec le changement climatique, les retenues collinaires comme de plus gros projets doivent continuer à être soutenus par les collectivités et l’Agence de l’eau », souligne-t-il. Une gestion économe de l’eau est aussi mise en avant afin d’accompagner les agriculteurs sur l’évolution des pratiques d’irrigation, des techniques culturales, la diversification et l’adaptation des assolements. Enfin, ce nouvel accord-cadre veut améliorer la gouvernance de la gestion de l’eau destinée à l’irrigation. A travers l’Organisme unique de gestion collective (OUGC), la chambre d’agriculture sera chargée, désormais, d’organiser la répartition des volumes d’eau prélevables, d’arrêter les règles pour adapter cette répartition en cas de crise, ainsi que de donner son avis au préfet sur tout projet de création d’un ouvrage de prélèvement.

Economie et stockage de l’eau

Jean-Pierre Gallice (SID) a expliqué les modalités techniques de la station des Tribouliières.

Pour Philippe Breynat, président d’Adarii, « il faut créer davantage de retenues collinaires et d’ouvrages de stockage d’eau », à l’image de la réserve de substitution des Juanons à Montmeyran (1,5 million de m³ d'eau par an depuis 2006). Bernard Vallon, président du SID, met en avant l’importance des financeurs dans la réalisation des ouvrages collectifs d’irrigation. « Sans eux, on ne pourrait rien faire pour le monde agricole. » Les projets nécessitent d’importants moyens et les aléas lors des travaux - comme ceux sur le chantier du réseau de maillage d’Allex-Montoison (lire page 3)- entraînent des surcoûts. « L’eau est devenue une perle rare qu’il faut préserver et cet accord-cadre est une nouvelle étape face au défi du changement climatique, estime Marie-Pierre Mouton, présidente du Département. Rien ne sera facile et le sens des responsabilités nous anime tous. »

« Connaissance des prélèvements, force du collectif et recherche de l’adaptation agronomique font de la Drôme un département intéressant, constate Nicolas Alban, directeur régionale de l’Agence de l’eau RMC. Mais il prévient : « Il y a des choses douloureuses dans l’accord-cadre, comme la baisse des prélèvements. Mais c’est pour être plus fort demain face au changement climatique ». Des propos relayés par Isabelle Nutti, directrice de la DDT et représentante du préfet de la Drôme. « Beaucoup a été fait mais il faut mettre un coup d’accélérateur sur la gestion quantitative de l’eau car les sécheresses démarrent de plus en plus tôt. Il faut plus de rigueur chez tous les usagers - et pas seulement chez les agriculteurs - pour répartir au mieux et le plus équitablement possible, insiste-t-elle. C’est un ambition forte et exigeante à la fois pour économiser l’eau et créer de nouvelles réserves de substitution. »

Christophe Ledoux

L’alimentation du canal de la Bourne renforcée grâce à la station des Triboullières

En 2014, la hausse des débits réservés a entraîné une baisse des débits disponibles pour le canal de la Bourne de 1 851 litres par seconde. Les prélèvements pour l’alimentation du canal au niveau de la retenue du barrage d’Auberives-en-Royans ont ainsi fortement diminué. Cette augmentation des débits réservés a été acceptée par le SID sous réserve de pouvoir compenser en grande partie les prélèvements manquants par un pompage dans l’Isère (ressource non déficitaire). Ceci afin de permettre la poursuite des activités utilisant les eaux amenées par le canal de la Bourne à périmètre constant sans développement des surfaces irriguées.

Le projet de station a pris naissance en 2014 et les travaux, débutés il y a quatre ans, ont été achevés au printemps 2019, ce qui a permis une mise en service cette même année. 2 238 000 euros HT ont été investis. Des aides ont été obtenues : Feader (259 000 €), Région (250 000 €), Département de la Drôme (250 000 €), Département de l’Isère (46 000 €). Le reste a été autofinancé par le SID.

Située à 50 mètres en dessous du canal de la Bourne, la station des Triboullières est équipée de deux canalisations qui plongent dans l’Isère. Trois pompes submersibles (1,35 m³ seconde) refoulent ensuite vers le canal. L’emplacement d’une quatrième est prévue (en cas de besoin et si autorisation de prélèvement), ce qui monterait le débit à 2 m³ seconde. Lorsque le débit du canal est insuffisant, la station est mise en route, en général entre mi-juin et septembre.

C. L.

La station des Triboullières fonctionne depuis 2019. Elle permet de compenser la hausse du débit réservé sur la Bourne.