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Coopérative

À Valsoleil, « notre modèle doit changer »

Lors de son assemblée générale, mardi 18 mars à Montélier, Valsoleil a dressé le bilan de l’année 2024 et exposé ses projets d’évolution.

Par Morgane Eymin
À Valsoleil, « notre modèle doit changer »
©ME-AD26
« Christian Veyrier, ancien président, avait dit avant son départ que nous étions à la veille de prendre un virage au sein de la coopérative. Je crois que nous y sommes et que nous avons réagi à temps. Un de nos prochains combats : nos coûts de distribution. Les coopératives qui n’évoluent pas se voient mourir à petit feu », a conclu Lionel Eydant, président de Valsoleil.

En 2023-2024, la coopérative Valsoleil a vu son chiffre d’affaires baisser pour atteindre 132 M€ (-9 %). « Nous avons la conviction que le monde évolue, que le comportement des clients change… Nous devons changer, notre modèle doit changer, notamment sur la distribution », a déclaré Jean-Charles Denis, directeur de la structure, aux adhérents. 

Filières volaille

Comme à l’accoutumé, l’assemblée générale de Valsoleil a débuté avec le bilan de chaque section. Dans le détail, la filière volailles de chair (44,2 M€, soit -10 %) regroupe 140 adhérents et produit environ quatorze millions de volailles par an. « Le prix unitaire des volailles et des oeufs a baissé, ça impacte le chiffre d’affaires alors que l’activité en volume est identique », précise Jean-Charles Denis. Sur les poulets labels, « au niveau national, nous avons vu une baisse de la production. Nous, nos abattoirs ont tenu la route », a rapporté Yannick Charroin, responsable développement volailles de chair. Sur le bio, avec « la crise liée à la baisse du pouvoir d’achat », la production continue de chuter en 2023-2024 (-22,1%). 

Les constructions de nouveaux bâtiments label par l’Isérois Nicolat Moyat et par le Drômois Thierry Clairefond s’avèrent être des « faits marquants » sur le développement de la filière. « Nous avons besoin que les constructions reprennent », a insisté Jean-Charles Denis. L’objectif étant d’augmenter les volumes de production, notamment pour les filières Poulet de mon enfance, Jardin d’hiver ou label rouge. De son côté, Mohamed Abou Ali, directeur de l’abattoir les Volaillers du Dauphiné Capag à Châteauneuf-de-Galaure, alerte sur la « saturation de l’outil et la volonté pour 2025 de le développer », en agrandissant le bâtiment pour assurer l’approvisionnement. 

La filière ponte (31,6 M€, soit -11 %) regroupe 46 adhérents. Son chiffre d’affaires a baissé notamment en raison de « l’arrêt de l’achat/vente d’une partie des œufs, basculé en prestation de calibrage uniquement » et de la « baisse du tarif de l’œuf ». Le marché bio s’est stabilisé après une baisse conséquente en 2022-2023. Le maintien de l’activité avec le groupe Cocorette est perçu comme une « bonne surprise ». Guillaume Caël, responsable de section, annonce que le nombre d’oeufs traités par le centre de conditionnement à Montéléger va passer « de 160 à 220 millions prochainement ». 

Concernant l’usine Ucab à Crest, repris en 2007 par Valsoleil, le partenariat avec l’entreprise Sanders s’intensifie. La production d’aliments pour animaux d’élevage devrait poursuivre son évolution avec d’importants investissements. Objectif : plus de performance pour les éleveurs. 

L’agrofourniture

L’agrofourniture représente toujours la seconde activité principale de Valsoleil (43 M€ soit -8,3 %). « Le contexte est mouvementé car nous avons eu une météo capricieuse », rapporte Dominique Dubeuf, responsable service approvisionnement. La vente d’engrais a dégringolé de 21,5 % en valeur un an. Baisse aussi prononcée dans les aliments de bétail (-16,7%) ou encore dans l’irrigation (-20%). La vente de produits phytosanitaires grimpe de 10 %. Les engrais chimiques évoluent (+12 %) contre une baisse de 15 % des engrais organiques. Concernant l’horticulture, l’activité est « en déclin dans notre région avec le non-remplacement générationnel, les difficultés économiques et pour trouver de la main-d’œuvre ». 

Fruits et légumes et semences

La section fruits et légumes (4,7 M€) voit son chiffre d’affaires baisser (-25%). Valsoleil essuie une baisse conséquente de 48 % pour les fruits d’été (abricot, pêches, nectarines) en 2024. Raphaël Dessemond, responsable de la section, pointe du doigt les aléas climatiques, notamment pour les abricots. Les bonnes récoltes en Espagne et en Italie ont aussi pénalisé l’export et 73 % de la production a été vendue en France. Pour les noix (-52,3%), la récolte 2023 a presque été divisée par trois avec beaucoup de cerneaux noirs. Pour le reste, la vente de tomates évolue (+14,8 %) et les fruits d’automne (poire-prune) diminuent (-5,3%). Enfin, Valsoleil a explosé en production d’amandes (+1 100%) passant de 2 à 24 tonnes. 

La filière semences représente 5,7 M€ du chiffre d’affaires de Valsoleil en 2023-2024 (+2,5 %), notamment avec plus de vente de pommes de terre, de tomates et des semences de printemps. Le service agro poursuit des essais sur les variétés, les produits de protection des plantes, la fertilisation et l’irrigation.

 

Top semence, le « sujet de l’année »

Top semence, le « sujet de l’année »
©ME-AD26
« Je ne pensais pas que cela arriverait si vite. Pour moi, c’est un vrai choc. La volaille peut encore être un levier pour les exploitations. Michel, nous avons vécu une longue trajectoire ensemble », a déclaré Christian Veyrier, ancien président de Valsoleil au sujet de Top Semence et du départ à la retraite de Michel Thibaud.

« Les difficultés que Top Semence rencontre se voient sur les comptes de la coopérative. Cet impact financier est lourd de conséquences pour Valsoleil mais nous soutenons toute une filière régionale dans laquelle nous sommes depuis longtemps engagés », a déclaré Lionel Eydant. Pour rappel, Valsoleil détient 19 % de son capital. Ainsi, la coopérative a décidé d’avancer à Top Semence « la valeur exacte du mandat des apports de ses adhérents sur les cultures d’automne pour une valeur de 3,85 M€ ». 

Gérer la décroissance 

Un plan social est en cours au sein de Top Semence. Il prend la forme d’un plan de licenciements qui concerne la moitié des effectifs de la structure. « Il y a un risque d’effet papillon sur la coopérative, prévient Jean-Charles Denis. Nous avons choisi d’assurer les provisions financières en une fois ». Ainsi, les résultats de Valsoleil s’avèrent « très déficitaires ». Dans une vidéo, Cyril Jeannot, directeur de Top Semence, parle d’un « marché aux clients instables » avec « une concurrence entre acteurs de production qui s’est exacerbée » tout en vantant les atouts de l’agriculture régionale et ses « bons résultats » en maïs en 2024. Jean-Charles Denis indique aux adhérents que le périmètre de Top Semence chute depuis dix ans. Il questionne le choix fait par la filière semences de la vente de génétique aux pays de l’Est. Selon lui, ces éléments cumulés ont contribué à la situation actuelle de Top Semence. 

« Demain, la structure passera de 19 à 10 espèces traitées », indique le directeur de Valsoleil, exposant la cession du site de La Côte-Saint-André et la saturation du site de La Bâtie-Rolland. « C’est délicat de gérer la décroissance. Il y a des salariés et des familles derrière mais, malheureusement, il n’y a pas d’autres choix possibles, reconnaît Jean-Charles Denis. Nous pensons qu’accompagner Top Semence à se restructurer vaut mieux que de se désengager. Se désengager, ça aurait voulu dire ne pas payer les producteurs. Le plan proposé par Top Semence me semble pertinent. Il faut passer le cap et le tenir ». La situation « n’a pas pour autant effrayé les obtenteurs. Nous sommes en progression au minimum de 15 % des surfaces de maïs semences et, en tournesol, nous baissons moins que nos concurrents. 2025 est une année de transition pour Top Semence qui a la trésorerie suffisante pour affronter l’avenir, expose Lionel Eydant, aussi président de cette union de coopératives. Je n’ai pas envie de faire vivre à Valsoleil ce que je vis à Top Semence actuellement. Heureusement, nous n’en sommes pas là, mais nous devons être très vigilants et prudents car nous ne savons jamais ce que l’avenir nous réserve ».