Arboriculteurs, passionnés avant tout
Samuel Correard et Benjamin Junillon sont deux jeunes arboriculteurs drômois passionnés par leur métier. Si tous les deux partagent des inquiétudes pour l’avenir, ils n’échangeraient pas leur vie. Ils témoignent.

Samuel Correard a grandi au milieu des vergers de l’exploitation familiale. Mais au moment de se lancer dans sa vie professionnelle, Samuel a décidé de voler de ses propres ailes. « Je me suis installé en dehors du cadre familial et j’ai décidé de créer ma société », explique le jeune arboriculteur de 32 ans. En décembre 2020, il reprend donc une exploitation dans les Baronnies provençales et quatre ans plus tard, il exploite 21 hectares (ha) d’abricots labellisés, pour la majorité, en IGP abricot des Baronnies. « Je suis un vrai passionné de ce produit. Il est le reflet de notre territoire. Cette IGP nous permet de transformer nos handicaps en atouts. À nous aujourd’hui de la faire fructifier. » En effet, pour Samuel Correard, qui travaille dans des vergers qui se situent entre 650 et 800 m d’altitude, cette spécialisation dans un abricot haut de gamme est un gage pour l’avenir. « Les consommateurs seront toujours en recherche de bons produits. J’aime cette idée de produire un dessert, un aliment qui procure des émotions. Nous sommes heureux que certaines personnes viennent de loin pour acheter nos fruits que nous vendons en partie sur la ferme », souligne-t-il. Alors, pour lui, les arboriculteurs de demain, comme ceux d’hier, devront être passionnés. « Dans notre profession, nous capitalisons sur l’avenir. Il est certain qu’en arboriculture, comme globalement en agriculture, nous faisons face à des difficultés comme notamment le recrutement de main-d’œuvre. Avant de se lancer, il est primordial de bien réfléchir à son projet d’entreprise pour que cela ne devienne pas un sacerdoce. »
« En dix ans, la profession a beaucoup changé »
Une passion pour la culture des arbres fruitiers partagée par Benjamin Junillon, exploitant agricole à Châteauneuf-sur-Isère. Si le jeune homme de 33 ans ne se destinait pas au départ à l’arboriculture, il a très vite attrapé le virus de la filière fruits. « J’ai toujours travaillé l’été chez des arboriculteurs et le jour où j’ai eu mon BTS de comptabilité en poche, je me suis posé la question de continuer mes études ou d’entrer dans la vie professionnelle. Le père de Morgane, ma compagne, était arboriculteur. J’ai décidé de sauter le pas et j’ai suivi une année de formation en arboriculture à la MFR d’Anneyron », se souvient Benjamin Junillon. Il reprend en fin d’année 2017 l’exploitation de son beau-père et exploite aujourd’hui près de 90 ha de vergers de multiples espèces et produit 600 tonnes (t) de pêches et 400 t d’abricots. Si aujourd’hui, il devait faire le même choix, Benjamin n’est pas certain qu’il embrasserait le métier d’agriculteur. « En dix ans, la profession a beaucoup changé. Les ressources humaines, que ce soit sur le plan du recrutement ou de la législation, sont de plus en plus compliquées quand les évolutions sur la question des phytosanitaires sont aberrantes. Par ailleurs, je trouve qu’un véritable fossé se creuse entre le monde agricole et le reste. J’aimerais vraiment ne plus devoir aller manifester et demander des subventions mais pouvoir gérer mon exploitation comme toute autre entreprise privée et pouvoir investir comme il est nécessaire de le faire. Pour cela, nous devons vendre notre production à un prix rémunérateur, soit 20 centimes de plus au kilo qu’aujourd’hui. » Pour autant, Benjamin Junillon ne regrette rien. « Faire ce métier est hyper gratifiant. Mon but premier demeure et demeurera de nourrir les populations. J’aime mon travail et dans le monde agricole et notamment à Châteauneuf, il y a un véritable dynamisme et une réelle entraide entre nous et cela n’a pas de prix. »
Marie-Cécile Seigle-Buyat
Benjamin Junillon : « Le gel est le pire pour moi »

Depuis son installation en 2017, Benjamin Junillon, arboriculteur à Châteauneuf-sur-Isère, n’a pas connu d’année sans gel ou grêle. Alors, petit à petit, l’agriculteur se protège et s’adapte. « En 2019, deux ans après mon installation, j’ai commencé à couvrir une partie de mes vergers contre la grêle. Aujourd’hui, j’ai une trentaine d’hectares (ha) couverts sur les 90 que j’exploite. Je suis également assuré. » Si la grêle est un véritable fléau pour Benjamin, ce qu’il redoute le plus est le gel. « La période de mars - avril est psychologiquement très difficile pour moi. Le gel, il n’y a rien de pire. Nous savons qu’il arrive, mais on ne sait pas la surface qui va être touchée. » Pour se prémunir, Benjamin Junillon protège une quarantaine d’hectares avec des bougies anti-gel. Il a également installé trois tours à vent. « C’est cher à l’achat, mais ces installations sont pérennes et faciles à mettre en route. En dix minutes par tour, nous protégeons 5 ha ; avec des bougies, il nous faut une vingtaine de minutes. » Pour autant, du fait de la typologie de ses terrains, Benjamin Junillon sait qu’il ne pourra pas en installer d’autres et continuera à utiliser des bougies. Alors pour optimiser les choses et mettre toutes les chances de son côté, l’exploitant drômois fait appel depuis quatre ans à un service de météorologie privé. « Des météorologues sont connectés à nos sondes météos et sont d’astreinte les nuits où le stade phénologique est sensible. Ils nous appellent lorsque les températures tombent trop bas pour que nous ayons le temps de nous retourner et déployer les bougies ou de mettre en route les tours à vent. » De quoi être un peu plus serein.
M.-C. S.-B.
Samuel Correard, de multiples solutions face aux aléas climatiques

Pour Samuel Correard, jeune arboriculteur des Baronnies, le constat est sans appel. Depuis son installation en 2020, les aléas climatiques alors que la problématique gel était faible sur cette exploitation. Alors, comme son prédécesseur avant lui, il investit pour protéger son verger. Samuel a fait le choix des bougies anti-gel dont il adapte la disposition en fonction du vent. Il privilégie également les variétés autofertiles. Contre la grêle, Samuel Correard mise sur les filets. « Couvrir ses vergers représente un véritable investissement, c’est certain. Toutefois, grâce aux aides du Feader, ça devient raisonnable de s’équiper. L’enjeu demeure dans notre capacité à produire », explique le jeune arboriculteur.
Par ailleurs, au cœur des Baronnies, où la ressource en eau peut se faire rare et où il n’y a pas de borne d’irrigation sous pression au bord des parcelles, Samuel Correard a construit avec son voisin une retenue collinaire pour faire face aux sécheresses. « Nous avons constitué une association syndicale libre d’irrigation ce qui nous a permis d’augmenter le taux de subvention du projet et le rendre plus abordable au vu de la hauteur de l’investissement que représente la mise en place d’une retenue collinaire en zone de montagne. Pour maintenir le confort de l’arbre face à la sécheresse, je fais également un semis de couverts et améliore l’apport de matière organique fraîche carbonée. Je ne travaille pas le sol non plus. Grâce à cela, nous avons vu davantage de vers de terre apparaître. Ces derniers favorisent la porosité des sols et facilitent ainsi l’infiltration de l’eau. » Autant de solutions face aux changements climatiques qui assurent la résilience du système de Samuel Correard.
M.-C. S.-B.