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Méthanisation

Métha Collines, 7e unité de méthanisation drômoise

Inauguré vendredi 28 mars, le site construit par la famille Juven à Geyssans valorise chaque année environ 10 500 tonnes de matières en gaz vert.

Par Morgane Eymin
Métha Collines, 7e unité de méthanisation drômoise
©ME-AD26
« Sans la méthanisation, la ferme aurait eu du mal à survivre », déclare Nicolas Juven (au centre), entouré de son père Éric, son frère Maxime, de son frère Loïc et de Sébastien Paolozzi (de gauche à droite).

Sortie de terre entre 2021 et 2023, la SAS Métha Collines vient compléter les activités agricoles de la famille Juven. En polyculture et élevage, l’exploitation gère 70 vaches laitières, 40 vaches allaitantes, 26 000 poules pondeuses, quatre hectares d’abricotiers et quatre hectares de noyers. Trois associés font vivre le Gaec Juven : Éric et ses fils Nicolas et Loïc.

Nicolas Juven a été désigné président de la SAS Métha Collines. Maxime Juven, troisième fils de la famille qui ne travaille pas en agriculture, a investi avec ses frères et son père dans le projet. La famille a aussi pu compter sur l’investissement de l’entreprise Prodeval et d’Aloïs Klein, agriculteur lyonnais. « Le montage a été long avec de gros dossiers pour un gros projet mais aujourd’hui ce sont sept à huit ans de nos vies qui se sont concrétisées », a déclaré Nicolas Juven, lors de l’inauguration du septième site de méthanisation drômois, vendredi 28 mars à Geyssans.

Se diversifier pour survivre

Éric Juven a repris la ferme de ses parents en 1982 avec son frère avant de créer le Gaec en 1985. « À la base, elle faisait trois hectares. Aujourd’hui, avec tous les bâtiments, elle s’étend sur environ 215 hectares dont 50 % sont en prairie », raconte le patriarche. Nicolas Juven et son frère Loïc représentent la quatrième génération d’agriculteurs dans la famille. Ils ont rejoint leur père en 2015 au départ de leur oncle. Des installations qui se présentaient bien jusqu’en 2017. « Nous avons été classés en zone vulnérable. Nous devions nous équiper afin d’être en capacité de stocker au minimum six mois d’effluents d’élevage », rapporte Éric Juven. En 2018-2019, deuxième coup de massue pour l’exploitation familiale. « Nous avons été déclassés et nous sommes passés de zone défavorisée à zone de plaine. Nous avons perdu des milliers d’euros d’aides de la Pac. Ça a tué nos prévisions car on traîne des boulets à nos pieds », relate avec amertume le père de famille.

Les deux digesteurs, des cuves étanches de six mètres de haut et de 22 mètres de diamètre, sont chauffés à 39°C. ©ME-AD26

La méthanisation s’est donc présentée comme « le cercle le plus vertueux que nous ayons trouvé », précise Nicolas Juven. Sans ça, la ferme aurait eu du mal à survivre ». Cette diversification « nous permet d’éviter le stockage dans les champs et d’obtenir un complément de revenus… Même si cela nous fait du boulot en plus. Ici, on gagne du temps car nous n’avons pas à aller épandre, on travaille au propre et nos voisins agriculteurs en profitent aussi ». Depuis 2023, la SAS Métha Collines valorise localement les déchets de cinq autres fermes.

10 500 tonnes de matières transformées

Pour ce projet à 5,3 millions d’euros*, à rembourser sur quatorze ans, les Juven se sont fait accompagner par Aloïs Klein, agriculteur déjà à la tête de Méthamoly, une unité de méthanisation située à Saint-Denis-sur-Coise, dans la Loire. Depuis la naissance du projet en 2019, ils ont aussi pu compter sur le soutien et l’expertise de l’entreprise drômoise Prodeval, spécialiste de l'épuration membranaire, et de GRDF pour le raccordement. Les 10 500 tonnes de matières (fumier, déchets de transformation de fruits, lactoserum…) transformées en digestat permettent de fertiliser 500 hectares de terre. « Nous fertilisons bien plus nos cultures grâce au digestat et nous faisons des économies sur les engrais. Avant, nous n’en utilisions pas beaucoup grâce au fumier mais, maintenant, nous avons pu réduire encore de moitié notre consommation », détaille Nicolas Juven.

L’unité de méthanisation permet de produire 7,5 Gwh/an, soit l’équivalent de la consommation de 1 875 logements neufs. Les associés ont signé un contrat de quinze ans avec le groupe GEG, fournisseur de gaz grenoblois, pour valoriser son gaz vert. Pour gérer l’approvisionnement des cuves et le retour aux champs, un temps plein est nécessaire. « Notre point fort, c’est que 80 % des parcelles se trouvent entre 3 et 4 kilomètres, ajoute Nicolas Juven. Que ce soit pour la gestion du territoire et des déchets car sur le secteur nous sommes entourés d’élevages ou pour la création de gaz local, nous essayons de faire au mieux. Aujourd’hui, l’agriculture doit avoir une belle image donc nous développons des solutions pour que tout le monde s’y retrouve ».

* Sur 5,3 millions d’euros, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a investi 469 000 € et l’Ademe 276 971 €. GRDF a financé 60 % du coût de raccordement.

Énergie

La Drôme, « Silicon Valley régionale du gaz vert »

La Drôme, « Silicon Valley régionale du gaz vert »
©ME-AD26
Lors de l’inauguration du site, de nombreux élus et professionnels du secteur de l’énergie avaient fait le déplacement.

La Drôme, « Silicon Valley régionale du gaz vert »

Largement félicitée pour son expertise et son accompagnement du projet, l’entreprise Prodeval, basée à Châteauneuf-sur-Isère, « filière innovante », contribue à positionner la Drôme « dans le top 5 régional » sur le gaz vert, selon Christophe Leroy, directeur territorial Auvergne-Loire-Drôme-Ardèche de GRDF.

« La France est leader en sites de méthanisation. La Drôme devient la Silicon Valley régionale du gaz vert. Avec la charte régionale "Ambitions biogaz en 2028*", à l’horizon 2030, l’objectif est d’injecter du biogaz à hauteur d’au moins 16 % de notre consommation annuelle », précise-t-il.

Non-délocalisable

Signataire de la charte « Ambitions biogaz en 2028* », de par sa casquette de présidente du Syndicat d’énergie de la Drôme, Nathalie Nieson, aussi maire de Bourg-de-Péage, a rappelé que cette unité participe à la « souveraineté énergétique » du territoire. « Nous avons vu à travers les derniers conflits, comme en Ukraine, l’importance de l’énergie locale. Avec ce projet, nous sommes en plein dans le mille sur des enjeux de souveraineté alimentaire et énergétique », a t-elle déclaré. 

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« On importe encore 40 % de gaz vert des États-Unis. Dans la région, nous avons aujourd’hui environ 150 unités. Pour atteindre nos objectifs, il nous en faudrait 600 d’ici 2030 », a fait savoir Simon Yaspo, directeur régional adjoint. Si la SAS Métha Collines devient la septième unité de méthanisation départementale, sept autres projets similaires sont en cours de construction sur le territoire.

* « Ambitions biogaz en 2028 » est une charte partenariale régionale pour accompagner le développement des biogaz et gaz bas carbone. Elle a été signée par l’État, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, l’Ademe, la chambre d’agriculture régionale, Territoire d’énergie Auvergne-Rhône-Alpes, GRDF, GRT Gaz, et BPI France. Ses objectifs s’accordent à ceux du Schéma régional biomasse qui vise à l’horizon 2035 « une mobilisation de 12 millions de tonnes de matières brutes méthanisables ».