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Culture spécialisée

Kanopae, des producteurs de chanvre bio et local

Depuis 2021, François-Guillaume Piotrowski et Ludivine Pellet ont fondé la SARL Kanopae et déposé la marque du même nom, pour leurs produits à base de chanvre biologique qu’ils produisent à Loriol-sur-Drôme. Rencontre.

Kanopae, des producteurs de chanvre bio et local
Le couple de producteurs cultive un hectare de chanvre biologique sur une parcelle située à Loriol-sur-Drôme. ©Elise Menard

Encore trop fréquemment associé à l’image de la drogue, le CBD - ou tout autre produit au cannabidiol issu du chanvre - pâtit d’une notoriété pas vraiment glamour. Pourtant, le CBD - dont la vente et la consommation sont autorisées en France - ne présente aucun effet psychotrope. Au contraire, il est connu depuis bien longtemps pour ses vertus apaisantes (- 8 000 avant Jésus-Christ), au même titre que le tilleul ou la sauge. C’est un produit bien-être en plein essor, ayant démontré ses effets sur la régulation de l’anxiété, le relâchement musculaire, la diminution de l’inflammation, la lutte contre la dépression... La production d’« aliments bien-être » et de cosmétiques à base de CBD est au cœur du projet de François-Guillaume Piotrowski et Ludivine Pellet, installés à Loriol-sur-Drôme. « Après l’obtention de mon baccalauréat agricole STAV (sciences et technologies de l’agronomie) en 2009 à L’Abbaye d’Anchin (près de la frontière belge), j’ai travaillé comme chef de culture dans des exploitations maraichères ou arboricoles. J’ai toujours aimé les productions végétales et je me suis intéressé à la culture du chanvre. J’ai d’ailleurs voyagé aux États-Unis, où la production de chanvre a plus de dix ans d’avance sur la France, puis j’ai travaillé une année en Suisse comme responsable de production de chanvre tandis que ma compagne était responsable de la propagation dans cette même entreprise », prévient François-Guillaume Piotrowski.

Un produit brut et local

Cotisant solidaire sur une surface d’un hectare, le trentenaire cultive annuellement entre 5 000 et 7 000 plants de chanvre à principe actif. Avec sa compagne - guide conférencière de métier -, ils ont fondé en 2021 la société Kanopae et la marque éponyme afin de commercialiser leurs produits. « Les premières cultures de chanvre ont débuté dans le nord de la Drôme, en partenariat avec des agriculteurs propriétaires », se souviennent-ils. Après de nombreux allers-retours administratifs avec l’INAO, ils obtiennent enfin leur certification en agriculture biologique en novembre 2022. 
« L’histoire s’est construite petit à petit, d’autant plus que nous avons complètement autofinancé notre projet, note Ludivine Pellet. En octobre 2023, nous avons pu commercialiser nos premières tisanes composées de chanvre biologique et de plantes aromatiques (mélisse, sauge, tilleul, menthe douce, verveine...) originaires à 80 % de la Drôme (l’oranger vient du Maroc tandis que l’hibiscus provient d’Egypte, ndlr). Notre volonté première était vraiment de proposer notre produit brut ».

Une production de niche 

Après la récolte, la période de séchage (entre 18 et 22 °C, 60 % d’hygrométrie avec brassage d’air constant pendant dix jours pour les fleurs, process plus rapide pour la biomasse, ndlr) et l’effeuillage, les plantes sont ensachées - selon les recettes conçues par Kanopae - par un prestataire tisanier à Buis-les-Baronnies. Les tisanes sont ensuite distribuées dans de grandes enseignes de magasins biologiques (La Vie Claire, Biocoop, Naturalia), mais aussi dans des épiceries, voire même des pharmacies, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans les Pyrénées et même récemment en Suisse. « Depuis un an, on s’aperçoit de l’évolution des mentalités. Les consommateurs, assez réfractaires au départ, montrent beaucoup plus d’intérêts pour nos produits. Nous avons de très bons retours », se réjouit Ludivine Pellet. Face à cette opinion de plus en plus favorable du grand public, le couple aimerait développer sa gamme de produits alimentaires et cosmétiques. « Nous aimerions proposer une gamme bien-être, en gardant cet ancrage local. Ce projet est en plein développement », poursuit la jeune femme.
En parallèle, François-Guillaume Piotrowski a créé, avec trois autres personnes, la société France Botanique Service, pour répondre à trois objectifs : sélectionner, multiplier et distribuer des semences adaptées à nos climats. « Pour tester de nouvelles variétés, nous nous appuyons sur deux centres expérimentaux, dont l’Iteipmai à Montboucher-sur-Jabron (26). Nous avons déposé nos premières variétés en France qui devraient arriver en autorisation de production l’an prochain », conclut-il.

Amandine Priolet
 

François-Guillaume Piotrowski et Ludivine Pellet, producteurs de chanvre et gérants de la SARL Kanopae. ©AP_AD26

Culture  du chanvre : une filière  à structurer

Fondée en 2021, l’association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC) regroupe aujourd’hui 300 agriculteurs sur le millier de producteurs de cannabinoïdes présents sur le territoire national (environ 400 ha au total). Ce collectif, présidé les deux premières années par François-Guillaume Piotrowski (il est aujourd’hui président d’honneur, ndlr), a pour vocation de promouvoir et défendre une culture de chanvre durable et respectueuse de l’environnement, mais aussi de structurer la filière en tenant compte des obligations réglementaires en place. « Nous avons à cœur de développer ce secteur à fort potentiel, de donner de la visibilité à cette culture et se battre pour obtenir une réglementation plus adaptée. Jusqu’à ce jour, nous avons gagné tous les recours qu’on a déposés devant le Conseil d’État », explique François-Guillaume Piotrowski. Malgré tout, sur un marché du CBD sous toutes ses formes à horizon 2025 estimé à 1 milliard d’euros, encore 85 % des produits sont importés. « Nous souhaitons un cadre qui permette à la fois de garantir la qualité de notre produit à nos consommateurs et de mettre fin à toutes ces importations sur lesquelles nous n’avons aucune traçabilité », conclut-il. 

Production de chanvre (fleurs) : Ce qu’il faut savoir
Plantation : en mottes entre fin mai et fin juin.
Transplantation : 15 jours plus tard.
Récolte : entre mi-septembre et fin octobre.
Principal ravageur : la noctuelle défoliatrice.
Irrigation : 1,5 l / plant / jour en moyenne pour un confort hydrique. 

Se former

La chambre d’agriculture de la Drôme organise les 18 et 19 février une formation intitulée « Se diversifier avec le chanvre pour le marché du CBD », pour évoquer les contraintes réglementaires, l’itinéraire technique et les opérations post-récolte, les coûts de production...